Intervention de Claude-Valentin Marie

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, ancien vice-président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), conseiller pour l'outre-mer auprès de la direction à l'Institut national d'études démographiques :

En matière de dépeuplement et de vieillissement, nous étions dans un rapport inverse en termes de politique publique. Il y en avait trop, il y avait l'idée que nous étions dépassés. Deux politiques parallèles ont été mises en place, la première consistant à réduire la natalité et la seconde favorisant l'émigration. Aux Antilles, plus qu'à La Réunion, il s'en est suivi des vagues relativement importantes de populations natives des Antilles en direction de la métropole. Il existait une différenciation au sujet des localisations professionnelles et territoriales de ces populations. Les Réunionnais, dotés d'un bagage scolaire moindre à cette époque que les Antillais, étaient davantage orientés vers les provinces et les emplois du secteur privé alors que les Antillais se dirigeaient surtout vers la fonction publique et la fonction hospitalière. À une période donnée, beaucoup travaillaient pour les Postes, télégraphes et téléphones (PTT). Il existait une sorte de socialisation au sein de ces entreprises.

Deux éléments sont à prendre en compte. On poussait les gens à partir en raison de l'absence de tout projet de développement qui aurait permis de les employer sur place. Ensuite, ils avaient la possibilité d'intégrer un emploi et, surtout, de devenir fonctionnaires en métropole. Entre cette période, qui a couvert les années 1960-1970, et celle d'aujourd'hui, le monde a changé. Ces univers d'attraction n'existent plus. La composition de la population qui ambitionne de s'installer en métropole a elle-même changé. La nouvelle sélection qui s'opère ne s'attache plus à ceux qui n'ont pas d'emploi et qui sont incités à partir pour éviter la révolte sociale. Aujourd'hui, la métropole sélectionne les populations qu'elle veut. Tout le monde peut partir, mais tout le monde n'a pas la possibilité de faire carrière. En 2010, 60 % des jeunes âgés de 15 à 25 ans aspiraient à partir, mais tous n'ont pas la possibilité de s'installer et de lancer une carrière.

Ils sont partis pour des raisons de précarité, sont revenus pour des raisons de précarité et se retrouvent dans une situation de précarité. Il en résulte une situation de crispation sociale, voire de délinquance du fait que ces jeunes sont laissés en marge de la société antillaise. Le fait qu'il n'y ait plus d'espace pour ces populations de conditions modestes, comme c'était le cas dans les années 1960, est un enjeu pour leur retour dans les DOM.

Le niveau de diplôme des jeunes adultes nés aux Antilles vivant en métropole est équivalent et celui de la jeunesse métropolitaine. Ce n'est pas le cas de tous ceux qui sont restés aux Antilles. Un effet de sélection s'opère au bénéfice des populations qui réussissent à construire une carrière, mais au détriment de la société locale, qui se voit perdre des compétences.

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