Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Dans le monde journalistique on appelle cela un marronnier, c'est-à-dire un sujet qui revient chaque année : depuis 2015, chaque année ou presque, d'une manière ou d'une autre, des adaptations ont été opérées en ce qui concerne les compétences eau et assainissement.

L'enjeu premier n'est pas de faire plaisir à certaines communes ou à certains maires : il est de garantir l'accès à l'eau, en quantité et de qualité, partout sur le territoire national. Ce qui doit nous préoccuper, c'est de partager la ressource, de moderniser les réseaux, de repenser nos usages et de rattraper un retard que le réchauffement climatique aggrave chaque jour un peu plus.

Il importe d'abord de battre en brèche l'idée selon laquelle les élus locaux se désintéresseraient plus ou moins de la question. Après la terrible année 2022 que la France a vécue – et certains territoires plus encore –, plus aucun élu local n'ignore ces enjeux, et si certains étaient encore dans le doute, c'est terminé. Dans mon département, en Ardèche, le préfet, représentant de l'État, a décidé qu'il n'y avait plus lieu ne serait-ce que d'instruire les demandes de permis de construire dans vingt et une communes, en raison de la ressource en eau défaillante.

C'est déjà dans ce contexte que la loi NOTRe avait prévu de mutualiser la production et la distribution de l'eau. Faut-il aller jusqu'au bout de ce processus de mutualisation, de transfert obligatoire ? La réponse est oui – mais quand on le peut. Cela a été possible pour de nombreuses communes, mais il est probable que celles qui n'ont pas opéré le transfert ne le feront jamais, à moins que l'on ne recoure à la coercition.

Le Sénat fait montre, en la matière, d'une grande constance, qui se situe entre la ténacité et l'entêtement. Peut-être sa position s'explique-t-elle aussi par une certaine propension à considérer que les communes doivent forcément obtenir ce qu'elles veulent ? À cet égard, il convient de dénoncer le fait que certaines communes – peu nombreuses – ont très peu agi et refusent de le faire, car elles ont des prix très bas et c'est cet élément qui est devenu l'alpha et l'oméga de leur politique. Or c'est là une grave erreur, qui doit être dénoncée. Si le prix de l'eau est plus élevé dans certains endroits, c'est précisément parce que les élus ont pris leurs responsabilités.

Quoi qu'il en soit, la loi NOTRe a produit ses effets, puisque près de 80 % des Français sont concernés par une gestion de l'eau au niveau intercommunal, et plus encore pour l'assainissement. Les communes qui font de la résistance sont en réalité confrontées à des problèmes d'ordre technique plutôt que politique.

On touche là à ce qui fait la singularité de cette compétence : c'est la nature – en particulier le réseau hydrographique et le relief – qui dicte ses règles. L'Ardèche, par exemple, est coupée en deux par la ligne de partage des eaux : une partie de la ressource part vers l'océan via la Loire, et l'autre vers la Méditerranée via le Rhône. Je vous laisse imaginer la complexité que cela implique. Les bassins versants contredisent parfois la volonté des gouvernements ou du législateur, et il nous revient d'établir des règles conformes à la vérité de la nature, si je puis dire, mais aussi à l'histoire de certains territoires ayant construit des périmètres intercommunaux dont la pertinence, incontestable, ne s'articule pas toujours avec la réalité hydrique.

Cela suppose que l'on reconnaisse, après de nombreuses tergiversations, le besoin d'une gestion différenciée de cette compétence, et que l'on rende le transfert optionnel. Nous serons donc favorables à cette proposition de loi.

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