Intervention de Monique Iborra

Réunion du mardi 16 mai 2023 à 21h05
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Iborra, rapporteure :

Nous avons souhaité évaluer l'évolution de la CNSA et en tirer un bilan, bien que la création de la branche soit récente. Au cours de nos auditions, nous avons reçu M. Libault, M. Lecerf, président de la CNSA, Mme Magnant, directrice, l'Association des départements de France, représentée par M. Olivier Richefou, des associations représentant les personnes âgées et handicapées et des organisations syndicales et patronales du siège de la caisse. Je souhaitais vous faire part des constats soulevés lors de ces auditions.

Comme l'a indiqué le coprésident de la Meccs, la CNSA est singulière : contrairement aux caisses bénéficiant d'un réseau propre, elle peine à adopter une vision claire et précise de la déclinaison locale de son action. En effet, elle n'a aucun lien direct avec ses assurés, et doit compter sur le relai d'acteurs territoriaux pour le financement et la mise en œuvre des actions de soutien à l'autonomie.

Par ailleurs, la CNSA se distingue des caisses historiques par la structure de sa gouvernance. Les partenaires sociaux jouent un rôle limité au sein du conseil, qui préexistait déjà sous sa forme actuelle, constitué pour une large part de représentants de l'État et des départements – alors que les financements proviennent en grande partie des cotisations sociales.

Enfin, la politique de l'autonomie dépasse largement le champ de la seule sécurité sociale. Lorsque nous nous prononçons sur le budget dédié à la CNSA, nous n'avons qu'une vision partielle de l'effort national consacré à cette politique, qui ne bénéficie pas d'un projet politique clairement défini – ce dont nous ne pouvons vous rendre responsables.

Or, ces différences ne sont pas sans poser quelques difficultés. La diversité des acteurs impliqués – agences régionales de santé (ARS), conseils départementaux, maisons médicales des personnes handicapées (MDPH) et maisons de l'autonomie, par ailleurs peu nombreuses – se traduit par une application parfois différenciée de la loi selon les territoires et rend difficile le contrôle de l'utilisation des fonds publics.

La CNSA a notamment pour objectif de garantir l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Elle ne le satisfait cependant pas pleinement : en témoigne l'application différenciée de l'avenant 43 sur l'ensemble du territoire. Quid de l'équité territoriale, de la qualité et de l'efficience de l'accompagnement – missions qui vous ont été confiées par l'article 32 de la loi de 2021 ? Madame la directrice, quelles ressources la CNSA met-elle en œuvre pour s'assurer de l'égalité des droits sur les territoires ? De quels moyens dispose-t-elle pour contrôler l'usage des ressources qu'elle flèche aux départements et aux ARS ? Dispose-t-elle, par ailleurs, d'un pouvoir de contrainte ?

Par ailleurs, les bénéficiaires manquent de lisibilité sur leurs droits, certains percevant la branche autonomie comme un véritable millefeuille. Le conseil de la CNSA travaille actuellement sur une préfiguration du nouveau SPTA : quelle est votre vision de ce nouveau service public ? Quels acteurs participent à la rédaction d'un cahier des charges national ? Le conseil de la CNSA rendra-t-il un avis sur le sujet ?

Par ailleurs, les règles de gouvernance du conseil de la CNSA font craindre le risque d'acteurs juges et parties, puisque que ces derniers votent sur les budgets qui leur sont ensuite octroyés. Comment se justifie ce mode d'organisation et de décision ? Serait-il envisageable de le réformer, notamment pour donner aux partenaires sociaux la place qu'ils occupent au sein des caisses de la sécurité sociale ?

Nous voudrions enfin vous présenter quelques pistes modestes d'évolution que nous avons pu identifier au cours de nos travaux.

S'agissant de l'égalité de traitement entre les départements, que pensez-vous de la perspective d'instaurer une contractualisation les liant à la caisse et aux ARS ? Certains évoquent le modèle de la politique de la petite enfance. Cela vous paraît-il opportun, et, surtout, faisable ?

Environ 2,5 milliards d'euros supplémentaires ont été dégagés pour financer la branche autonomie. Selon le rapport Libault, 9 milliards d'euros de plus seraient nécessaires à l'horizon 2030. La piste d'un financement privé assurantiel a été évoquée en audition : que penser de cette proposition ? Quelles autres ressources pourrions-nous affecter à cette branche ?

Enfin, s'agissant du périmètre financier, une large part des dépenses constitutives de l'effort national consacré à l'autonomie échappe à la cinquième branche. Financé par la sécurité sociale, l'État et les conseils départementaux, ce dispositif est spécifiquement destiné aux personnes âgées en perte d'autonomie et en situation de handicap ou d'invalidité. Son montant est de 80 milliards d'euros en 2021 sur le périmètre identifié, contre 32 milliards pour la branche autonomie.

Par ailleurs, la cinquième branche ne prend en charge que les deux tiers des dépenses de sécurité sociale sur le champ de l'autonomie, tandis que la branche maladie couvre 24 % de ces dépenses, au titre notamment des pensions d'invalidité, des soins de villes, des unités de soins de longue durée, et que la branche AT-MP en couvre environ 11 % au titre des rentes d'incapacité permanente. La diversité des financeurs – et des financements – est incompréhensible pour les citoyens – et pourtant, on dépense !

Ne serait-il pas envisageable de regrouper toutes ces dépenses au sein de la branche autonomie afin de lui donner toute sa portée, et d'améliorer la lisibilité de l'usage des finances publiques pour nos concitoyens ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion