Intervention de Sébastien Peytavie

Séance en hémicycle du mardi 6 juin 2023 à 15h00
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Peytavie :

Nous voilà réunis aujourd'hui pour mener à bien l'une de nos principales missions en tant que parlementaires : le contrôle et l'approbation des comptes publics. Force est de constater, dès le premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, que cette mission est mise à mal par un manque d'informations claires ou fiables. Ce n'est pas le constat du groupe Écologiste – NUPES mais celui de la Cour des comptes qui, dans son rapport d'application, pointe par exemple des incohérences dans les données comptables intégrées au tableau de situation de patrimoine. Car, bien que le tableau d'équilibre semble offrir une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde, les annexes qui commentaient les tableaux d'équilibre et celui de la situation patrimoniale dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne seront plus jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. En réduisant ainsi de manière significative les informations transmises au Parlement, on réduit de la même manière sa capacité à débattre, à contrôler et à approuver. Ce n'était pourtant pas l'objet de la réforme organique ayant donné naissance à la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) : elle visait au contraire à renforcer l'information du Parlement sur les lois de financement de la sécurité sociale et leur application. Il serait d'ailleurs utile de rappeler que ce nouveau type de loi de financement de la sécurité sociale est issu du Printemps de l'évaluation.

Quoi de plus cocasse que de constater que la semaine dédiée à l'examen des différents projets de loi d'approbation des comptes de la nation et des comptes de la sécurité sociale, ainsi qu'à la restitution des travaux des commissions des affaires sociales et des finances, est aussi celle de l'examen de la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites, que votre majorité essaie de tuer ! Depuis des mois, il ne se passe plus une semaine sans que le parlementarisme rationalisé devienne un parlementarisme nié. De 49.3 en 47-1, c'est notre droit d'amendement qui était entravé la semaine dernière. Aujourd'hui, qui ne respecte plus la Constitution ? En tant que psychologue clinicien, je vous alerte chers collègues : attention à la dissonance cognitive. On ne peut pas, d'un côté, vouloir renforcer les capacités de contrôle du Parlement et, de l'autre, le réduire au silence.

Une chose est claire, toutefois : les économies promises par la réforme des retraites pour prétendument sauver notre système ne seront qu'une gigantesque entourloupe : « À horizon 2030, sous les hypothèses favorables d'une productivité augmentant de 1 % par an et d'un taux de chômage ramené à 4,5 % (7,2 % à fin 2022), l'impact net sur les soldes de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base et du FSV serait de 7,1 milliards d'euros. À cet horizon, l'effet du report à 64 ans de l'âge de la retraite et de l'accélération de la durée d'assurance requise à 43 annuités atteindrait 11,5 milliards d'euros et serait réduit de 4,4 milliards d'euros par les mesures d'accompagnement. » Le choix a donc été fait de faire travailler les gens plus longtemps pour une économie dont le solde serait de 7 milliards d'euros d'ici à 2030.

Après de maigres économies sur les retraites – dont le lourd tribut pèse cependant sur les travailleurs –, c'est l'hôpital qui va de nouveau être visé. D'après le rapport de la Cour des comptes, les dépenses relevant de l'Ondam ont fortement augmenté, passant de 200,4 milliards d'euros en 2019 à 247,2 milliards d'euros en 2022, soit une progression de 5,6 % par an hors dépenses liées à l'épidémie de covid-19. La progression était de 2,3 % par an au cours de la période 2017-2019. Après trois années de fortes hausses liées au Ségur de la santé et aux mesures visant à tenir compte du choc inflationniste en 2022, il convient à présent, toujours selon le rapport, de « rechercher des économies d'efficience du système de soins », afin d'assurer le respect d'une trajectoire prévue beaucoup plus contrainte. Permettez-moi de traduire l'expression « rechercher des économies d'efficience du système de soin » : elle désigne, in fine, une future cure d'austérité programmée pour un système de soins et d'accompagnement déjà exsangue, alors que, pour la première fois en 2022, l'Ondam n'a pas progressé aussi rapidement que l'inflation.

La Cour des comptes a refusé de certifier la branche famille de la sécurité sociale, et les ressources de la branche autonomie restent toujours en deçà des besoins dans un contexte de vieillissement croissant et d'augmentation des maladies chroniques. Sur ce second point, notre groupe attend encore le retour de la proposition de loi portant mesure pour bâtir la société du bien vieillir en France, qui portait enfin la perspective d'une programmation pluriannuelle pour le grand âge. Nous commençons à croire que cette attente est vaine. L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen stipule : « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi […]. » Outre qu'il ne peut y consentir, le groupe Écologiste – NUPES note aussi des atteintes graves aux capacités du Parlement à la constater. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte.

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