Intervention de Pierre Morel-À-L'Huissier

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-À-L'Huissier :

Je suis très heureux que mon groupe ait accepté d'inscrire cette proposition de loi au programme de son ordre du jour réservé, et je salue le travail de Benjamin Saint-Huile, qui a essayé de tenir compte de certains souhaits de nos collègues. Plusieurs débats et plusieurs votes sur la question sont déjà intervenus à l'Assemblée : c'est donc un sujet ancien que nous espérons clore en adoptant ce texte. Ce faisant, nous montrerions aux maires, aux élus municipaux et aux présidents de communautés de communes que nous leur faisons confiance.

Sous ses apparences techniques, cette proposition de loi traite en réalité de questions du quotidien, pour les élus comme pour les citoyens. Je pense notamment à l'efficacité de la gestion de l'eau, à la prise en compte des besoins de chaque commune et au maintien d'une tarification acceptable.

En vertu de la loi NOTRe, les communes sont contraintes de céder les compétences eau et assainissement aux communautés de communes. La date limite pour se conformer à cette obligation a été repoussée à 2026. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), au 1er octobre 2022, 33 % seulement des communautés de communes exerçaient la compétence eau et 42 % la compétence assainissement collectif. Ces chiffres sont trompeurs, car c'est en réalité plus de 80 % de la population qui sont concernés par ces transferts. Si le principe du transfert obligatoire est loin de faire l'unanimité dans les communes, celles qui sont réticentes ne rassemblent qu'une toute petite partie de nos concitoyens.

Pourquoi un tel entêtement à refuser de faire du sur-mesure et de la différenciation ? À plusieurs reprises, les parlementaires ont tenté de revenir sur la contrainte : ils ont repoussé la date butoir prévue pour le transfert et ont apporté plus de souplesse au dispositif pour les communes. L'article 1er de la loi « 3DS », soutenu par le gouvernement de l'époque, a créé un nouvel article L. 1111-3-1 du CGCT, qui dispose : « Dans le respect du principe d'égalité, les règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte de différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. » Conformément à l'esprit de cet article, trois objectifs justifient l'adoption de la proposition de loi.

Le premier tient à la préservation du principe de libre administration des collectivités. L'Association des maires de France soutient pleinement ce texte, car elle a toujours été opposée aux transferts obligatoires. Notre groupe considère que le consentement plein et entier des élus municipaux est nécessaire pour qu'une intercommunalité réussisse. La proposition de loi, en replaçant au niveau des transferts optionnels les compétences eau et assainissement, permettra de garantir cette liberté de choix.

Le deuxième objectif est celui d'une gestion efficace de l'eau et de l'assainissement. Les maires connaissent leur territoire ; ils sont en mesure de faire un choix qui répondra à l'intérêt des citoyens. L'erreur de la loi NOTRe est d'avoir voulu classer les compétences eau et assainissement parmi les compétences obligatoires des communautés de communes, dans la même logique que ce qui avait été prévu pour les métropoles et les communautés urbaines. Aligner les communautés de communes sur le système des autres EPCI à fiscalité propre, c'est méconnaître leur caractère rural et les difficultés qui en découlent. Les communautés de communes n'ont pas toutes été pensées en fonction des bassins ou des relations historiques existant entre certaines collectivités. Le territoire qu'elles couvrent est marqué par une grande diversité en ce qui concerne les modalités de gestion. Or, pour assurer une gestion efficace, il est nécessaire de proposer des solutions adaptées. À cet égard, notre groupe salue les amendements adoptés par le Sénat : le transfert à la carte répond à la demande de souplesse et de proximité formulée par les élus.

Enfin, on ne saurait faire abstraction de la question des tarifs liés à la gestion de l'eau. Pendant longtemps, les gouvernements ont laissé entendre que les transferts contraints étaient un gage d'économies. La réalité est tout autre : dans plusieurs communes rurales, ils ont entraîné une hausse du coût en raison de l'hétérogénéité des modalités de gestion. La proposition de loi prévoit, quant à elle, un dispositif opérationnel qui permettra aux élus municipaux de faire un choix, en responsabilité, en fonction du rapport coût-efficacité.

Nous vous proposons donc une solution équilibrée, en réponse à une situation de blocage que le législateur de 2015 n'avait pas envisagée. Cette proposition de loi traduit la confiance et la souplesse que les élus des territoires sont en droit d'attendre du Parlement.

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