Intervention de Thierry Vincent

Réunion du lundi 26 juin 2023 à 18h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Thierry Vincent, journaliste :

Par la pratique particulière que j'ai décrite : vous êtes black bloc le temps d'une manifestation, habillé de noir et cagoulé. Ils ne se connaissent pas. Mais un cagoulé de noir sera d'emblée solidaire d'un autre cagoulé de noir et tentera, le cas échéant, de le soustraire à une arrestation. Le mouvement, issu de l'ultragauche comme la presse aime le dire, c'est-à-dire de l'extrême gauche révolutionnaire ayant une culture politique et des objectifs politiques construits, gagne de plus en plus tout le monde. C'est le symptôme d'une colère sociale et même d'une rage sociale. On retrouve tous types de profils. Au nombre de ceux qui sont vraiment actifs, il y a plutôt des jeunes gens, pour la raison évidente qu'affronter la police est une activité physique. Pour le reste, et sans vouloir éluder votre question, j'ai été frappé de constater que, justement, il y a de moins en moins de caractéristiques propres aux black blocs, aux éléments radicaux et au cortège de tête.

Le cortège de tête, ou pré-cortège, est un phénomène intéressant. Comparons les chiffres de la manifestation parisienne du 1er mai. La police a dit qu'il y avait 112 000 personnes à Paris. Gérald Darmanin a dénombré 2 000 black blocs radicaux et 20 000 personnes dans le pré-cortège, ou cortège de tête comme disent les manifestants. Le cortège de tête se compose des gens qui manifestent devant la manifestation, hors syndicats. C'est donc un signe de défiance envers les organisations institutionnelles que sont les syndicats, et aussi une manière d'exprimer une certaine compréhension, voire un certain soutien envers ceux qui commettent des exactions. Or, 20 000 personnes, c'est énorme ! Entre un cinquième et un sixième de la manifestation exprime ainsi une certaine compréhension ou indulgence vis-à-vis de ceux qui manifestent de manière illégale. Ce n'est pas un phénomène marginal que l'on peut catégoriser comme un groupe d'ultragauche. Même si c'était exact à l'origine, cela a infusé beaucoup plus largement. Ce que j'entends, c'est que les présents ne croient plus en la démocratie. Ils ne croient plus que les formes classiques de dialogue puissent amener un progrès.

Je sais que ma réponse est imparfaite. Je vous l'ai dit d'emblée : j'ai eu beaucoup de mal à définir un profil type. Pour résumer, ce qui était plutôt un mouvement de milieux intellectuels dotés d'une grande culture politique et animés d'une idéologie révolutionnaire anticapitaliste est en train de se diffuser plus largement au sein d'une population mue par une véritable colère sociale.

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