Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mercredi 11 octobre 2023 à 15h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Article 6

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique :

Il suffit de déployer ces filets avant de les relever et obtenir ainsi des fichiers de données personnelles ou bancaires, qui s'échangent à prix d'or sur le darknet. À quelles fins ? Principalement à des fins d'usurpation d'identité.

Au premier abord, cliquer sur le lien figurant dans le SMS – comme nous avons tous hésité à le faire – ne porte pas à conséquence : après avoir communiqué nos données, personnelles ou bancaires, rien de particulier ne se produit. Mais quelques mois plus tard, une fois ces données transmises à un autre arnaqueur, professionnel ou amateur, celui-ci se fait passer pour notre conseiller bancaire, nous appelle en connaissant toutes nos informations bancaires – ce qui nous met en confiance – et nous fait faire des virements contre notre gré. Nous avons beaucoup de mal ensuite à les faire annuler, puisque notre consentement est réputé avoir été acquis. En raison de cette usurpation d'identité, certains de nos concitoyens se retrouvent parfois pris dans la spirale du surendettement, en dépit de leur volonté.

Quand ce n'est pas leur sort personnel qui est en jeu, cela peut être celui de l'entreprise, de l'hôpital ou de la collectivité locale dans lesquels ils travaillent : des cyberattaques d'ampleur sont engagées grâce aux données ainsi collectées, qui permettent d'entrer dans les systèmes informatiques, de détruire les sauvegardes, d'encrypter les données et de paralyser ainsi toute activité. Le filtre anti-arnaque prévu à l'article 6 rendra beaucoup moins rentables et profitables ces opérations consistant à envoyer de SMS en nombre, pour espérer piller des données personnelles.

Venons-en aux remarques de M. Louis Boyard. Quand on prend des mesures de blocage administratif, il faut effectivement faire attention à ce qu'on fait. Avec le Conseil d'État, nous avons essayé de concevoir un dispositif équilibré ; la commission spéciale nous a permis de progresser dans la définition des infractions visées et des sites correspondants. Par ailleurs, Éric Bothorel, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets, a amené la commission spéciale à préciser le rôle des navigateurs, dont il est vrai qu'il fallait le calibrer correctement. Alors que les fournisseurs d'accès à internet peuvent bloquer, mais pas filtrer, les navigateurs peuvent filtrer et bloquer, mais n'ont guère envie de recevoir des injonctions en ce sens. La rédaction issue des travaux de la commission spéciale, qui sera certainement améliorée grâce à nos débats, nous permet d'envisager un bon équilibre.

Enfin, la France n'est pas le premier pays à se doter d'un tel dispositif : la Belgique, le Canada et le Royaume-Uni, qui sont des démocraties respectueuses des libertés fondamentales, ont eux aussi fait ce choix, pour éviter d'exposer leur population aux arnaques aux faux SMS massifs. Concentrons-nous sur le dispositif, déterminons de quelle manière l'améliorer, mais gardons-nous de le rejeter avant même d'avoir examiné les amendements.

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