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Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Mes chers collègues, notre réunion de cet après-midi intervient à un horaire quelque peu inhabituel mais elle se justifie par la situation plus que préoccupante que subit actuellement le Soudan, ainsi que par la nécessité pour notre commission de contrôler l'action récemment entreprise par le Gouvernement pour préserver nos intérêts et nos ressortissants sur place.

Afin de nous éclairer sur ce que l'on peut qualifier de guerre civile en cours à Khartoum, au Darfour et dans le reste du pays, ainsi que sur les mesures engagées et le rôle que notre pays entend prendre dans les initiatives pour un retour au calme et à la paix civile, j'ai demandé à deux responsables clés du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur ce dossier de venir devant nous aujourd'hui.

Monsieur Stéphane Romatet, vous êtes directeur du centre de crise et de soutien (CDCS). Vous avez été aux premières loges des opérations d'évacuation de nos ressortissants et de notre personnel diplomatique mais aussi de nombreux civils et diplomates d'autres pays. Vous pourrez nous expliquer comment vos services et le ministère des armées ont planifié ces interventions délicates qui ont été un réel succès.

Monsieur Christophe Bigot, vous êtes le directeur de l'Afrique et de l'océan indien au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. À ce titre, vous êtes un observateur privilégié de tout ce qui advient dans cette région de l'Afrique, que vous analysez pour le compte des plus hautes autorités de l'État, en étroite collaboration avec les ambassadeurs en poste dans chaque pays de la zone. Votre vision nous sera particulièrement utile pour apprécier les origines de la crise, ainsi que la manière dont notre diplomatie peut participer à une issue.

Monsieur Jean-Christophe Belliard, notre ambassadeur actuel en Côte d'Ivoire, qui connaît bien le continent africain, me rappelle régulièrement combien l'Afrique de l'Est, peut-être plus encore que l'Afrique de l'Ouest, doit être un sujet de préoccupation. Je suis donc ravi que cette audition soit l'occasion de nous éclairer sur ce sujet.

Situé dans le Nord de l'Afrique, en bordure de la mer rouge, entre l'Égypte et l'Érythrée, le Soudan est traversé de part en part par le Nil et constitue le troisième plus grand pays du continent, en superficie, après l'Algérie et la République démocratique du Congo.

Depuis l'indépendance de 1956, l'histoire du pays a été fortement marquée par les tensions centrifuges entre le Nord et le Sud, lequel est devenu indépendant sous le nom de Soudan du Sud, en juillet 2011.

Cette sécession du Sud, région disposant de plus de 80 % des réserves en hydrocarbures du Soudan originel, a indéniablement déstabilisé l'assise du régime du général Omar el-Bechir, parvenu au pouvoir en 1989 par un coup d'État. Ce dernier a dû en effet prendre des mesures d'austérité en 2018, qui ont provoqué une forte inflation et ont conduit la population à se soulever. Il a été destitué et remplacé par un conseil militaire de transition, composé aussi de civils, le 11 avril 2019.

À l'automne 2021 ont débuté des affrontements entre les militaires et le gouvernement civil. Le général Abdel Fattah Abdelrahman Burhan, chef des forces armées soudanaises (FAS), a fini par prendre le pouvoir avec, à ses côtés, le général Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemetti, qui dispose pour sa part de l'appui de forces paramilitaires, les forces de soutien rapide (FSR). Depuis le 15 avril dernier, ce binôme a volé en éclat puisque les FSR et les FAS s'affrontent pour le contrôle des sites gouvernementaux dans plusieurs villes, notamment à Khartoum.

Le 22 avril, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé la fermeture de notre ambassade sur place, où étaient réfugiés les personnels et leurs familles, tandis que l'ambassadrice était bloquée à la résidence de France. Sur décision des autorités françaises, l'opération Sagittaire, impliquant notamment des moyens de l'armée de l'air et la frégate Lorraine, a permis d'exfiltrer du pays plus de 1 000 personnes, dont des personnels de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et des diplomates étrangers, ainsi qu'environ 216 ressortissants et leurs ayants-droit.

Cette tâche était complexe et il convient de saluer l'implication de nos diplomates et personnels militaires, dont l'un a été blessé.

Aujourd'hui, malgré l'annonce de plusieurs cessez-le-feu malheureusement sans effet notable, la guerre civile se prolonge. Ses conséquences sont vertigineuses : selon l'ONU, les combats auraient déplacé plus de 330 000 personnes à l'intérieur du pays, tandis que 100 000 autres au moins auraient fui vers les États frontaliers, notamment l'Égypte, l'Érythrée, l'Éthiopie, le Tchad et la République centrafricaine, au risque d'étendre les tensions déstabilisatrices dans une région déjà fragile. Le nombre de victimes, à ce stade inchiffrable, s'annonce d'ores et déjà considérable – sans doute plusieurs milliers de morts.

Il apparaît donc urgent d'œuvrer à la recherche d'une solution négociée. En l'espèce, la France, qui n'a pas exercé de tutelle coloniale sur ce pays, dispose de relais auprès des belligérants, qui créditent notre pays d'avoir organisé à Paris une conférence internationale d'appui à la transition, en mai 2021. Nous avons donc un rôle à jouer et cette commission sera aussi heureuse de vous entendre sur ce point.

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