Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse :

Je suis très heureux d'être parmi vous quelques jours après le début des vacances scolaires. J'évoquerai, à votre invitation, la préparation de la rentrée prochaine. Pour le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse, les objectifs sont clairs : instruire les élèves, rehausser le niveau général, assurer la présence d'un professeur dans chaque classe, faire en sorte que les élèves bénéficient de l'ensemble des heures qui leur sont dues, accueillir en toute sécurité les élèves et les personnels dont les établissements ont été touchés par les violences urbaines de la fin du mois de juin.

Permettez-moi de dire quelques mots de la séquence émeutière, qui a été très violente dans l'ensemble du pays. Notre responsabilité est grande, dans les mots comme dans les actes. Je l'ai déjà dit et je le répète devant vous : s'en prendre de cette manière à des commerces, à des bâtiments publics, à des écoles est inexcusable. Ces comportements doivent être condamnés, et la justice passera. Cela ne doit pas nous empêcher de nous poser quelques questions.

Dans certains territoires, des phénomènes d'inégalité et de relégation mettent en péril la réussite et l'avenir de nos jeunes. Le taux de chômage a baissé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais il y est encore deux fois et demie plus élevé que la moyenne. Nous devons nous attacher à résoudre cette question de l'accès à l'emploi, qui est liée à des enjeux de formation, mais aussi à des problèmes de discrimination.

L'école peut beaucoup – elle est un vecteur d'émancipation – mais elle ne peut pas tout : c'est pourquoi il est nécessaire de travailler aussi sur la responsabilité des parents et leur implication dans le parcours scolaire de leur enfant. Les parents doivent soutenir les professeurs dans leur rôle ; c'est aussi grâce à eux que nous restaurerons l'autorité des enseignants et leur place dans la société.

Il faut reconnaître les difficultés spécifiques que rencontrent certains territoires et combattre les inégalités à la racine. Il y a quelques jours, lors d'un déplacement à Marseille, le Président de la République présentait justement les mesures que nous avons élaborées pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville : l'accueil continu de huit heures à dix-huit heures dans les collèges, la généralisation des cités éducatives, le développement de l'accueil des enfants en toute petite section dès 2 ans.

Dans ces perspectives, nous avons élaboré notre feuille de route pour les prochains mois. La circulaire de rentrée a été envoyée au personnel de l'Éducation nationale la semaine dernière ; vous l'avez également reçue. Cette feuille de route met en avant deux outils qui contribueront à changer les choses. D'une part, le « pacte enseignant » permettra une meilleure continuité des enseignements : le remplacement de courte durée sera renforcé, des missions nouvelles seront assurées par des professeurs volontaires, il y aura plus de français et de mathématiques en sixième, et les élèves de cette classe seront mieux accompagnés grâce à la généralisation du dispositif « devoirs faits ». D'autre part, des mesures ont été décidées dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) pour l'éducation : plus de 18 000 écoles et établissements, soit à peu près 30 % de l'ensemble, se sont inscrits dans cette démarche de concertation et d'innovation pédagogique, soutenue par un fonds abondé à hauteur de 150 millions d'euros pour l'année 2023.

Dans le cadre de ces outils, des évolutions majeures auront lieu de l'école primaire au lycée.

À l'école primaire, tout d'abord, l'acquisition des savoirs fondamentaux sera encore renforcée, avec l'organisation d'évaluations nationales en CM1 – comme en quatrième, d'ailleurs –, la poursuite du dédoublement des classes de grande section de maternelle en réseaux d'éducation prioritaire (REP), qui sera effectif pour 85 % des classes à la rentrée 2023 et 100 % d'entre elles à la rentrée 2024, et avec le déploiement de la nouvelle classe de sixième, caractérisée notamment par le dispositif « devoirs faits » dont je parlais à l'instant ainsi que par l'ajout d'une heure hebdomadaire de soutien et d'approfondissement en français et en mathématiques.

Au lycée général et technologique, une heure et demie de mathématiques sera introduite dans le tronc commun afin que les élèves ne suivant pas cette spécialité bénéficient tout de même de cet enseignement essentiel.

Quant à la réforme du lycée professionnel, elle sera déployée dès la rentrée avec des groupes à effectifs réduits pour l'enseignement des savoirs fondamentaux, la gratification des périodes de stage, qui permettra de motiver les élèves, la création de bureaux des entreprises, qui facilitera l'insertion dans les stages et dans l'emploi, et le rapprochement avec le bassin d'emploi en général.

L'organisation de la scolarité et des examens est évidemment un sujet essentiel.

La question de la reconquête du mois de juin est très ancienne – l'un de mes collaborateurs m'a rappelé que l'on en parlait déjà à l'époque de Xavier Darcos –, mais toujours pas réglée. J'ai chargé un recteur honoraire, M. William Marois, d'une mission visant à reconfigurer le troisième trimestre au collège et au lycée. Le fait que les apprentissages puissent s'effectuer jusqu'au dernier jour de l'année scolaire est pour nous une priorité absolue.

Un problème spécifique se pose pour l'année de terminale. Il y a un an, je vous avais dit que nous organiserions le bac selon les modalités prévues et que nous regarderions alors ce qu'il en était. Si la réforme du bac a été très utile et bénéfique pour les élèves, les modalités d'organisation de l'examen doivent néanmoins être revues : après la tenue des épreuves de spécialité, entre le 20 et le 22 mars, nous avons en effet observé, de manière générale, un désinvestissement des élèves tel que des semaines entières de cours ont été perdues. En lien avec la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, des décisions seront annoncées dans les semaines à venir afin que chacun puisse s'organiser et que l'on évite de perdre des semaines de programme.

À partir du 1er septembre, les professeurs seront mieux rémunérés grâce aux mesures annoncées au printemps, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter devant vous. À une revalorisation socle s'ajoutera une revalorisation liée à de nouvelles missions. S'agissant de la revalorisation socle, les hausses de rémunération varieront de 7,8 % à 11,2 % entre le premier et le septième échelon. Les augmentations moindres pour les professeurs plus expérimentés seront compensées par un accès facilité à la hors classe et à la classe exceptionnelle. Il faut bien sûr y ajouter la hausse de 1,5 % de la valeur du point d'indice annoncée par le ministre de la Transformation et de la fonction publiques il y a quelques semaines.

L'accueil des élèves en situation de handicap sera encore amélioré grâce aux mesures annoncées par le Président de la République et issues de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril dernier. Je serai heureux d'en préciser un certain nombre de points si vous le souhaitez. De même, je travaille avec le ministre de la Santé et de la prévention à une amélioration de la santé mentale des élèves, qui nous préoccupe. Enfin, il y a deux semaines, j'ai eu l'occasion de présenter devant la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un certain nombre d'éléments relatifs à l'éducation à la sexualité.

Vous avez fait allusion, madame la présidente, à la lutte contre les inégalités sociales et scolaires. Là aussi, j'aurai plaisir à en détailler un certain nombre de points. Je n'oublierai pas d'évoquer la question de l'école dans les zones rurales : le plan France ruralités récemment annoncé donnera aux élus locaux, à partir de la rentrée prochaine, une visibilité à trois ans en cas de fermeture de classe.

Nous nous mobiliserons aussi, à la rentrée, pour lutter contre le harcèlement. Comme je l'ai annoncé avec la Première ministre, le programme Phare sera généralisé au lycée. Connaissant son efficacité lorsqu'il est bien appliqué, nous nommerons dans les collèges un référent rémunéré chargé d'y veiller. En lien avec les ministères de l'Intérieur et de la Justice ainsi qu'avec les référents dans les parquets, les gendarmeries et les commissariats, nous nous assurerons de la bonne prise en compte des éventuels dépôts de plainte, conformément à la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dite loi Balanant, votée en mars 2022. Nous insisterons aussi sur la mobilisation des parents, à l'attention desquels nous préparons des documents pour la rentrée. Ils peuvent être aussi bien des parents d'enfants harcelés que des parents d'enfants harceleurs : il faut donc les rappeler à leurs missions en matière de sécurité, de santé et de scolarisation de leurs enfants. Nous devons aussi aider ceux qui, pour des raisons diverses et variées, notamment à cause de leurs horaires de travail, ont des difficultés à suivre leurs enfants dans leur vie quotidienne.

Parce que l'école est un espace protecteur, il faut y appliquer strictement le principe de laïcité, auquel nous devons faire adhérer les élèves. Nous faisons preuve de transparence, de fermeté et de pédagogie à ce sujet : ainsi, nous publions chaque mois des données et continuons de former les personnels et les chefs d'établissement à la laïcité – quelque 280 000 agents ont déjà bénéficié d'une formation, dont 8 000 personnels de direction sur 14 000. Nous préparons aussi une nouvelle circulaire, qui sera publiée à la rentrée, avec des exemples de situations concrètes ; nous y aborderons notamment les atteintes à la laïcité qui ne relèvent pas de la loi de 2004 mais n'en sont pas moins importantes, telles que les contestations pédagogiques et les refus de participer à certains cours. De telles situations doivent être traitées avec toute la fermeté nécessaire, mais aussi sous un angle pédagogique.

À cet effet, j'ai saisi le Conseil supérieur des programmes en vue de réécrire le programme de l'enseignement moral et civique (EMC), dont j'ai récemment annoncé le doublement du volume horaire, celui-ci passant de dix-huit à trente-six heures annuelles à compter de la rentrée 2024. Cet enseignement mérite d'être dépoussiéré et plus incarné afin de mieux transmettre les valeurs de la République.

Vous le voyez, nous sommes pleinement engagés pour qu'après une année de travail et de préparation, la rentrée 2023 marque un changement mesurable, concret, palpable pour les élèves, les professeurs et les familles.

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