Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Séance en hémicycle du jeudi 15 juin 2023 à 9h00
Continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Elle est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale sur le fondement de son caractère transpartisan. Ce texte se veut en effet pragmatique et utile aux communes et aux intercommunalités.

Je veux dès à présent saluer le travail des sénatrices Françoise Gatel, auteure de la proposition de loi, et Nadine Bellurot, qui en a été la rapporteure à la Chambre haute.

La parité entre les hommes et les femmes en politique est un sujet qui me tient particulièrement à cœur – comme, j'imagine, chacun d'entre vous. Il s'agit d'un objectif constitutionnel depuis la révision constitutionnelle de 1999 et d'une obligation, s'agissant des listes présentées aux élections municipales, depuis 2001. Si elle s'appliquait initialement aux communes de plus de 3 500 habitants, elle a été étendue à celles de plus de 1 000 habitants par la loi du 17 mai 2013.

Ces lois ont indéniablement amélioré l'accès des femmes aux fonctions électives. En 1995, les femmes ne représentaient que 21 % des conseillers municipaux, contre 42 % en 2021. Aujourd'hui, la parité est atteinte dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Bien sûr, il reste du travail à accomplir pour atteindre partout la parité réelle. Mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Essentiellement technique, celle-ci vise à pallier un petit oubli de la loi de 2013. Sa portée est certes plus modeste, mais elle prévoit un dispositif précis, adapté et attendu.

Vous le savez, l'obligation de présenter des listes alternant des candidats de sexe opposé pour les élections municipales des communes de plus de 1 000 habitants a eu des incidences heureuses sur les conseils communautaires. Les candidats sont fléchés, dès l'élection, sur la liste paritaire présentée aux élections municipales. Avec le même bulletin, l'électeur choisit ainsi les conseillers communautaires, étendant de facto la répartition paritaire aux intercommunalités.

Dans l'hypothèse d'une vacance due par exemple à la démission d'un conseiller communautaire, la loi de 2013 a prévu que le siège rendu vacant soit pourvu d'abord par le prochain candidat fléché de même sexe élu sur la même liste, puis par le prochain conseiller municipal non fléché de même sexe et de même liste. À défaut, lorsque le vivier de remplaçants hypothétiques de même sexe s'est tari, le siège reste vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil, à l'issue des élections municipales suivantes. Dans ce cas, la commune se voit privée de sa représentation au sein du conseil communautaire, ce qui, nous en conviendrons, est dommageable.

Les auditions que j'ai conduites ont révélé qu'une telle situation était plus fréquente qu'on ne l'imagine. Les intercommunalités qui y sont confrontées ne le signalent généralement pas, pensant souvent représenter un cas isolé. J'ai moi-même été concernée au sein de la communauté d'agglomération Fécamp Caux Littoral, que j'ai présidée. Nos voisins de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole l'ont également été – j'en discutais ce matin avec Jean-Paul Lecoq. Bref, nous avons recensé un nombre d'intercommunalités concernées plus important que nous le supposions.

Or la vacance d'un siège de conseiller communautaire est dommageable à plusieurs titres.

En premier lieu, la commune voit sa représentation au sein du conseil communautaire amoindrie – lorsqu'elle ne disparaît pas purement et simplement. C'est particulièrement préjudiciable au vu des compétences de plus en plus étendues des intercommunalités et de la nécessaire représentation des communes en leur sein.

En deuxième lieu, la vacance d'un siège peut modifier les équilibres de représentation entre la commune-centre et les autres – notamment en faveur de la commune la plus peuplée, même si l'inverse est aussi vrai. Dans nombre d'intercommunalités, la commune-centre n'est pas loin de détenir la majorité absolue des sièges au conseil communautaire. Cette limite prévue par la loi peut alors être contournée du fait de la démission d'un conseiller communautaire d'une commune moins peuplée.

En troisième lieu, les droits de l'opposition peuvent se trouver limités lorsque le siège rendu vacant est celui d'un conseiller élu sur une liste d'opposition.

Les effets de bord de la loi ont été constatés dans des intercommunalités de toutes catégories, comme j'ai également pu le constater lors des auditions. La mise en œuvre d'une solution concrète et immédiate est donc espérée au sein du bloc communal. C'est pourquoi notre collègue Françoise Gatel a déposé au Sénat cette proposition de loi qui prévoit qu'en dernier ressort, et après épuisement de toutes les hypothèses, le siège pourra être pourvu, d'abord par le prochain candidat fléché de la liste, quel que soit son sexe, puis par le prochain conseiller municipal non fléché de la liste – là aussi, quel que soit son sexe.

Au-delà de la nécessité d'épuiser toutes les hypothèses, un autre garde-fou est prévu afin d'éviter les démissions commandées au lendemain de l'élection : le mécanisme ne pourra s'appliquer qu'à compter d'un délai d'un an après l'installation du conseil municipal de la commune concernée.

Cette dérogation lorsqu'aucune autre possibilité n'existe est déjà prévue depuis 2014 pour les communes ne disposant que d'un siège au conseil communautaire. Elle trouvera à s'appliquer tant dans l'hypothèse d'un siège laissé vacant par un homme que dans celle d'un siège laissé vacant par une femme. J'ai constaté au cours des auditions que les deux cas se rencontraient aussi fréquemment l'un que l'autre.

Ainsi, et j'insiste sur ce point, cette dérogation marginale au principe de parité, en dernier ressort et avec les garde-fous nécessaires, ne conduirait pas forcément à affaiblir la représentation des femmes au sein des conseils communautaires.

En conclusion, cette proposition de loi me paraît tout à fait équilibrée. Elle permet de concilier de manière satisfaisante le principe de représentation des communes au sein des conseils communautaires et l'objectif constitutionnel d'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Elle ne revient évidemment pas sur la parité, ne s'applique qu'en ultime recours et limite les risques de détournement.

Je vous propose dès lors de souscrire à la position exprimée en commission des lois mercredi dernier, à savoir une adoption conforme de cette proposition de loi consensuelle et attendue, en suivant le Sénat qui l'a adoptée à l'unanimité.

Cela permettrait, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, d'offrir une solution immédiate au manque actuel de représentation de certaines communes au sein des intercommunalités.

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