Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Bruno Le Maire, ministre :

L'union fait la force. Les États-Unis ont catégoriquement refusé toute idée de taxation des géants du numérique ; or nous avons obtenu gain de cause. On ne peut pas dire non plus que la taxation minimale à l'impôt sur les sociétés ait suscité un enthousiasme délirant ; or nous avons, là encore, obtenu gain de cause.

Toutes les taxations internationales sont très solides mais leur instauration prend du temps. Cinq ans ont été nécessaires pour parvenir à la taxation des géants du numérique et six ans pour instaurer la taxation minimale à l'impôt sur les sociétés. Je gage que nous pouvons aller plus vite s'agissant du transport maritime mais il ne sert à rien de s'y engager si les États-Unis et la Chine ne sont pas à bord, les plus grands ports mondiaux se trouvant dans ces deux pays.

Nous souhaitons réviser les quotes-parts du FMI dès cette année et nous avons engagé des discussions afin de tenir compte des nouveaux équilibres mondiaux. La revue de la gouvernance de la Banque mondiale étant prévue pour 2025, nous avons un an et demi pour y travailler.

Deux grandes options géopolitiques s'offrent à nous. D'une part, la réforme des instances de Bretton Woods, afin de tenir compte des nouveaux équilibres et de la transition climatique ; c'est le choix que nous avons fait avec le président de la République. D'autre part, le big bang, option dangereuse qui mènera à la confrontation des institutions mondiales ; la Chine, avec d'autres partenaires, bâtirait ainsi un autre système multilatéral.

Nous faisons valoir notre point de vue auprès de nos alliés américains et nous sommes lucides quant à nos différences avec notre partenaire chinois, notamment en matière de respect des droits de l'Homme, mais l'ostracisation de la Chine ne serait pas de bonne politique. L'un des grands enjeux du XXIe siècle est de savoir si nous nous dirigeons vers une confrontation des deux premières puissances mondiales ou si l'Europe parviendra à s'interposer afin de créer un nouvel ordre mondial équilibré. Je plaide vigoureusement pour la deuxième option.

Sur un plan économique, un découplage entre la Chine et les États-Unis ou entre la Chine et l'Europe serait une absurdité. Nous ne produirions quasiment plus rien en France, nos dépendances mutuelles étant d'ores et déjà trop importantes. Il faut certes accroître notre indépendance pour la production d'un certain nombre de biens stratégiques comme les batteries électriques, les médicaments ou l'hydrogène, mais un découplage complet n'aurait aucun sens. Aux États-Unis, les Républicains, notamment, militent en ce sens mais il n'en reste pas moins que lors de la présidence de Donald Trump, le volume des échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine a augmenté. Ne soyons donc pas naïfs et continuons à plaider pour un ordre multilatéral unique plutôt que pour une confrontation de deux blocs, qui ne manquera pas d'entraîner des conflits !

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