Intervention de Olivier Thibault

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Olivier Thibault :

Ma candidature au poste de directeur général de l'OFB a été mûrement réfléchie – elle est, finalement, l'aboutissement d'une préparation qui s'est faite par étapes au cours des vingt dernières années de ma carrière.

Fort des compétences techniques acquises à l'issue d'une formation d'ingénieur des eaux et forêts, j'ai construit pas à pas ma carrière dans le domaine de l'eau et de la biodiversité. J'ai commencé comme chef d'un service d'ingénierie, un poste extrêmement formateur après des études théoriques. J'ai compris ce qu'est un projet, comment déposer les dossiers de subventions, comment obtenir les autorisations, bref, à mettre les mains dans le cambouis. Cela m'a aussi permis de connaître le code des marchés publics et autres systèmes administratifs, ce qui m'a été très utile par la suite.

J'ai ensuite été chef d'un service environnemental et chef d'une mission interservices de l'eau et de la nature. Cela m'a permis de voir comment donner les autorisations environnementales diverses et variées, la coordination de services différents sur les mêmes politiques publiques, et aussi d'aborder les enjeux de planification – la mise en œuvre de Natura 2000, l'organisation des services départementaux et, d'une manière générale, le fonctionnement préfectoral et des différentes collectivités.

En administration centrale, où je suis actuellement directeur de l'eau et de la biodiversité, j'ai pu appréhender la façon dont les règles sont établies et les lois préparées puis discutées dans les assemblées parlementaires, avant d'être traduites en textes réglementaires. J'ai également découvert et approfondi le travail à l'échelon supranational, puisque le domaine de l'eau et de la biodiversité est largement couvert par des règlements et directives européennes, dont certaines, très structurantes, sont d'ailleurs en cours de discussion – je pense au règlement sur la restauration de la nature. Sans prétendre être incollable dans les domaines de l'eau et de la biodiversité, j'ai comme atout d'avoir appris à qui poser les questions et où chercher les réponses.

Conscient qu'un excellent technicien peut être un très mauvais manager ou chef d'établissement, j'ai beaucoup travaillé sur les questions de management, fonction que j'apprécie et que je recherche. J'ai été, durant neuf ans, à la tête d'établissements publics de l'État, en agence de l'eau dans le bassin Artois-Picardie, puis comme directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). J'ai donc une expérience et un savoir-faire du fonctionnement d'établissements publics, tant d'un point de vue financier – l'agence de l'eau Artois-Picardie a un programme d'1 milliard d'euros sur six ans, qui implique d'avoir des relations très étroites avec les collectivités et les différents porteurs de projet industriels – que du point de vue de la gestion des ressources humaines. Jusqu'à ce qu'il intègre l'OFB, l'ONCFS comptait 1 800 agents. J'apprécie particulièrement de discuter avec l'ensemble des instances de concertation interne, de comprendre les points clefs et les difficultés pour construire des solutions et animer le collectif. Je n'ai pas peur de mettre les mains dans le cambouis sur des sujets passionnants, parfois compliqués. J'ai déjà eu à gérer des problématiques d'alcoolisme, de dépression, de gestes difficiles, de fautes commises par des agents – il est important de savoir réagir et de les accompagner, en lien avec les syndicats.

Je connais bien aussi les instances de gouvernance de ces établissements. Pour préparer ma candidature, j'ai passé du temps avec la présidente du conseil d'administration, Sylvie Gustave-dit-Duflo, qui m'a permis d'approfondir les sujets relatifs à l'outre-mer, et avec les trois vice-présidents, Sandrine Bélier, Hubert-Louis Vuitton et André Flajolet. Je compte mettre cette expérience de management à profit pour structurer, piloter, gérer, promouvoir ce très bel établissement qu'est l'OFB.

Plus important, peut-être, pour moi, ma candidature s'appuie sur une capacité à rassembler des gens autour de projets communs. L'OFB doit en permanence rechercher des équilibres, des compromis, des consensus. La vérité n'est jamais toute noire ou toute blanche ; il faut trouver un chemin commun avec des gens qui, au départ, n'ont pas toujours envie de se parler. J'ai la chance d'avoir été, durant trois ans, conseiller technique au moment du Grenelle de l'environnement. Cela m'a fait évoluer dans ma façon d'appréhender la recherche du consensus et l'organisation. Je suis particulièrement fier de la table ronde sur la chasse, car nous avons réussi à faire travailler ensemble et à mettre d'accord des ONG, des chasseurs et les parties prenantes. À cette époque, je m'occupais aussi de la question des incinérateurs et des déchets, qui a également donné lieu à de larges discussions. J'en ai retiré la conviction intime qu'en arrivant à mettre les gens autour de la table, on a déjà fait 80 % du chemin pour construire une solution commune. C'est donc animé de la volonté de travailler avec toutes les parties prenantes de l'OFB, implantées dans les territoires, en métropole comme outre-mer, que je me propose de trouver des solutions. Il ne s'agit vraiment pas de mettre les territoires sous cloche, mais bien de trouver des moyens pour à la fois y protéger la biodiversité et y vivre.

Je considère que l'établissement public a réussi son installation, ce qui était un véritable défi. Je salue l'énorme travail accompli par l'ancien directeur général, Pierre Dubreuil, et son collectif de direction – Denis Charissoux, Loïc Obled, Christophe Aubel, Stéphanie Antoine. Ensemble, ils ont su s'appuyer sur les agents de l'établissement, travailler en bonne harmonie avec les syndicats et relever les difficultés les unes après les autres, alors que l'OFB s'est construit au moment de la crise du covid. Cependant, les choses restent extrêmement fragiles : il faut construire et solidifier la culture commune ; entretenir un dialogue étroit avec les syndicats ; travailler sur le positionnement de l'établissement et sur sa façon de réagir. À lire les articles de journaux, l'OFB est soit « trop », soit « pas assez ». C'est un travail quotidien que d'ajuster son positionnement au sein de l'État et vis-à-vis des territoires, en fonction des différentes problématiques – et cela renvoie également à un très gros travail de formation, pour les agents et pour les parties prenantes avec lesquelles l'établissement travaille.

Poursuivre l'installation de l'OFB implique également de le rendre solide sur ses bases. En tant qu'expert dans les domaines de l'eau et de la biodiversité, il doit pouvoir s'appuyer sur un socle que constituent la connaissance, les indicateurs, la collecte d'informations, les systèmes d'information, les bases de données. Il faut continuer à structurer ces supports indispensables pour résister aux polémiques, sortir de celles qui sont inutiles, asseoir des diagnostics, anticiper l'avenir – les sujets du changement climatique et de la crise de la biodiversité étaient déjà sur la table il y a quinze ans. Il est essentiel que nos techniciens et nos chercheurs aient la capacité de poursuivre leurs études et de préparer la connaissance de demain.

L'établissement doit être présent et visible. Pierre Dubreuil a beaucoup travaillé à faire connaître l'OFB ; il faut poursuivre cet effort, en métropole comme en outre-mer, sur l'eau, sur la biodiversité et sur la mer. Cela passe par les missions de police, qui sont un moyen de contrôler l'application des politiques publiques et l'ensemble des réglementations. Sans une police crédible, forte et proportionnée, c'est la crédibilité de la règle et de l'État qui est remise en cause. Cela passe aussi par les missions de gestion. Je crois beaucoup à la preuve par l'exemple, que s'attache à donner l'OFB, qui gère huit parcs naturels marins, huit réserves naturelles nationales (RNN), une dizaine de réserves nationales de chasse et de faune sauvage, et trois territoires pilotes emblématiques visant à allier la biodiversité avec un peu d'agriculture, de chasse et de pêche.

Enfin, l'OFB doit mobiliser. Pour qu'une politique soit mise en œuvre, elle doit être comprise et intégrée. L'établissement peut agir par plusieurs facteurs : les atlas de la biodiversité communale (ABC), qui aident les communes à comprendre les enjeux en matière de biodiversité et à les intégrer à leur projet de territoire ; les agences régionales de la biodiversité, qui peuvent travailler avec les collectivités locales ; les aires éducatives – la première, marine, a été créée en Polynésie française –, qui permettent, sur des petits territoires, de mobiliser les enfants et d'entraîner les parents à leur suite.

Pour satisfaire à ces différents objectifs, l'OFB doit être agile et réactif – c'est pourquoi il s'agit d'un établissement, plus apte que des services de l'État à s'adapter aux évolutions des enjeux et à réagir aux événements imprévisibles ou inattendus. Sa force est également d'être présent partout dans le territoire, en métropole et en outre-mer, et de s'intégrer dans l'écosystème de l'État. Par exemple, dans le domaine de la police, l'établissement doit s'intégrer dans les priorités des missions interservices de l'eau et de la nature pilotées par le préfet, chargé de hiérarchiser les enjeux et d'organiser les contrôles ; il doit aussi discuter avec les procureurs, ce qu'il fera dans le cadre des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden).

Pour conclure, je souhaite mettre mon énergie, mon expérience et mon savoir-faire au service de cet établissement, avec une vision équilibrée que je résumerais ainsi : apprendre à vivre avec la nature, et non pas contre ou sans elle. Il ne s'agit pas de mettre la nature sous cloche ; il s'agit de protéger notre biodiversité, d'en prendre conscience, de la valoriser, de savoir l'utiliser durablement. L'enjeu est bel et bien le cadre de vie que nous laisserons à nos enfants.

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