Intervention de Louis Gallois

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Louis Gallois, ancien président de la SNCF :

D'abord, je n'ai pas dit que la décision de Bruxelles se traduirait par un transfert du rail vers la route, mais qu'elle n'entraînerait pas un camion de moins sur les routes. Ensuite, j'ai tenu un raisonnement de bon sens : si l'on retire des trafics rentables à une activité qui ne l'est pas, on n'améliore pas la rentabilité globale du fret. La situation du fret deviendra donc relativement difficile du fait des trafics qui lui auront été enlevés.

La Commission est cohérente dans son attitude : elle n'aime pas les entreprises publiques de monopole. Je m'intéresse au dossier d'EDF, pour d'autres raisons, et je constate que ses perceptions sont les mêmes que pour la SNCF. Celle-ci a toujours été soupçonnée – le terme est peut-être excessif – d'être assise sur une sorte de monopole qui lui permettait de ne pas faire d'efforts et de ne pas aller chercher de nouveaux clients ; il fallait donc qu'il y ait de la concurrence pour stimuler et développer le marché. Je demande à voir quel a été le résultat, depuis dix ou quinze ans, pour le fret en France. De fait, les difficultés que j'évoque pour Fret SNCF – absence de massification du trafic, indisponibilité des infrastructures – sont les mêmes pour ses concurrents.

Dans l'ensemble, il est difficile de discuter avec Bruxelles au sujet des entreprises en position de monopole – je m'exprime ici en tant que citoyen, pas comme ancien président de la SNCF. Ces monopoles présentent certainement des inconvénients ; je ne suis pas opposé à l'ouverture à la concurrence, mais je veux en voir le résultat, que ce soit dans la croissance du trafic de fret ou dans le prix de l'électricité. Les Allemands, qui ont un opérateur très puissant, la Deutsche Bahn, ont peut-être su mieux gesticuler à Bruxelles que nous. Sans doute ont-ils présenté les choses de manière plus acceptable : ils se sont ouverts à la concurrence plus tôt, ils ont laissé filer les trafics, ils ont donc été un peu moins dans le collimateur, même si j'ai compris qu'ils y revenaient. Quant aux autres pays, comme l'Espagne ou l'Italie, ils ont peu de fret. Les pays où le fret ferroviaire est important sont la France, par le passé du moins, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas.

Y a-t-il eu des aides publiques en Allemagne ? Je n'en ai pas la confirmation, mais je sais que ce pays a des points de massification de trafic très importants comme Wolfsburg, où se trouve une usine de Volkswagen, Duisbourg, qui regroupe toute la sidérurgie, ou les ports de Hambourg, de Brême et même de Rotterdam. La France, elle, a de petits ports comparés à ceux du Nord. Ces lieux de massification ont aidé la Deutsche Bahn, qui s'est peut-être aussi mieux débrouillée que nous. Je ne veux pas dire que nous nous sommes bien débrouillés : quand le résultat n'est pas bon, il faut accepter d'en assumer une part de responsabilité. Peut-être avons-nous été trop lents à réagir et n'avons-nous pas fait preuve d'assez de souplesse pour nous adapter à une situation nouvelle.

S'agissant du TGV, il ne faut pas se raconter d'histoires : c'est ce qui a sauvé la SNCF. J'en suis fier, et les Français doivent l'être également. Avant d'attaquer le TGV, il faut être conscient de l'enjeu que recouvrait son développement. Maintenant que le pays est bien équipé, il faut peut-être déplacer les investissements vers le réseau classique, comme le fait le Gouvernement, mais je ne voudrais pas qu'on jette le bébé avec l'eau du bain en affirmant que le TGV a tué le fret ! Sans le TGV, il n'y aurait plus de fret ni d'Intercités.

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