Intervention de Rima Abdul-Malak

Réunion du mercredi 24 mai 2023 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rima Abdul-Malak, ministre :

L'intelligence artificielle va percuter tous les secteurs de la culture. Nous sommes, madame Calvez, en train d'évaluer son impact, en coopération avec le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et l'ensemble des institutions culturelles concernées, dont l'audiovisuel pour la fiabilité de l'information, et la littérature. On ne peut résumer en une minute ce sujet éminemment complexe, dont nous devrons reparler.

Je le redis, monsieur Odoul : hier, je présentais au Sénat mon premier projet de loi en qualité de ministre. Il porte sur la restitution des biens culturels spoliés aux familles juives entre 1933 et 1945. Visiblement, vous ne jugez pas ce sujet suffisamment important et vous auriez préféré que je sois au Mont-Saint-Michel. Soyez rassuré, le millénaire de l'abbatiale est signalé en lettres clignotantes sur mon agenda ; la célébration durant jusqu'en novembre, j'ai bien l'intention d'y aller. Je continuerai aussi d'assister à des concerts de rap, ce n'est pas incompatible. La Fondation Louis Vuitton est un lieu intéressant du paysage culturel parisien, et l'exposition « Basquiat × Warhol, à quatre mains » vaut le détour ; je vous la conseille.

M. Christophe Marion s'inquiète de l'économie des festivals. On en dénombre 7 000 en France, très divers en tailles, en esthétiques et en implantations. Le fonds Festivals créé lors de la pandémie existe toujours, en sortie de crise, pour accompagner le secteur avec le CNM, mais il existe des festivals dans d'autres domaines que la musique. Plusieurs propositions sont analysées, dans un dialogue constant avec les collectivités, car l'État ne peut soutenir seul les festivals qui, historiquement, l'ont beaucoup plus été par les collectivités.

Pour ce qui est de l'impact possible des Jeux olympiques de 2024 sur les festivals, je vous rassurerai, monsieur Corbière, en disant à nouveau que nous avons ajusté les dates d'un faible nombre de très grands festivals : ceux qui ont lieu en plein air, debout, avec un public massif et dont la sécurité demande la présence d'unités de forces mobiles. Les autres festivals suivront la procédure usuelle, demanderont une autorisation à la préfecture, et rien ne changera. S'il est prévu qu'un festival ait lieu le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux ou le jour où une ville a décidé de créer des fan-zones, des discussions locales ont lieu, comme il est normal. Gérald Darmanin, Amélie Oudéa-Castéra et moi-même avons signé une circulaire commune en nous concentrant sur les festivals sécurisés par des unités de forces mobiles et, comme je l'ai indiqué, seule la tenue du festival Lollapalooza est sans solution à ce jour en dépit d'une proposition du maire de Sceaux. Les dates de tous les autres festivals sécurisés avec des unités de forces mobiles ont été validées et l'été 2024 sera autant culturel que sportif – j'y tiens.

Beaucoup de questions ont porté sur le cinéma. Le prix moyen des places est plutôt bas en France ; il faut travailler à des assouplissements pour les exploitants mais, même si j'entends bien sûr qu'en cette période d'inflation, une sortie en famille au cinéma peut coûter cher et impliquer des choix difficiles, je vois mal comment plafonner les prix des billets.

Le secteur du film d'animation est vital pour nos industries créatives. Nous avons les meilleures écoles et, à Annecy, le meilleur festival spécialisé ; je m'y rendrai d'ailleurs très bientôt et je parlerai avec les élus du projet que vous avez mentionné, madame Riotton.

Comme l'ont montré les réponses à l'appel à projets « Alternatives vertes », l'industrie du film d'animation innove beaucoup en matière de décarbonation Voilà qui me permet de répondre à M. Arenas que pour réduire la consommation énergétique dans les salles de cinéma nous soutenons le passage des projecteurs équipés de lampes au xénon vers des projecteurs laser ; la discussion est en cours avec la Fédération des salles de cinéma. D'autre part, nous travaillons depuis plusieurs mois avec le CNC à l'éco-conditionnalité des aides au tournage, sachant qu'être plus verts ce n'est pas uniquement traiter les déchets mais s'attacher à réduire l'empreinte carbone à tous les stades du tournage.

Madame Loir, vous estimez insuffisants les 350 millions d'euros dont est dotée La Grande Fabrique de l'image au regard de 15 milliards d'investissements par ailleurs. Mais ce plan vise à avoir un effet de levier. Nous estimons que, pour les infrastructures de tournage, chaque euro investi par l'État entraînera l'apport de trois euros par des investisseurs privés ainsi rassurés et mobilisés. L'État n'a pas vocation à nationaliser des studios de tournage : il n'y aura pas de studios de tournage entièrement publics. L'État vient en appui des opérateurs privés pour aider à implanter ces studios dans des territoires qui en sont dépourvus – à Reims, à Tourcoing, à Marseille… – et à agrandir et moderniser ceux qui existent déjà. Les formations représentent un investissement très significatif. Trente-quatre organismes vont se développer, pour doubler la capacité de formation actuelle dans ce secteur. L'aide du secteur privé est évidemment moindre pour ce volet d'action et l'État soutiendra toutes ces structures. Ces formations, madame Mette, concernent l'ensemble des métiers de la filière et je vous en communiquerai la liste complète. Je peux, de mémoire, mentionner déjà le numérique, les effets visuels, le son, l'image, le scénario, la réalisation et tous les métiers techniques.

Vous avez porté une attention soutenue au projet de loi de restitution des biens spoliés qui vous sera bientôt soumis. Je vous en remercie. Grâce à cette loi-cadre, il ne sera plus besoin de lois spécifiques et l'on en finira avec des délais de restitution qui se comptent en années, comme l'a expliqué Estelle Folest, quand bien même l'accord de principe est général. L'année dernière, une loi présentée par Mme Roselyne Bachelot et votée à l'unanimité a permis de restituer une quinzaine d'œuvres ; jusqu'à présent, il fallait attendre quelques années pour regrouper les œuvres avant de présenter au Parlement une loi spécifique permettant les restitutions. Cette fois, on fixe un cadre pour déroger au principe de l'inaliénabilité des collections publiques dans des conditions strictement définies et après avis de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS).

Monsieur Le Vigoureux, le principe de réparations financières a été prévu lors de création de la CIVS, qui a émis 146 recommandations pour un montant de 3,6 millions d'euros en 2020 et de 4,3 millions en 2021. Des budgets existent donc déjà. Je rends hommage au président Jacques Chirac, dont le discours marquant prononcé en 1995 lors de la commémoration de la rafle du Vél d'hiv a ouvert ce chemin de justice et de vérité historique.

Bertrand Sorre, et Raphaël Gérard par sa voix, s'interrogent sur l'articulation entre rénovation énergétique et préservation du patrimoine. Les deux enjeux ne sont pas antinomiques et nous avons rédigé une circulaire interministérielle visant à favoriser le développement du photovoltaïque tout en préservant le patrimoine.

Vous serez tous invités, en septembre, à l'inauguration de la Cité internationale de la langue française. Nous travaillons très bien avec le maire de Villers-Cotterêts, madame Ranc, sur tout ce qui concerne ce projet symbolique de la politique culturelle dont j'ai décrit les axes dans mon propos liminaire. À Villers-Cotterêts, on retrouve tous ces enjeux : l'éducation artistique, la lecture, la transmission, la redynamisation du lien entre la France et les autres pays du monde francophone, l'accueil des artistes en résidence. Il y aura, à la Cité internationale, une douzaine d'ateliers d'artistes de toutes disciplines, un auditorium pour des films, des spectacles, des concerts, des débats. Il y aura aussi une exposition permanente et un parcours permettant de mieux connaître l'histoire du château, celle de la langue française et son lien avec la nation, la construction de la nation et l'État français et son lien avec les langues régionales et les langues du monde francophone. C'est un projet d'aménagement du territoire, de désenclavement, d'éducation, de transmission, de culture dans tous les sens artistiques du terme. Nous pourrons en reparler après l'ouverture.

La restauration de Notre-Dame de Paris mobilise un très grand nombre d'artisans, de compagnons, d'entreprises, de donateurs et l'on souhaite rendre hommage à chacun de ceux qui apportent leur pierre à l'édifice, si je puis dire. Des discussions sont encore en cours à ce sujet car il y a mille manières de leur témoigner la reconnaissance qui leur est due. Pour l'instant, le chantier avance et une étape décisive a eu lieu mi-avril avec la pose du tabouret, ce qui va permettre d'élever la flèche.

Je remercie Mme Brugnera de ses propos concernant les dérives auxquelles nous assistons dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec une méthode regrettable. Toute la politique culturelle française, depuis André Malraux, s'est construite dans un partenariat entre l'État et les collectivités. Les gens marchent ensemble, on discute, on se met d'accord dans des conseils d'administration. On peut être en désaccord mais on échange, on signe ensemble des conventions pluriannuelles d'objectifs pour donner aux organismes une visibilité à trois ans. En Auvergne-Rhône-Alpes, c'est l'inverse : des décisions sont prises de manière unilatérale, sans concertation avec les autres partenaires et sans explication claire sur les raisons et les critères qui les motivent. Pourquoi cibler le seul théâtre jeune public de Lyon, qui accueille des élèves de toute la région ? Pourquoi cibler le festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, tremplin pour les jeunes talents, touchant un public très jeune, et reconnu dans le monde entier ? À Cannes, tous mes interlocuteurs étrangers m'en parlaient !

L'incompréhension étant dite, de quels leviers disposons-nous ? Le premier est d'échanger avec les maires et les élus concernés, ce que j'ai commencé de faire, et de s'associer pour réfléchir à des solutions alternatives permettant de continuer à soutenir ces structures culturelles qui ne peuvent être ainsi fragilisées du jour au lendemain. Je souhaite, en miroir, mettre l'accent sur le travail positif mené avec d'autres collectivités : la région Hauts-de-France et plusieurs maires de cette région, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et plusieurs de ses maires, la région Occitanie ; je pourrais citer de multiples autres exemples. Ce qui se passe en région Auvergne-Rhône-Alpes ne doit pas donner l'impression d'une vague générale de désengagement de la culture, alors que des élus, ailleurs, sont engagés dans des projets ambitieux, maintiennent leurs subventions et les augmentent même quand ils le peuvent. Je leur rends hommage.

Madame Ranc, que vous dire sinon que l'obligation de pluralisme posée par la loi s'applique à toutes les chaînes ? J'ai le souvenir d'une intervention du CSA à l'encontre de France Télévisions, il y a une dizaine d'années, à la suite d'un reportage portant sur un quartier de Grenoble. Le CSA avait jugé ce reportage insuffisamment équilibré et souligné que France Télévisions aurait dû assurer la diversité des points de vue sur ce sujet qui prêtait à controverse. De même, le CSA est intervenu auprès de CNews après une tribune de militaires dénonçant unanimement le délitement de la France, et a adressé une mise en garde à la chaîne en pointant l'absence de diversité des points de vue exprimés. La défense du pluralisme, c'est cela. C'est exactement ce qui est écrit dans la loi, et le rôle de l'Arcom est de vérifier que la loi est respectée et d'intervenir si elle ne l'est pas.

Une des propositions contenues dans le courrier adressé par l'ACP à la Première ministre, visiblement diffusé à la presse et que vous avez évoqué, est effectivement de fixer un cahier des charges pour chaque chaîne de France Télévisions. Depuis 2009, date de naissance du groupe, un cahier des charges global est défini, fixant aux chaînes des missions précises. Les chaînes du groupe ont des identités différentes et ce débat peut avoir lieu, mais je comprends mal le lien entre votre intervention sur le pluralisme et ce courrier.

Madame Mette, nous pourrons revenir sur la proposition faite par M. Laurent Lafon de créer une holding de l'audiovisuel public après que nous aurons pris connaissance des conclusions, le 7 juin prochain, de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public. L'intéressant débat sur l'organisation de l'audiovisuel public dure depuis des années. La méthode que j'ai choisie à mon arrivée au ministère est de commencer par travailler sur les objectifs, les missions, la stratégie d'avenir et d'analyser les synergies qui ont porté leurs fruits puis de se demander si un changement d'organisation est absolument nécessaire pour faire mieux ou si les coopérations déjà très fortes et qui se sont approfondies ces deux ou trois dernières années peuvent être renforcées dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, sans passer par un changement d'organisation qui prend nécessairement du temps. De plus, une holding se superpose aux structures existantes, ce qui induit des coûts et des hiérarchies supplémentaires. Est-ce la meilleure manière de porter une ambition nouvelle pour l'audiovisuel public ? Je me pose la question comme vous vous la posez certainement, et nous pourrons en débattre. Il est légitime de la poser, mais d'autres chemins sont possibles.

Pierre Henriet et à travers lui Fabienne Colboc m'ont interrogée sur les métiers d'art. J'ai eu le plaisir d'inaugurer la Maison des savoir-faire de Villaines-les-Rochers et je me suis aussi rendue au centre international d'art verrier de Meisenthal et à la Cité du vitrail de Troyes. Dans le cadre de France 2030, nous avons lancé un appel à manifestations d'intérêt pour créer ou soutenir des pôles territoriaux pour les métiers d'art ; nous analysons, avec la Caisse des dépôts, les dossiers reçus. Nous pourrons ainsi accompagner financièrement la structuration de plusieurs pôles de savoir-faire régionaux, lieux de partage de ressources, d'outils, de matériaux, parfois de vitrine, de vente, de formation. La dimension d'ancrage dans les territoires est très forte – c'est d'ailleurs le plus fort budget dans notre plan métiers d'art. Gardons-nous aussi d'oublier les manufactures qui dépendent du ministère de la culture – la manufacture des Gobelins, les tapisseries d'Aubusson, le Mobilier national, Sèvres et Limoges – elles-mêmes ancrées dans les territoires et que nous continuerons de soutenir.

Vous avez dû, madame Duby-Muller, entendre ma position au sujet des réécritures d'œuvres. Sur celles qui ont lieu avec l'accord des auteurs il n'y a évidemment rien à dire et, parfois, il est heureux qu'elles aient lieu. Quand Hergé a modifié Tintin au Congo parce que certains passages étaient racistes, c'était son choix. De même, Agatha Christie avait donné son accord au changement de titre que vous avez mentionné. Ce qui gêne, ce sont les réécritures sur lesquelles l'auteur ne peut donner son avis, alors qu'il y a des moyens de contextualiser, de mettre en perspective certains mots qui peuvent heurter aujourd'hui, par une note de bas de page ou un texte en préface. Il y a bien des manières de faire, comme l'a montré l'éditeur Gallimard pour Roald Dahl. Le bon sens des éditeurs permet d'agir sans aller jusqu'à effacer des mots ou réduire des textes et donc transformer l'original. Il faut leur faire confiance et, au-delà, au milieu culturel. Je ne suis pas certaine qu'il faille une loi. Il y a une mobilisation de notre secteur, un observatoire de la liberté de création, un engagement de tous les milieux de la culture qui me rassure et me donne de l'espoir pour la préservation de la liberté de création et d'expression, la contextualisation étant toujours possible.

Monsieur Crozier, la couverture des risques maladie, maternité et vieillesse pour les intermittents du spectacle fait l'objet d'échanges réguliers entre le ministère et la direction de la Sécurité sociale pour clarifier ce sujet complexe et éviter les mauvaises interprétations de situations individuelles. Un projet de circulaire relative aux indemnités journalières pour maladie et maternité des travailleurs salariés comporte un volet sur les règles applicables aux intermittents ; nous l'avons annoncé au bureau du Conseil national des professions du spectacle. Des échanges techniques à ce sujet ont encore lieu avec la direction de la Sécurité sociale mais cette circulaire peut aider à clarifier certains points, notamment pour les congés maternité.

1 commentaire :

Le 02/06/2023 à 20:46, Aristide a dit :

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"L'intelligence artificielle va percuter tous les secteurs de la culture. Nous sommes, madame Calvez, en train d'évaluer son impact, en coopération avec le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et l'ensemble des institutions culturelles concernées, dont l'audiovisuel pour la fiabilité de l'information, et la littérature. On ne peut résumer en une minute ce sujet éminemment complexe, dont nous devrons reparler.

Réponse de chatgpt (en 10 secondes) :

En effet, l'intelligence artificielle (IA) a un potentiel d'impact significatif sur tous les secteurs de la culture. Je suis ravi d'entendre que vous évaluez son impact en collaboration avec le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ainsi que d'autres institutions culturelles.

Dans le domaine de l'audiovisuel, l'IA peut être utilisée pour améliorer la fiabilité de l'information. Par exemple, des algorithmes d'apprentissage automatique peuvent être développés pour détecter et filtrer les fausses informations, contribuant ainsi à garantir une meilleure qualité de l'information diffusée.

En ce qui concerne la littérature, l'IA peut également jouer un rôle important. Des systèmes d'IA peuvent être utilisés pour analyser des textes, détecter des tendances littéraires, recommander des livres aux lecteurs en fonction de leurs préférences, ou même générer du contenu littéraire de manière automatique. Cependant, il est important de noter que l'utilisation de l'IA dans ce domaine soulève également des questions liées à la créativité, au droit d'auteur et à la valeur artistique.

Comme vous l'avez souligné, il est difficile de résumer en une minute un sujet aussi complexe que l'impact de l'IA sur la culture. Il est essentiel de poursuivre les discussions et les recherches pour comprendre pleinement les implications de l'IA et pour garantir que son utilisation se fasse de manière éthique et respectueuse des droits de propriété intellectuelle.

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