Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 2 août 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative au projet de programme de stabilité pour la période 2022-2027

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Je m'associe aux critiques sur les conditions d'examen de ce texte pourtant majeur en ce qu'il fixe notre cap pour les cinq prochaines années. On sait que la prévision budgétaire est toujours un exercice malaisé et périlleux ; lorsqu'on regarde le chemin budgétaire que vous dessinez, trois adjectifs viennent à l'esprit : c'est un chemin difficile, risqué, et incertain.

Il incombe pourtant au Gouvernement d'anticiper, de préparer l'avenir. Sur ce plan, notre groupe rejoint le constat du Haut Conseil des finances publiques : ce programme manque d'ambition. Les objectifs que vous vous fixez paraissent peu adaptés à la situation de nos finances publiques et aux priorités qui devraient être les nôtres.

Déjà, si l'on suit la trajectoire prévue, bien optimiste, la dette publique resterait en 2027 à 112,5 points de PIB, soit 15 points de plus qu'en 2019 – une situation par conséquent fragile et instable. Je ne veux pas apparaître comme un donneur de leçon : je connais et reconnais la difficulté des choses. Mais ne prévoir aucun objectif de réduction de cette dette paraît problématique, surtout si l'on intègre au tableau la remontée des taux d'intérêts. Il est impossible de ne pas s'inquiéter de ce passif budgétaire qui pèse durablement sur nos comptes publics et sur les générations à venir, et, accessoirement, du signal qu'envoie la France à ses partenaires en prenant cette direction.

Ce problème se retrouve naturellement dans la trajectoire du déficit public. En suivant ce chemin budgétaire, la France ne retrouverait un solde inférieur à 3 % du PIB que vers 2027 – et cela « en principe » ! Ça vaut ce que ça vaut, mais les trajectoires de nos partenaires européens sont bien meilleures : l'Espagne reviendrait sous le seuil de 3 % dès 2025, de même que l'Italie qui serait déjà à 2,7 % à mi-parcours.

J'en viens à une autre remarque concernant l'incertitude du chemin budgétaire. L'essentiel des estimations repose sur certaines grandes réformes : poursuite de la réforme de l'assurance chômage, réforme des retraites, réforme du RSA, transformation de Pôle emploi… Je partage ici aussi les constats du Haut Conseil des finances publiques : ces réformes sont annoncées, certes, mais sans précisions particulières concernant leurs modalités ou leurs effets. Or il est difficile de débattre sans aucune transparence ! La composition actuelle de notre chambre devrait pourtant vous alerter. Ces réformes, tous très clivantes, parce qu'elles touchent au cœur même de la solidarité nationale, ne pourront pas être imposées ; vous ne pourrez pas passer en force.

Un autre volet de cette trajectoire reste incertain alors qu'il s'impose objectivement à tous : les efforts en matière de transition écologique. En dehors de la mention allusive au plan France 2030, à aucun moment vous n'envisagez les investissements d'importance nécessaires à la transition écologique. Dans son discours de Marseille, Emmanuel Macron déclarait : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » Pourquoi ne retrouve-t-on pas ici cette ambition légitime, alors que nous oublions trop souvent les effets du réchauffement climatique, alors que, en Corse comme ailleurs, nous constatons tous les jours son impact ? Les problèmes liés à la gestion de l'eau, à la lutte contre les incendies et la sécheresse sont devenus notre quotidien. Concrètement, quelles sont nos marges de manœuvre budgétaires pour établir un budget vert ? Le coût de l'inaction ne sera pas moins élevé !

Dernière remarque, ce chemin budgétaire reste risqué. Les scenarii de croissance sont particulièrement fragiles d'ici à 2027 et les marges de sécurité pour le moins réduites. Si la croissance venait à être moins élevée que prévu, l'ensemble des objectifs seraient remis en cause et la dette publique s'envolerait bien au-delà des 120 % du PIB, sans compter le poids correspondant des intérêts. La charge de la dette était en effet de 38 milliards d'euros l'an dernier et elle augmente déjà de 17 milliards d'euros en 2022.

D'un point de vue général, le problème est complexe : déficits accumulés, dette publique importante, commerce extérieur dans le rouge, remontée des taux, besoins sociaux considérables… Il reste à espérer que l'avenir nous épargnera une nouvelle crise qui nécessiterait à nouveau des mesures d'urgence ou des aides au pouvoir d'achat. Nous espérons pour notre part que le sursaut de croissance attendu viendra éclaircir ce panorama morose. C'est en tout cas la condition sine qua non pour éviter une aggravation de la situation.

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