Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Didier Migaud, président de la HATVP :

Comme vous l'avez dit, 2022 a été une année exceptionnelle pour les responsables publics et la Haute Autorité, dont le cœur de l'activité consiste à accompagner et à contrôler 18 000 de ces derniers – élus ou non – afin de s'assurer de l'absence de conflits d'intérêts et d'enrichissement personnel, ce qui contribue à garantir leur probité aux citoyens. Elle a aussi pour mission de contrôler les mobilités professionnelles entre les secteurs public et privé pour 15 000 agents publics exerçant les fonctions les plus stratégiques. L'enjeu est donc important.

Il l'était d'autant plus en 2022, année chargée sur le plan politique et électoral qui a donné lieu, pour la Haute Autorité, à une intense activité d'accompagnement et de conseil. Dès la fin de 2021, nous avions renforcé l'accompagnement individuel, par téléphone ou par écrit, et organisé des sessions d'information sur internet à l'attention de ceux qui doivent remplir des déclarations. À l'occasion des élections, nous avons procédé à de très nombreuses relances lors des campagnes de dépôt de déclarations, afin que les délais prévus par la loi soient respectés. L'activité déclarative a été intense : 5 245 responsables et agents publics ont déposé 10 659 déclarations de patrimoine ou d'intérêt auprès de la HATVP. Les dossiers de 41 personnes – principalement des élus locaux – ont été transmis au procureur de la République pour défaut de déclaration.

Nous observons que les taux de dépôt dans les délais avant relance sont inégaux selon les catégories de responsables publics. Ils s'améliorent depuis quelques années. En témoigne le taux de déclaration dans les délais des députés élus en 2022, nettement meilleur qu'en 2017. Des divergences sont néanmoins observées entre le dépôt des déclarations initiales et celles de fin de mandat. Pour ces dernières, le taux de déclaration dans les délais est en moyenne seulement de 49 %, contre 74 % pour les déclarations initiales. Il y a donc quelques marges de progrès. D'où un travail important de relance : 545 relances pour non-dépôt dans les délais ont été adressées, ainsi que 193 injonctions après relance. Comme je l'ai déjà indiqué, 41 dossiers ont été transmis au procureur de la République pour défaut de déclaration.

Le niveau de cette activité déclarative implique également une intense activité de contrôle de la situation des responsables publics, avec 4 170 déclarations de début et de fin de mandat contrôlées – dont notamment celles des responsables publics les plus importants. De l'ordre d'un tiers des déclarations initiales sont entièrement conformes aux exigences d'exhaustivité, d'exactitude et de sincérité imposées par la loi. Cette part demeure stable. Plus de 60 % des déclarations contrôlées font l'objet de demandes de modifications, afin de rendre ces déclarations plus claires et exactes. Dix dossiers ont été transmis à la justice pour des manquements déclaratifs ou des manquements à la probité. Même en ajoutant les 41 dossiers transmis au parquet pour défaut de déclaration, cela fait un faible nombre de cas par rapport à la totalité des personnes concernées. Dans l'ensemble, l'immense majorité des responsables publics remplissent correctement leurs obligations déclaratives.

L'activité de contrôle des déclarations et d'accompagnement des députés et des membres du Gouvernement a été particulièrement soutenue. Les contrôles approfondis de la Haute Autorité ont contribué à améliorer significativement la qualité des déclarations mises à la disposition des citoyens.

La prévention des conflits d'intérêts est un objectif majeur et un sujet qui retient tout particulièrement l'attention de la société civile. S'il n'est heureusement pas interdit d'avoir des intérêts et même des conflits entre ces différents intérêts, la neutralité de la décision publique doit toujours être protégée, car elle vise l'intérêt général. Ainsi, un décret de déport a été imposé à plusieurs membres du Gouvernement pour prévenir les risques de conflits d'intérêts ou de prise illégale d'intérêts. Plus largement, sept contrôles de déclaration sur dix conduisent la Haute Autorité à demander des mesures de prévention d'une situation de conflit d'intérêts – notamment pour des élus locaux.

Il n'est pas anormal que leurs déclarations fassent l'objet de davantage de mesures de prévention de ces conflits, car lorsqu'on est élu local on continue très souvent à avoir des activités professionnelles. Nous avons publié récemment notre doctrine en matière de conflit d'intérêts publics pour les élus locaux, à la suite de l'adoption de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi « 3DS »), qui a en partie seulement clarifié la notion de conflit entre un intérêt public et des intérêts publics. Comme vous le savez, la France est le seul pays à reconnaître ce type de conflit d'intérêts.

La Haute Autorité a également diffusé une analyse des données figurant dans les déclarations d'intérêts des députés à l'occasion de leur publication. Cette analyse portait sur les activités professionnelles des députés de la XVIe législature mais aussi sur leurs fonctions et mandats électifs. Elle comprenait aussi des comparaisons avec les résultats de l'étude portant sur la législature précédente. Cela a permis notamment de montrer que l'Assemblée nationale – dont la moitié des membres est constituée par de nouveaux élus à la suite des dernières élections législatives – est composée par 70 % de personnes qui ont exercé une activité professionnelle au cours des cinq années précédant leur mandat, pour les deux tiers dans le secteur privé. Un député sur six entendait conserver au moins une activité professionnelle au cours de son mandat et un député sur deux exerce un autre mandat électif – de conseiller municipal dans près de 40 % des cas.

Les déclarations publiées sur le site de la HATVP ont été consultées plus de 1 million de fois.

Enfin, qui dit année politique et électorale exceptionnelle dit aussi exercice exceptionnel en matière de contrôle des mobilités entre le public et le privé. La Haute Autorité joue sur ce point un rôle de régulation. Elle recherche systématiquement un équilibre entre différents intérêts à concilier. Permettre des passages entre les secteurs public et privé n'est pas interdit – contrairement à ce que j'entends parfois –, mais il faut défendre l'impartialité de l'action publique et protéger les responsables et agents publics contre les risques de nature pénale et déontologique qui peuvent résulter de leur projet. Nous appliquons strictement la loi.

L'année 2022 a été marquée par un nombre record de 639 saisines, soit une augmentation de 93 % par rapport à l'année précédente. Nous nous sommes organisés pour les traiter dans des délais raisonnables, souvent bien en deçà des délais légaux – en particulier s'agissant des avis préalables à la nomination des collaborateurs du Président de la République ou des membres de cabinets ministériels ayant exercé dans le secteur privé. Environ 30 % des membres des cabinets sont issus de ce secteur. La HATVP doit formuler un avis préalable à leur nomination et dès que ces personnes repartent travailler dans le privé.

S'agissant plus précisément des mobilités vers le secteur privé, qui supposent davantage de protéger l'intérêt public, la Haute Autorité a rendu dans près de 80 % des cas des avis de compatibilité avec réserves, lesquelles sont destinées à prévenir les risques d'ordre pénal ou déontologique. Les avis d'incompatibilité, adoptés lorsqu'aucune mesure de précaution ne permet de prévenir les risques identifiés, concernent principalement les projets de reconversion professionnelle qui présentent plus de risques de nature à compromettre l'indépendance et l'impartialité de l'administration, ou de prise illégale d'intérêts. Ces avis d'incompatibilité stricte représentent 6,3 % de l'ensemble des avis – cela relativise quelques commentaires que l'on peut entendre ici ou là. Les avis d'irrecevabilité et d'incompétence sont désormais très limités ; ils représentent moins de 4 % du total, à comparer avec les 30 % constatés en 2020. Cela traduit une meilleure appropriation des dispositions votées en 2019 par les autorités hiérarchiques dans l'administration. Quatre dossiers ont été transmis à la justice dans le cadre du contrôle des mobilités entre les secteurs public et privé.

L'année 2022 a été aussi une année charnière pour la régulation de la représentation d'intérêts. Les mises en demeure pour défaut d'inscription au répertoire des représentants d'intérêts ont fortement augmenté, passant d'une en 2021 à 76 en 2022. 19 d'entre elles ont été rendues publiques sur le site de la Haute Autorité, qui pour la première fois a transmis 8 dossiers au parquet. Lorsqu'elles ont procédé à leur déclaration, les entités inscrites doivent bien entendu convenablement déclarer leurs actions de représentation. De ce point de vue, 55 contrôles ont conduit à des modifications. Par ailleurs, les contrôles réalisés ont conduit à inscrire 38 organismes. L'inscription est évidemment essentielle, car elle permet aux citoyens de s'informer sur l'influence de la société civile sur la décision publique.

L'année 2022 a également été celle de l'extension du dispositif d'encadrement de la représentation d'intérêts aux collectivités territoriales et à certains agents publics, entrée en vigueur le 1er juillet. Nous avons publié plusieurs documents destinés à faciliter son appropriation par les représentants d'intérêts, dont un vade-mecum consacré à l'identification des nouveaux responsables publics auprès desquels entrer en communication pouvait être qualifié d'action de représentation d'intérêts. Nous avons eu aussi des échanges avec les associations d'élus et celles de représentants d'intérêts. Cette prise en compte du lobbying à l'échelon local a entraîné plus de 300 nouvelles inscriptions sur le répertoire, représentant près du quart de l'ensemble des activités déclarées pour l'année 2022.

Il y a parfois, en effet, des réticences à s'inscrire sur le répertoire des représentants d'intérêts. Certains estiment que leurs travaux sont d'intérêt général et qu'ils n'ont donc pas à le faire. Nous avons eu quelques discussions parfois difficiles, notamment avec des think tanks. Nous leur avons expliqué que le législateur n'avait pas fait de distinction entre l'intérêt général et les intérêts particuliers. À partir du moment où l'on intervient pour influencer une décision publique, cela peut être considéré légalement comme une action de représentation d'intérêts. Le législateur a prévu d'exclure un certain nombre d'acteurs du périmètre d'application de la loi, mais il ne l'a pas fait pour les think tanks.

L'Institut Montaigne a engagé une action devant le Conseil d'État, à la fois en référé et au fond, au sujet d'une demande de renseignement que nous lui avons adressée. Sa requête en référé a été rejetée et nous attendons désormais la décision au fond.

Je m'étonne parfois des arguments curieux avancés pour défendre le fait de se soustraire à l'obligation légale d'inscription au répertoire des représentants d'intérêts. D'aucuns disent que cela pourrait remettre en cause l'indépendance ou porter atteinte à la liberté des think tanks. Je ne pense pas que telle était la volonté du législateur pour les personnes susceptibles de s'inscrire sur ce répertoire.

La question de la régulation du lobbying à l'échelon local va certainement constituer un enjeu majeur au cours des années à venir et il est important que les acteurs concernés s'approprient le dispositif en vigueur. Nous allons publier prochainement de nouvelles lignes directrices.

Autre enjeu qui retient beaucoup l'attention ces derniers mois : l'ingérence étrangère. Cette dernière peut se manifester dans plusieurs domaines dont le contrôle a été confié à la Haute Autorité, comme la régulation du lobbying ou les mobilités entre secteurs public et privé – avec la possibilité de rejoindre une entreprise sous influence étrangère. Les déclarations d'intérêts et de patrimoine doivent également faire état d'un certain nombre d'informations qui peuvent révéler une influence étrangère. Nous avons lancé un travail sur l'ingérence avec l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Je suis bien entendu à votre disposition pour vous en présenter les conclusions dès qu'elles seront disponibles, car il s'agit d'un sujet majeur si l'on considère les activités d'un certain nombre d'États.

Tout cela montre qu'une révision du dispositif d'encadrement du lobbying est de plus en plus souhaitable. J'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet à de nombreuses reprises. J'ai été entendu par votre commission ou des commissions du Sénat à huit reprises en trois ans ; cela a été l'occasion à chaque fois de dresser un bilan de la mise en place du répertoire des représentants d'intérêts, qui est, selon nous, en demi-teinte.

L'un des points extrêmement positifs est que la loi Sapin 2 a, d'une certaine manière, reconnu la légitimité de la représentation d'intérêt. Toutefois, cette activité doit se faire en toute transparence et respecter des règles déclaratives et déontologiques. Le problème est qu'il existe un certain nombre de possibilités de contourner la loi. Le dispositif en vigueur ne permet pas toujours de disposer des informations nécessaires pour assurer la transparence voulue par le législateur sur la traçabilité des actions et leur influence sur la décision publique. D'où plusieurs propositions pour conforter le dispositif.

Certaines aberrations ont été bien identifiées lors de travaux menés au sein de votre commission, notamment dans le cadre de la récente mission flash sur la rédaction du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts. Ses rapporteurs ont formulé des propositions.

Ce décret présente en particulier cette curiosité que l'appréciation de l'activité de représentation d'intérêts repose sur les actions de la personne physique et non de la personne morale qui l'emploie. Or il pourrait être intéressant d'identifier l'influence de cette dernière sur la décision publique.

Le critère de l'initiative a pour conséquence que les grosses entités n'ont pratiquement rien à déclarer, car elles sont systématiquement consultées par les pouvoirs publics. Il est paradoxal que telle fédération départementale de la boucherie soit soumise à plus d'obligations déclaratives que de grandes entreprises. En consultant le répertoire, on peut constater que des entreprises comme Dassault ou Vinci déclarent assez peu d'actions. Il serait pourtant naïf de penser qu'elles n'interviennent jamais pour essayer d'influencer la législation ou la réglementation.

Dix ans après l'adoption des lois de 2013, plusieurs choses sont extrêmement positives. Mais des évolutions sont nécessaires pour aller plus loin.

Le bilan de la Haute Autorité est reconnu et elle est ancrée dans le paysage institutionnel. Son champ d'intervention s'est accru, car le législateur lui a confié de nouvelles missions, ce qui prouve la confiance qu'il lui accorde. Avec l'accord de la présidente de l'Assemblée nationale, nous organiserons un colloque en octobre prochain pour discuter des dix ans de la HATVP. Les principaux responsables ou agents publics sont désormais accompagnés et contrôlés lors de leur entrée dans la vie publique, pendant l'ensemble de l'exercice de leurs fonctions et lorsqu'ils quittent cette vie publique.

Nous disposons du recul nécessaire pour savoir comment pourrait évoluer le dispositif français d'intégrité publique, parallèlement à ce qui se fait dans d'autres pays ou pour répondre à des initiatives d'institutions comme l'OCDE ou le Groupe d'États contre la corruption (Greco), qui travaillent beaucoup sur ces sujets-là. Cette dimension internationale est importante. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité créer, avec onze organes de contrôle d'autres pays de l'Union européenne, un réseau européen d'éthique publique chargé de formuler des propositions auprès des institutions de l'Union européenne.

La dynamique doit être globale autour de la Haute Autorité et suppose une coordination avec les différents acteurs de la probité publique. Les référents déontologues des élus locaux, que vous avez institués, en font partie. Nous leur portons une attention toute particulière et échangeons régulièrement avec eux pour faire connaître notre doctrine. Nous avons d'ailleurs réuni 150 d'entre eux à l'occasion d'une rencontre annuelle organisée au Sénat la semaine dernière.

Nous avons formulé un certain nombre de propositions depuis plusieurs années. Nous souhaiterions que la Haute Autorité soit dotée d'un pouvoir de sanction propre. Il ne s'agit surtout pas de se substituer au juge pénal, mais, dans certaines circonstances, une amende administrative nous paraît plus appropriée qu'une poursuite pénale. C'est notamment le cas lorsqu'une personne ne remplit pas ses obligations déclaratives, tant en matière d'intérêts que de patrimoine. Une sanction administrative serait beaucoup plus rapide et incitative.

Que faisons-nous actuellement lorsque nous sommes face à ces situations ? Encore une fois, elles sont extrêmement peu nombreuses – puisque nous avons transmis une quarantaine de dossiers au parquet en 2022 – mais elles marquent nos concitoyens et rejaillissent sur tous. Les personnes qui ne déclarent pas sont extrêmement rarement sanctionnées. Nous leur adressons d'abord une relance, suivie d'une injonction. Puis, nous transmettons le dossier au parquet. Mais la plupart sont souvent débordés et ne considèrent pas toujours que ces affaires sont prioritaires. C'est ainsi que des citoyens peuvent nous interroger sur l'absence de publication de déclaration de certains élus sur notre site au bout de trois ans, et nous ne pouvons que répondre que le dossier a été transmis à la justice et qu'aucune sanction n'a été prise à ce stade.

L'instauration d'une amende administrative, infligée avant l'étape de la transmission du dossier au parquet, permettrait de mieux répondre à ce type de situations. Cette amende serait bien entendu prononcée par une commission des sanctions indépendante du collège de la HATVP. Il faut bien voir que pendant que la justice examine le dossier, nous ne pouvons réaliser aucun contrôle ni prendre de mesures de prévention des conflits d'intérêts. Ce non-respect de la loi est donc doublement gênant.

Nous formulons également une proposition s'agissant des ministres. À l'instar de la déclaration de situation patrimoniale, ils disposent de deux mois pour déposer leur déclaration d'intérêts. Si l'on y ajoute le délai nécessaire aux contrôles de la HATVP, il peut s'écouler trois à quatre mois pendant lesquels des ministres se trouvent en situation de conflits d'intérêts, voire de prise illégale d'intérêts.

Nous avons appelé l'attention du Président de la République et de la Première ministre sur ce point et avons proposé qu'un ministre puisse, dès la première semaine suivant sa nomination, prévenir toute situation de conflit d'intérêts en saisissant le secrétariat général du gouvernement et la HATVP. Des arrêtés de déport pourraient ainsi être pris rapidement.

Nous suggérons aussi que le contrôle des mobilités soit étendu à plusieurs responsables. Je pense au président de l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) ainsi qu'au directeur général exécutif de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). Compte tenu des nombreux contacts qu'ils entretiennent avec les entreprises dans l'exercice de leurs fonctions, les risques de conflit d'intérêts sont d'autant plus grands. Pourtant, leur départ vers le privé ne donne pas lieu à un contrôle.

Enfin, nous proposons de simplifier le dispositif d'encadrement la représentation d'intérêts. Il convient notamment de revoir le critère d'initiative et de préciser la décision publique sur laquelle est susceptible de porter le lobbying. En vertu du décret du 9 mai 2017, toute décision publique peut en effet être concernée par le dispositif. Une intervention du législateur pour définir le champ de la décision publique serait bienvenue, particulièrement depuis que le dispositif a été étendu aux collectivités territoriales.

Ces évolutions pourraient contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans leurs représentants. Nous sommes parfois accusés d'accentuer la suspicion à l'égard des responsables publics lorsque nous nous opposons à une mobilité vers le privé ou lorsque nous transmettons un dossier au parquet. Pourtant, ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait baisser la fièvre.

Nos contrôles démontrent que l'immense majorité des responsables publics exercent leur mission avec probité. Les manquements sont regrettables mais ils sont heureusement marginaux. Pourtant, la défiance reste forte : selon le baromètre de la confiance en politique de Sciences Po Cevipof de février 2023, deux tiers des Français estiment que leurs élus ne sont pas honnêtes, ce qui est préoccupant. Il y a donc un décalage entre ce sentiment et les résultats des contrôles que nous effectuons.

Les citoyens ignorent très largement les mesures qui ont été prises depuis plusieurs années. Dans les conférences que je donne, ils posent de très nombreuses questions et reconnaissent souvent leur méconnaissance. Aujourd'hui, les manquements aux obligations sont mieux identifiés et la justice les sanctionne plus qu'hier. Les contrôles ne doivent pas être perçus par les élus comme une contrainte mais comme un moyen de garantir aux citoyens qu'ils exercent leurs fonctions honnêtement.

La politique publique de lutte contre les atteintes à la probité doit être mieux identifiée et moins dispersée qu'elle ne l'est aujourd'hui. La Parlement n'en discute jamais sauf pour tirer les leçons législatives de scandales. Il serait logique que le Parlement débatte chaque année de cette politique et de ses résultats. Plus on en parle, plus les citoyens sont informés des dispositifs existants. Cela pourrait contribuer à réduire la défiance à l'égard de l'ensemble des responsables publics – élus mais aussi autorités administratives indépendantes – même si celle-ci a bien d'autres causes, j'en ai conscience.

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