Intervention de Christophe Alliot

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 13h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Christophe Alliot, co-fondateur de Le Basic :

Les grandes cultures représentent plus de 60 % de l'usage des pesticides, devant la viticulture. Les autres usages pèsent beaucoup moins. Lorsque l'on dit que l'on veut réduire de moitié l'usage des pesticides, est-ce à dire que tout le monde doit réduire de moitié, ou va-t-on privilégier des stratégies différenciées ?

J'en viens à l'augmentation de l'usage des pesticides depuis le premier plan Ecophyto. Nous sommes partis d'une étude de chercheurs d'instituts techniques et de l'Inrae, qui montrait l'existence d'une corrélation entre les dépenses de pesticides en euros et les indices de fréquence de traitement, qui sont par ailleurs un indicateur intéressant à utiliser. Nous avons mis à jour cette partie de notre recherche pour vérifier que cette corrélation était toujours d'actualité. La dépense en euros est ainsi un indicateur intermédiaire qui peut donner à voir ce qui est en train de se passer. Il permet notamment de contourner la question de la concentration des produits utilisés : un produit très efficace mais que l'on utilise peu est un produit cher.

Nous avons également fait un travail comptable, en utilisant le réseau d'informations comptables agricoles, qui répertorie 80 % des exploitations françaises représentatives et représente 95 à 98 % de tout ce qui est produit en France. Nous avons constitué trois groupes : les exploitations qui avaient divisé par deux leurs dépenses ; celles qui les avaient multipliées par deux ; et celles qui se situaient à un niveau intermédiaire. Nous nous sommes aperçus que les exploitations ayant doublé leurs dépenses représentent environ 7 % de la surface agricole, 9 % des exploitations et 21 % de la dépense en pesticides. Par ailleurs, un tiers des exploitations françaises représente à peine 10 % de la consommation de pesticides. Les exploitations de grandes cultures, qui constituent 15 % des exploitations, représentent 27 % de la dépense en pesticides. Les exploitations les plus vertueuses, en revanche, représentent 10 % du nombre total d'exploitations et 2 % de la dépense. On voit donc qu'il y a là un enjeu de modèle agricole qui est à regarder de près.

Nous avons fait la fiche descriptive de ces exploitations fortement consommatrices de pesticides. Cela ressemble à l'agriculture de firmes, une agriculture plus mécanisée, avec beaucoup plus de salariés, beaucoup moins de travail réalisé par les exploitants agricoles individuels. Ce que ces chiffres nous disent n'est pas anodin. Il y a peut-être un moyen de concentrer l'action des pouvoirs publics prioritairement sur une partie de nos exploitants agricoles. Cela pourrait être plutôt une bonne nouvelle.

Concernant les coûts cachés, la particularité de notre approche est d'être comptable et non économique : nous ne considérons que les coûts induits pour les collectivités publiques. Notre estimation est donc plutôt minimaliste. À l'échelle française, nous estimons ce coût à 370 millions d'euros au minimum, potentiellement beaucoup plus – jusqu'à 2 ou 3 milliards d'euros, selon mon souvenir.

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