Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Réunion du jeudi 14 septembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Jean-Baptiste Djebbari, ancien ministre :

En politique, le rapport de force ne fait pas tout, mais il compte beaucoup. Certes, si je raisonne de cette façon, c'est peut-être parce que je suis rugbyman – et donc, par définition, viriliste –, mais il me semble quand même nécessaire, à certains moments, d'établir un rapport de force.

En tant que ministre français, on est bien souvent amené à constater, dans l'exercice de ses fonctions, qu'il existe au sein de l'Union européenne des positions divergentes. Y compris dans le couple franco-allemand, et alors qu'il s'agit d'un engagement consenti par la France, on observe des divergences stratégiques, pour le dire en termes pudiques, en matière de construction automobile, dans le domaine spatial – avec une concurrence au sein d'Ariane – ou encore dans celui de la défense, avec le système de combat aérien du futur (SCAF) : les discussions avec les Allemands sont souvent compliquées. C'est aussi le cas, du reste, entre les États et la Commission européenne. Celle-ci applique des règles votées par les États et le Parlement européen. Or les États constatent parfois qu'elles s'exercent au détriment de leur intérêt. C'est le cas, par exemple, du marché de l'énergie, qui présente des dysfonctionnements : la classe politique française dans son ensemble convient désormais que les règles pénalisent le système électrique français et demande qu'elles soient modifiées.

J'essaie d'évaluer les situations de façon lucide. Parfois, en effet, il faut instaurer un rapport de force. Quand la Commission européenne vous dit que, parce que vous avez consenti 7 milliards d'euros de prêts à Air France-KLM, vous devrez céder plusieurs créneaux à Orly, vous avez le droit de dire que c'est trop, ou encore d'essayer de substituer Roissy à Orly. Bref, vous trouvez des arguments, sous réserve que vous y croyez vraiment, pour minimiser ce que demande la Commission. C'était mon cas : j'avais des convictions et de bons arguments à faire valoir. Chaque fois que c'était possible, lorsque j'estimais qu'il y allait de la défense des intérêts français, je montais au front pour faire valoir mes arguments, qui étaient pertinents et même de bon sens. Le général de Gaulle disait souvent qu'en politique, c'est le rapport de force qui l'emporte et non l'argumentation. Quand vous avez la chance d'être encore un grand pays, que vous êtes la France en Europe, vous pouvez jouer du rapport de force. Pour ma part, en tout cas, je considère que cela fait partie pleinement de la fonction de ministre. Qui plus est, j'avais un goût certain pour le faire…

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