Intervention de Max Mathiasin

Séance en hémicycle du jeudi 8 juin 2023 à 15h00
Renforcement du principe de la continuité territoriale en outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMax Mathiasin :

Je suis heureux, monsieur le ministre, que vous émettiez un avis favorable sur ce texte. Cela prouve que nos entrevues, nos discussions, qui se sont déroulées dans une très bonne ambiance, ont été fructueuses. Je m'en réjouis, de même, je pense, que mon ami Olivier Serva.

Je tiens à remercier le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires de nous permettre de présenter cette proposition de loi lors de sa journée de niche. L'article 1er de la Constitution dispose que la République ne saurait faire de discrimination ou de différence entre ses membres ; il affirme l'égalité des citoyens.

En février 2017, l'Assemblée nationale a adopté la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Erom. Défendue par le ministre Victorin Lurel – l'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre délégué –, elle s'était imposée parce que la France est le seul pays de l'Union européenne qui conserve des séquelles d'un passé douloureux, dont la possession de territoires dans trois océans. L'égalité des citoyens doit pouvoir y être garantie. La présente proposition de loi a donc une valeur à la fois symbolique et très concrète : il s'agit de corriger certaines inégalités dues à l'éloignement de nos territoires de la France continentale – de l'Hexagone, si vous préférez.

Pour les ultramarins et les Corses qui doivent se rendre en France continentale pour suivre leurs études ou une formation, il n'est pas question de rentrer à la maison le soir ou le week-end, en raison de la distance et du prix des billets d'avion. Même pour les vacances, il ne leur est pas toujours possible de rentrer : les prix des billets d'avion vers les outre-mer, déjà excessifs, ont augmenté en moyenne de 40 % – Olivier Serva, Jean-Marc Zulesi et vous-même, monsieur le ministre délégué, l'avez rappelé. Nos compatriotes restent donc séparés de leurs proches pendant plusieurs mois, avec à la clé un sentiment d'isolement et un risque de dislocation des liens familiaux.

Le Gouvernement est conscient du problème : Ladom a revalorisé les montants de tous les dispositifs d'aide à la continuité territoriale pour les résidents d'outre-mer. En dépit de quelques avancées, ceux qui en sont exclus demeurent trop nombreux et les billets d'avion restent hors de portée d'une grande partie des ultramarins.

Le groupe LIOT considère qu'il est nécessaire d'aller encore plus loin, pour assurer davantage de justice territoriale et pour redynamiser les territoires d'outre-mer. La présente proposition de loi marque une étape substantielle : elle vise à étendre le dispositif d'aide à la continuité territoriale par la création de deux nouveaux passeports, le passeport pour le retour au pays et le passeport pour la mobilité des actifs. Afin de gagner en agilité, elle permet également de définir par voie réglementaire le montant de l'aide à la continuité territoriale en fonction de l'éloignement du territoire et du prix moyen des billets d'avion.

Nos territoires, nos forces vives et nos jeunes attendent ces nouveaux dispositifs, dont il conviendra de tirer le meilleur parti au bénéfice de nos populations. Par ailleurs, les amendements adoptés en commission ont permis d'enrichir le texte d'une disposition prévoyant un rapport sur les pistes d'amélioration de la continuité postale. Nombre de nos concitoyens ultramarins sont amenés à commander en ligne les produits qui ne sont pas disponibles sur place ; cela leur revient très cher. En effet, lorsque les sites internet acceptent de livrer dans les outre-mer, s'ajoutent au prix du produit les frais de port, les droits et frais de douane, l'octroi de mer – et sa déclinaison régionale –, ainsi que la TVA à l'importation : sur le plan fiscal, les territoires ultramarins sont considérés comme des territoires tiers. Les populations d'outre-mer doivent pouvoir acheter en ligne à des prix normaux ; ce rapport sera donc très attendu.

Le dernier enjeu de continuité territoriale traité par ce texte me tient particulièrement à cœur. Il s'agit de fournir aux parents d'un enfant malade les moyens financiers d'accompagner celui-ci en France continentale pour y recevoir des soins vitaux qui ne sont pas disponibles sur leur territoire. Cette mesure concerne les familles des outre-mer et de Corse. Une maman m'a contacté l'an dernier pour me raconter son parcours et les difficultés auxquelles elle a dû faire face, depuis le jour où elle a dû quitter précipitamment la Guadeloupe pour Paris avec sa petite fille atteinte d'un cancer jusqu'à son retour deux ans plus tard avec son enfant guérie. Son histoire m'avait inspiré l'amendement dont l'adoption a permis d'abonder les crédits de la continuité territoriale pour la prise en charge de billets d'avion supplémentaires pour les familles d'enfants malades. En quittant la Guadeloupe du jour au lendemain, cette mère a aussi quitté son emploi ; sans salaire, elle a dû assumer deux fois plus de charges – à Paris et en Guadeloupe. Pendant ces deux années, elle a vu des enfants désespérés, qui se laissaient couler, seuls à l'hôpital, sans leurs parents à leurs côtés. Ces derniers ne pouvaient financer un séjour de longue durée tout en assumant leurs charges courantes. Elle a eu connaissance de familles sans moyens ou sans proches capables de les héberger, qui ne sont donc pas parties faire soigner leurs enfants : on peut en imaginer les conséquences.

Il est donc impérieux d'allouer à ces familles d'outre-mer ou de Corse les aides leur permettant de faire face aux multiples charges engendrées par l'hospitalisation de leurs enfants en France hexagonale. Le cumul de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) et du complément de la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) est donc une solution simple pour pallier l'inégalité territoriale des soins.

Cette proposition de loi a reçu un accueil favorable de votre part, monsieur le ministre délégué, de la commission et de l'ensemble des groupes politiques. Le groupe LIOT s'en réjouit ; il se réjouit aussi de l'écoute nouvelle dont bénéficient les outre-mer, comme l'ont montré les discussions menées avec le ministre délégué aux outre-mer et ses services en amont de l'examen du texte.

Nous attendons avec beaucoup d'intérêt les amendements de nos collègues qui viendront enrichir la proposition de loi. Le groupe LIOT votera évidemment ce texte, qui constitue une avancée tangible pour nos territoires. Il est nécessaire, monsieur le ministre délégué, de prévoir des mesures spécifiques, adaptées aux réalités locales, pour tendre vers davantage d'égalité entre les citoyens français. Pour faire baisser les prix des billets d'avion, nous voulons aller encore plus loin dans les échanges avec le Gouvernement et les compagnies aériennes qui y sont rétives.

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