Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du jeudi 14 septembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Frédéric Cuvillier, ancien ministre délégué chargé des transports et de l'économie maritime :

Il est toujours délicat de faire une analyse rétrospective de décisions qui ont été prises par d'autres pour donner des leçons. On peut toutefois faire le constat qu'en 1997, l'ouverture à la concurrence est actée et n'est pas remise en cause. Peut-être parce que c'était un moyen de laisser vivre la libéralisation ou une occasion de faire du fret un mode de transport privilégié. Les chiffres nous apportent la réponse : certes, de nouveaux opérateurs sont arrivés mais ils représentent 30 % d'un marché dont la part modale s'est effondrée. Nous avons réussi à stabiliser le fret bon an mal an et surtout à ne pas le sacrifier. Je rappelle que la petite musique de fond d'alors consistait à s'interroger sur la pertinence pour l'opérateur ferroviaire de conserver ces activités traditionnelles.

L'ouverture à la concurrence n'a pas permis d'accroître le report modal au profit du ferroviaire. J'en ai tiré les leçons dans la réforme ferroviaire : avant de libéraliser le transport de voyageurs, nous devions disposer d'un groupe public suffisamment robuste pour affronter la concurrence, sans quoi les écarts tant dans les normes techniques que dans le statut social conduiraient immanquablement l'opérateur historique à être malmené. Parallèlement, la SNCF a dû digérer la boulimie de lignes à grande vitesse sur l'autel desquelles d'autres investissements ont été sacrifiés. L'ouverture à la concurrence sans préparation produit des effets inverses de ceux recherchés.

Je ne sais pas si les opérateurs étaient non coopératifs. Toutefois, la deuxième conférence périodique avec les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) l'a montré, il existe des acteurs économiques qui ont envie et besoin de voir le fret ferroviaire marcher. J'avais lancé une réflexion avec le président des chambres de commerce et d'industrie notamment pour identifier les segments industriels dans lesquels le fret est pertinent ainsi que les moyens de développer le fret de proximité – je ne reviens pas sur les grands ports maritimes. La simplification des normes applicables au fret, qui l'empêchaient d'être compétitif par rapport aux autres modes de transport, était un autre chantier passionnant, de même que l'innovation. Mon action pour développer et réorganiser le fret ferroviaire a été saluée par le président de l'association Objectif OFP, Jacques Chauvineau.

À l'époque, la politique commerciale de Fret SNCF était insuffisante, voire inadaptée. Les chefs d'entreprise se plaignaient des difficultés à trouver un interlocuteur et à obtenir des garanties de régularité. À l'instar de nos voisins, des représentants de la branche fret auraient dû être présents dans tous les terminaux, au plus près des acteurs économiques.

Quant à un éventuel changement de pied, lorsque deux filiales d'un même groupe se font concurrence, on marche sur la tête. Ce fut le fil rouge de mon action que d'éviter de mettre en concurrence les modes de transport et de favoriser la complémentarité et la lisibilité. Dans le domaine du transport de voyageurs, domaine anormalement réglementé au détriment des territoires, le choc de simplification voulu par le président Hollande fut l'occasion de créer des lignes de transport par car – différents de ce qu'on a appelé les « cars Macron » – là où le train ne venait pas ou pour des lignes transversales très mal desservies par le train. Il s'agissait d'offrir aux voyageurs une solution de transport complémentaire – je rétablis ici la vérité.

Notre politique des transports était guidée par la recherche de l'efficacité, de la complémentarité et du rayonnement économique des territoires.

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