Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 6 juin 2023 à 15h00
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

et que le Gouvernement ne compte manifestement pas s'en écarter, malgré de beaux discours. C'est en réalité la logique même de l'Ondam que nous pourrions – et que je voudrais – critiquer : d'une situation dans laquelle on partait des besoins de la population avant de chercher les recettes permettant de les satisfaire, nous sommes passés à un dispositif qui ne traite que les besoins correspondant au cadre budgétaire prédéfini.

Quand on se penche sur l'année écoulée, les faits parlent d'eux-mêmes : l'Ondam pour 2022 était dès le départ largement insuffisant, puisqu'il ne progressait que de 2,2 % alors qu'il aurait fallu au moins le double, ne serait-ce que pour correspondre à la progression tendancielle des dépenses de soins – qui s'élève, je vous le rappelle, à 4 %. Entre-temps, l'impact de l'inflation sur les dépenses de fonctionnement a été estimé à 1,1 milliard d'euros supplémentaires, et la Fédération hospitalière de France (FHF) a réclamé 2 autres milliards pour financer l'augmentation du point d'indice.

Pour répondre à ce besoin qui aurait mérité au minimum plus de 3 milliards supplémentaires, vous avez introduit une rallonge de 543 millions à peine, à des années-lumière, donc, de ces estimations pourtant déjà très raisonnables. Ce qui est pratique dans ce genre de cas, c'est que le Gouvernement peut ensuite se targuer de ces millions généreusement distribués, comme il vient de le faire, en omettant de signaler leur inadéquation totale avec la réalité des besoins. C'est un procédé d'autant plus pernicieux dans le contexte actuel : en effet, depuis le covid-19, on entend régulièrement les gouvernants nous répéter que notre système social va désormais être protégé envers et contre tout. Pourtant, les années passent et la situation ne fait que s'aggraver.

Nous ne sommes pas plus prêts qu'avant à affronter les tempêtes épidémiques : c'est même l'inverse. Il suffit, pour s'en assurer, d'observer ce qui s'est passé en décembre 2022. Tous les ans, c'est une période difficile – chaque hospitalier le sait –, en raison des pics de cas de grippe et de bronchiolite qui envahissent les urgences, les services pédiatriques et les cabinets de médecine de ville. Alors que ce phénomène est de notoriété publique depuis de longues années, le problème a provoqué en 2022 une saturation encore plus catastrophique que d'habitude. Nous ne sommes donc même plus capables de faire face à des virus saisonniers annuels et prévisibles, alors que nous savons d'ores et déjà que nous risquons d'avoir à affronter des pandémies qui seront peut-être bien plus graves et surprenantes à l'avenir. Certaines des données existantes font tellement froid dans le dos et paraissent si inconcevables, dans un pays aussi riche que la France, qu'on hésite à les citer. Je pense avant tout aux 43 décès inattendus de patients survenus pendant une attente de soins, du fait d'un défaut de surveillance suffisamment rapprochée ou d'un manque de soins appropriés, mais aussi aux 80 services d'urgences contraints de fermer la nuit en 2022, aux 131 établissements touchés par des fermetures de lits depuis fin 2021 et aux 30 % de patients atteints de maladies chroniques contraints de reporter leurs soins – je n'évoque même pas ces milliers de soignants qui quittent progressivement l'hôpital, parce qu'ils ne sont pas suffisamment payés pour les tâches qui leur incombent.

À l'occasion de ce débat sur les comptes de la sécurité sociale pour 2022, je vous appelle donc solennellement – encore et toujours – à un changement de cap. Je vous demande non seulement d'admettre qu'il y a un problème lié aux hôpitaux et à l'accès aux soins dans notre pays, mais aussi d'investir enfin dans ce domaine des moyens qui soient à la hauteur de l'enjeu.

Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour évoquer la question des exonérations. Pendant le débat sur la réforme des retraites, on a entendu que les 13 milliards de déficit prévus pour 2030 seraient totalement insupportables pour nos comptes publics. Il est donc difficile de ne pas mettre ces 13 milliards en regard des 75 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales annoncés rien qu'en 2022. Je vous ai entendu dire qu'il s'agissait – en partie – d'un transfert des mesures prises pendant le covid-19 : mais, précisément, nous ne sommes pas d'accord pour que l'État, lorsqu'il doit aider des entreprises ou soutenir des emplois, le fasse en s'appuyant sur la dette sociale, c'est-à-dire en faisant payer aux comptes sociaux la politique qu'il a définie par ailleurs.

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