Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 9h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Gérald Darmanin, ministre :

Au sens physique du terme, de nombreuses manifestations interdites se passent bien malgré les violences, les autoroutes coupées, les trains arrêtés et la dévastation d'entreprises ou de certains sites. Nous parvenons à anticiper et nous mobilisons beaucoup de moyens, comme récemment dans les Alpes où une ZAD s'est constituée autour de La Clusaz en raison de difficultés liées à l'accès à l'eau, qui suscitent de nombreuses confrontations entre les stations de ski, les agriculteurs et les personnes qui contestent ces retenues.

En premier lieu, nous nous efforçons d'obtenir des renseignements. Tout le travail du ministère de l'intérieur en la matière consiste à savoir ce qui va se passer, combien seront les manifestants, s'ils seront violents et si des personnes que nous suivons en feront partie. Quand on sait, comme c'était le cas à Sainte-Soline, que quelques centaines de personnes qui viendront de l'étranger comme de France sont fichées, on peut penser que la manifestation risque de mal évoluer. Ces personnes peuvent certes subitement devenir de gentils agneaux, mais lorsque les autorités de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie, de l'Espagne et du Royaume-Uni nous signalent que, sur la foi d'écoutes téléphoniques et de sources internes, elles savent que des gens considérés ultraviolents d'ultragauche, ayant participé à des manifestations très dures sur leur sol national, ont l'intention de se déplacer en France, nous savons que ce ne sera pas le rendez-vous des copains de Georges Brassens. Nous savons donc, sur la base de ces indications, qu'il y aura des difficultés. Nous proportionnons les forces en conséquence.

On sait aussi, en source ouverte, si les associations mobilisent beaucoup leurs amis et si, territorialement, comme c'est le cas dans l'ouest de la France, les gens se sentent concernés. À Sainte-Soline, nous avons été alertés par le fait qu'un agriculteur avait autorisé l'occupation de son terrain pour installer la fameuse tour. Des signes de coordination montraient qu'il y aurait du monde. Il était également prévu qu'une noria de tracteurs se joigne à cette manifestation. La préfète des Deux-Sèvres a obtenu, et je l'en remercie, une désescalade sur ce point en discutant avec la Confédération paysanne, que je remercie également d'avoir renoncé à cette démonstration de force. Imaginez ce qui se serait produit si les tracteurs étaient venus sur site affronter les gendarmes ! Les choses auraient été encore plus graves. Je le répète : des dizaines d'opérations se passent bien et ne donnent lieu ni à débat médiatique ni à commission d'enquête. En général, le nombre des forces de l'ordre mobilisées dissuade les personnes qui en seraient tentées de recourir à la force.

À Sainte-Soline, la difficulté tenait au fait qu'une partie de ces personnes avaient incontestablement la volonté d'utiliser la violence pour montrer que l'État était violent. Toute la question est de savoir qui a été l'agresseur dans cette affaire. Je pense, quant à moi, que ce ne sont évidemment pas les forces de l'ordre, qui n'ont eu recours à la violence que d'une manière légitime et proportionnée. Une autre difficulté tenait à la particularité du site. Il fallait couvrir des dizaines de kilomètres sur un terrain agricole et les opérations pouvaient se dérouler en une multiplicité d'endroits puisque d'autres bassines pouvaient être également visées. Enfin, les agriculteurs et les élus de la zone, avec qui j'ai eu des réunions, craignaient que l'on vienne sectionner des câbles, envahir des fermes ou détruire des installations.

Les renseignements dont nous disposions, qui laissent toujours un risque d'erreur, montraient que les choses n'allaient pas très bien se passer. Nous avons néanmoins été surpris de constater qu'à l'exception de la Confédération paysanne, avec laquelle une désescalade a été possible, une partie des personnes attendues affichait une volonté de nuire. La justice a d'ailleurs reconnu le bien-fondé de tous les actes de la préfète des Deux-Sèvres et des préfets des territoires concernés.

Par ailleurs, de nombreux responsables politiques nationaux s'étaient annoncés. Des parlementaires revêtus de leur écharpe tricolore se sont parfois placés face au cordon de gendarmes, devant des individus violents. J'avais heureusement demandé aux gendarmes de filmer ces scènes car je sais trop, par expérience, que pour certaines personnalités politiques, c'est toujours, par principe, la faute des policiers. Les images ont montré que, pour la parlementaire concernée, la provocation n'était pas du côté des gendarmes, et l'on n'a d'ailleurs plus beaucoup entendu parler de cet incident par la suite.

Plusieurs faisceaux d'indices laissaient donc penser que les choses ne se passeraient pas bien, que les manifestants seraient nombreux, qu'il y aurait des individus violents, venus notamment de l'étranger, et que les possibilités d'attaque et la zone à couvrir appelaient une démonstration très forte de la part des forces de l'ordre.

On peut certes transporter des haches. Mais il faut alors penser qu'il y a à Sainte-Soline beaucoup de bûcherons et beaucoup de gens qui font des travaux de terrassement, jouent à la pétanque, font des coquetels Molotov et transportent des bidons d'essence pour le plaisir ! Les arrêtés des préfets pour interdire le transport d'armes ont tous été validés par le juge administratif. Nous ne parlons pas ici d'une arme, d'une boule de pétanque ou d'un pavé isolé. Ceux qui se sont rendus sur le site ont constaté que les boules de pétanque ne poussaient pas dans ce champ. En outre, nous avions pris soin de retirer tout le matériel de travaux aux alentours car il arrive que, dans les manifestations de foule, ce matériel soit utilisé à des fins martiales. Par ailleurs, pour atteindre la ligne des gendarmes, il fallait franchir des kilomètres sans pouvoir se servir de son véhicule : un bûcheron devait donc prendre sa hache dans son coffre et traverser le champ avec. Chacun a bien vu que ces personnes étaient organisées, avec boucliers et parapluies, alors qu'il ne pleuvait pas ce jour-là.

Pour une partie des manifestations violentes, la préméditation est caractérisée. Il serait bon de le reconnaître. Les causes souvent nobles et respectables sont bousculées par la violence d'un groupe certainement très minoritaire, comme c'était le cas à Sainte-Soline, par rapport aux milliers de personnes présentes ou manifestant dans les autres cortèges et dans la ville. Malheureusement, ces quelques centaines de personnes agressives, en attaquant les forces de l'ordre, n'ont pas servi la cause écologique.

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