Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre :

Dans les premier et second degrés, le recrutement des enseignants s'est amélioré tant en ce qui concerne les inscriptions et les présentations aux concours, avec une augmentation de 28 %, que les admissibilités, où elle est de 17 %, et les admissions, de 8 %.

Concernant les professeurs des écoles, l'ensemble des postes ouverts au concours n'est pas pourvu dans quatre académies : Créteil, Versailles, Guyane et Mayotte. Par rapport à l'année dernière, plus 13,1 % et plus 25 % de postes ont été pourvus dans les deux premières académies contre moins 15 % et moins 21 % dans les secondes. La situation demeure donc critique.

Nous avons organisé un concours interne exceptionnel, qui a permis de fidéliser des professeurs contractuels et qui a donné de bons résultats dans les académies de Créteil, Versailles et Guyane, où il était organisé. Nous avons également ouvert un troisième concours, qui est une voie d'avenir pour l'ensemble des académies, et nous avons constaté une hausse des inscriptions. Enfin, nous allons recourir à des professeurs contractuels, quoique dans des proportions moindres que l'année dernière. Dans ces académies, la situation générale s'annonce donc meilleure que l'an passé dans le premier degré, même si elle reste tendue.

Dans le second degré, les difficultés dépendent des disciplines. Nous avons noté une légère hausse des candidats admissibles et admis mais les lettres classiques et modernes, l'allemand et les mathématiques – quoique dans une moindre mesure – connaissent encore des difficultés. Nous recourrons à des enseignants contractuels, qui représentaient en moyenne l'année dernière entre 6,5 % et 8 % des professeurs du second degré et 1,5 % des enseignants du premier degré. Nous les fidélisons, en partie en leur proposant des CDI, et nous les payons désormais sur douze mois.

Nous travaillons à rendre ce métier plus attractif à travers une hausse socle pour tous les enseignants à partir du 1er septembre – en particulier dès les premières années de carrière – que nous évaluons en moyenne à 9,7 % pour les sept premiers échelons. La hausse des rémunérations, pour ceux qui le souhaitent, sera également liée à l'acceptation de nouvelles missions. Au total, entre socle et pacte, l'augmentation peut être supérieure à 25 %. Ce sera le cas pour un professeur qui s'engagera dans un pacte de trois missions, valorisée chacune à hauteur de 1 250 euros.

La revalorisation du métier d'enseignant passe non seulement par des hausses de salaire, si nécessaires soient-elles, mais aussi par des évolutions de carrière, la fluidité des mutations et la revalorisation symbolique et morale du métier, à laquelle je suis très attaché.

La situation s'est donc améliorée mais insuffisamment pour dire que la crise du recrutement est derrière nous. D'évidence, elle est structurelle, d'où la proposition d'un recrutement à bac + 3, au niveau de la licence, avec deux ans de formation rémunérée en tant qu'élève-professeur, sur un modèle assez voisin des anciennes écoles normales d'instituteurs. Un tel recrutement, en outre, a une vertu sociale puisqu'il ne vise pas les mêmes couches sociales que celles qui ont un bac + 5. Les recrutements seront également plus locaux, ce qui permettra de disposer des « hussards noirs de la République » du XXIe siècle. De surcroît, nous maintenons le format du master puisque les deux années de formation se concluent par l'obtention de ce diplôme. La dissociation de l'obtention du master et du concours permet de régler le problème de l'année M2, qui suppose à la fois de préparer le concours, de rédiger un mémoire et, pour le Meef, de faire des stages. Nous avons en ligne de mire l'année 2025, le temps de formaliser les programmes de concours et d'avoir un tuilage entre les étudiants qui préparent le concours à bac + 5 et ceux qui le prépareront à bac + 3. Nous nous engagerons dans cette perspective dès que nous aurons le feu vert puisque les engagements financiers sont importants.

Les IPS ont été publiés en open data sur le site du ministère de l'Éducation nationale. L'écart-type est très important. La situation sociale entre deux établissements ayant le même IPS peut être très contrastée, le delta pouvant être très large ou très réduit.

La question de la mixité sociale ne peut être envisagée sans les collectivités, responsables de la sectorisation. Le travail de mon ministère ne peut s'effectuer qu'en partenariat avec elles, en particulier avec les conseils départementaux, desquels dépend la gestion des collèges. Tout dépendra donc aussi de la bonne volonté des conseils départementaux. Fort heureusement, un certain nombre d'entre eux est disposé à travailler avec nous, mais la carte sera donc un peu en « peau de léopard ».

Nous mettons de nombreux outils à la disposition des rectorats, qui négocient d'ores et déjà avec les conseils départementaux. Les réalités des territoires sont très variées et on ne peut pas agir de la même manière dans le Val-de-Marne ou en Loire-Atlantique.

L'enseignement privé sous contrat est également concerné. J'ai déjà mentionné l'accord que nous avons signé avec le secrétariat général de l'enseignement catholique, avec lequel nous entretenons des relations de travail très fructueuses. Un établissement privé sous contrat qui ferait un effort particulier en ouvrant par exemple une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) ou une section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) pourrait voir sa dotation améliorée, par rapport à un établissement qui ne ferait pas cet effort. Il ne s'agit pas d'une dotation de fonctionnement, mais de postes de professeurs. Depuis longtemps, les établissements privés sous contrat nous demandent plus de professeurs que nous n'en avons. Au moment de décider de leur répartition, nous pouvons prendre en compte le critère de la mixité sociale et scolaire des établissements.

J'en viens à l'éducation prioritaire. Nous travaillons, avec le ministère de la Ville et du logement, à une refonte de la carte de l'éducation prioritaire, qui a vieilli : plusieurs d'entre vous m'ont signalé des établissements qui devraient entrer en éducation prioritaire – je note au passage que vous êtes beaucoup plus discrets au sujet des établissements qui ne devraient plus être en éducation prioritaire et qui y restent. Cette question est très complexe et nécessite la prise en compte d'un grand nombre de données. Si cette carte est difficile à modifier, c'est aussi parce que certaines des dispositions propres à l'éducation prioritaire, comme le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1, ainsi que les primes et le temps de concertation proposés aux enseignants, sont des éléments attractifs. Les familles et les enseignants y sont souvent attachés et ne souhaitent pas que leur établissement sorte de l'enseignement prioritaire, alors même que certaines évolutions sociologiques le justifieraient.

Notre travail est loin d'être fini, mais je peux déjà vous dire que l'on constate une certaine stabilité du côté des quelque 360 établissements REP + : les établissements qui sont les plus défavorisés l'étaient déjà lors de la dernière révision, qui date de 2015 et qui était fondée sur des données de 2011. On note pas mal de mouvements, en revanche, du côté des établissements REP. Certains d'entre eux devraient sortir de l'éducation prioritaire et beaucoup d'autres établissements devraient y entrer : c'est ce qui va poser le plus de difficultés. Je vous l'ai dit, nous sommes en plein travail et j'attends encore le rapport d'information que doivent présenter très prochainement, sur ce sujet, Mme Agnès Carel et M. Roger Chudeau.

Nombre d'entre vous m'ont interrogé sur la proposition du Président de la République de rendre les collèges accessibles de 8 à 18 heures. Une expérimentation va être lancée dans une trentaine de cités éducatives à la rentrée. Je m'empresse de dire qu'il s'agit, non pas de rendre obligatoire la présence au collège entre 8 et 18 heures, mais d'offrir la possibilité aux élèves qui le souhaitent – ou dont la famille le souhaite – d'arriver à huit heures et de repartir à dix-huit heures. Du reste, certaines cités éducatives ont déjà des horaires plus étendus.

Les données dont nous disposons montrent que les toute petites sections sont très efficaces : scolariser les enfants dès l'âge de deux ans a des effets très positifs sur leur accès au langage et leur socialisation – y compris celle de leur famille. Nous allons donc favoriser la création de toute petites sections en éducation prioritaire, en accord avec les collectivités et en bonne intelligence avec le secteur de la petite enfance.

Puisque j'évoque les services aux élèves, j'aimerais dire un mot du dispositif « devoirs faits ». Il sera généralisé pour les classes de sixième dès la rentrée et restera proposé, de manière optionnelle, en cinquième, quatrième et troisième. Ce dispositif ne concerne pas que les familles défavorisées. Même dans des familles qui bénéficient d'un bon niveau matériel et où l'enfant peut être aidé, il est appréciable qu'il rentre à la maison en ayant déjà fait ses devoirs : cela évite bien des tensions avec les parents. « Devoirs faits », c'est bon pour tout le monde. Actuellement, 40 à 44 % des élèves de sixième utilisent ce dispositif ; on passera à 100 % à la rentrée.

J'en viens aux dégradations que nous avons subies. Fort heureusement, il n'y a pas eu 243 destructions d'écoles et d'établissements, mais 243 dommages, dont 63 importants et 12 particulièrement graves. J'entends par là des débuts de feu, voire des incendies : trois écoles ont brûlé. Je salue au passage l'action des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers, mais aussi des professeurs et des familles, qui se sont mobilisés pour sauvegarder leurs écoles et leurs établissements lorsqu'il y avait un départ de feu. Nous aurons du travail, cet été, pour réparer les établissements endommagés. Pour les trois écoles qui ont été détruites, nous devrons trouver des solutions. À La Verrière, par exemple, élèves et professeurs seront relogés dans des établissements voisins et nous mettrons en place un système de navettes. Nous travaillons avec les collectivités pour que la rentrée se passe dans les meilleures conditions.

J'ai indiqué, et plusieurs d'entre vous y sont revenus, que la nouvelle organisation du baccalauréat pose des problèmes au troisième trimestre. Plusieurs hypothèses sont sur la table. Mme Soumya Bourouaha a par exemple proposé de déplacer les épreuves de spécialités au mois de juin. Ce qui est sûr, c'est que le statu quo n'est pas une option. C'est pour que les notes de spécialités puissent être entrées dans Parcoursup que les épreuves ont été fixées en mars. Il ne s'agit pas de remettre en cause Parcoursup en tant qu'outil, mais de trouver une solution. Il y a toujours celle du contrôle continu, mais chacun connaît son inconvénient, à savoir que la même note n'a pas forcément la même valeur dans deux établissements différents. Je me suis entretenu à ce sujet avec MM. Pierre Mathiot et Jean-Charles Ringard, qui pilotent le comité de suivi de la réforme du lycée et je dois rencontrer bientôt le recteur William Marois.

Madame Pasquini, sachez que nous agissons face au réchauffement climatique. Le fonds Vert, dont la création a été annoncée par la Première ministre et qui est doté de 2 milliards d'euros, continuera de financer la transition écologique dans les années à venir. Il est bien connu des élus municipaux, qui y ont largement recours : je le constate partout où je me déplace. J'ai moi-même remis avec le ministre Christophe Béchu, au ministère de la Transition écologique, un certain nombre de chèques à des maires qui envisagent de rénover leur école. Je pourrais aussi vous parler du plan Éducation Rénovation, qui s'y ajoute. Enfin, nous travaillons de notre côté, avec la cellule « bâti scolaire », qui a été renforcée cette année, à la débitumisation et à la végétalisation des cours de récréation, qui permet de réduire la température de quelques degrés. Vous le voyez, de nombreuses initiatives ont été lancées et nous tenons compte des difficultés de financement des communes. Parallèlement, nous avons annoncé un renforcement du réseau des écodélégués et de la certification E3D (École ou établissement en démarche globale de développement durable). Pour l'instant, 10 à 15 % des écoles et établissements bénéficient de cette certification ; il faut progresser en la matière, en impliquant les élèves, et valoriser l'éducation au développement durable.

J'évoquerai, pour finir, la question de la réduction des vacances scolaires, qui concerne finalement moins les grandes vacances que les petites. Nous avons trente-six semaines de cours et seize semaines de vacances, huit pendant l'été et huit pendant le reste de l'année. Par rapport aux autres pays européens, les cours sont très concentrés, en France, sur un petit nombre de semaines, ce qui fait des journées et des semaines assez lourdes : je crois que tout le monde peut s'accorder sur ce point. Il est très difficile d'avancer sur cette question et d'autres s'y sont cassé les dents, car toute la société est organisée en fonction des vacances scolaires, à commencer par l'industrie du tourisme. Par ailleurs, au sein même de l'Éducation nationale, il faut tenir compte du temps de travail des enseignants, lui-même lié à leur statut, ce qui complique encore les choses. C'est un chantier très complexe : pour espérer trouver une solution consensuelle, il faudra vraiment prendre le temps de la discussion. Il me semble en tout cas que ce serait une bonne chose pour nos élèves. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous expliquer comment les vacances apprenantes permettent de compenser la longueur des vacances.

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