Intervention de Philippe Lottiaux

Séance en hémicycle du mardi 2 août 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative au projet de programme de stabilité pour la période 2022-2027

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Lottiaux :

Il va jusqu'à évoquer « la grande fragilité de l'hypothèse de PIB potentiel retenue par le Gouvernement ». Vous semblez considérer que les tensions en matière d'inflation et de taux n'auront pas d'impact économique, alors même que nombre d'entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment – secteur essentiel à notre économie –, nourrissent les plus vives inquiétudes sur la période à venir. En effet, tant les coûts de construction que les taux augmentent, risquant de réduire sensiblement les actes d'achat.

Pourtant, même optimistes, vos prévisions de croissance demeurent inférieures à la moyenne de l'Union européenne. La croissance s'établirait cette année à 2,5 %, à 1,4 % en 2023, puis à 1,7 % en moyenne pour la période 2024-2027. Or la croissance de l'Union européenne serait de 2,9 % cette année, de 1,6 % en 2023 et se situerait entre 1,9 et 2 % entre 2024 et 2027.

Quant au déficit, il se réduit certes par rapport à 2021, mais la dette qui en résulte demeure abyssale, y compris à la fin de la période, où elle serait encore de 112,5 % du PIB contre 97,4 % en 2019. Le Haut Conseil rappelle d'ailleurs que « malgré ces hypothèses de croissance très positives, la trajectoire de finances publiques retenue par le Gouvernement affiche une réduction du déficit peu ambitieuse ».

Ce programme s'appuie en outre sur des perspectives de réformes imprécises et incertaines, au premier rang desquelles votre projet de réforme des retraites, qui fait fi des considérations sociales pour s'appuyer sur une seule logique comptable. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet et de démontrer que, par ses effets induits, cette logique est également erronée.

Vous mentionnez aussi la création d'un service public de la petite enfance : or il existe déjà, me semble-t-il, géré par les communes, représentant un coût important. Qu'en est-il ? Là encore, le Haut Conseil tire la sonnette d'alarme, indiquant que les chiffres annoncés « comprennent notamment une prévision d'augmentation de l'offre de travail liée à des annonces de réformes […] dont ni les modalités ni les effets ne sont précisés. Le Gouvernement suppose que ces derniers seront importants et quasi immédiats, ce qui est loin d'être certain ». On ne saurait être plus clairs.

Oui, vos prévisions s'appuient sur des hypothèses hasardeuses. Il en est ainsi de la baisse du prix du pétrole. Si le prix oscille aujourd'hui entre 100 et 110 dollars le baril, vous prévoyez qu'il s'élèvera à 98 dollars en 2023 et à 85 dollars pour la période 2024-2027. Vous comptez également sur la baisse du taux d'épargne des ménages, alors même que le contexte incertain incite à la thésaurisation.

D'ailleurs, plus globalement, vous faites quelque peu fi des aléas potentiels des prochaines années. Les différences entre vos prévisions du mois d'avril 2021 et celles d'aujourd'hui illustrent la célèbre phrase de Pierre Dac : « La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l'avenir ».

Enfin, on ne peut passer sous silence deux difficultés structurelles, qui auront un impact lourd sur nos finances publiques dans les prochaines années. Tout d'abord, la charge des intérêts de la dette est passée de 25,6 milliards en 2020 à plus de 42 milliards cette année, en raison de l'inflation sur les titres indexés, pour les raisons que l'on connaît désormais. Et l'on apprend incidemment, dans un tableau annexe, que ce poids, qui s'élève à 1,4 % du PIB, s'élèvera à 2,1 % du PIB en 2027. Voilà le résultat de votre politique.

Elle a également pour conséquence la situation désastreuse de notre commerce extérieur, qui a connu sa pire année en 2021 avec 85 milliards de déficit. À ce jour, son solde négatif s'élève à 114 milliards en année glissante. La facture énergétique n'est certes pas étrangère à ce désastre, mais elle ne saurait l'expliquer. Notre pays perd des parts de marché quasiment sans interruption depuis 2010. Et pendant ce temps, vous ne faites rien pour protéger nos entreprises, et nos agriculteurs, de la concurrence déloyale liée à votre dogme du libre-échange absolu…

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