Intervention de Paul Vannier

Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Vannier :

Monsieur le ministre, l'attaque terroriste de la cité scolaire Gambetta à Arras a coûté la vie à Dominique Bernard, professeur de lettres. Elle a blessé l'un de ses collègues enseignant et deux agents territoriaux, dont l'un très grièvement. Trois ans après la mort de Samuel Paty, l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale, le pays dans son entier sont terriblement affectés par ce nouvel assassinat d'un professeur, tué parce qu'il était professeur. Qu'est-ce qu'être un professeur ? C'est élever de jeunes esprits en formation à la liberté et à l'autonomie de la pensée par le savoir, la raison et la culture. Dominique Bernard nous a montré jusqu'où pouvait conduire cet engagement, jusqu'à mettre littéralement sa vie en jeu pour protéger ses élèves. À cet instant, son héroïsme, celui de ses collègues enseignants, personnels administratifs, agents techniques nous bouleversent toutes et tous.

Au-delà de l'émotion, il fait sens et nous questionne. Nos gouvernements sont-ils à la hauteur de cet engagement ? Nos gouvernements sont-ils à la hauteur de nos professeurs ? Nos gouvernements sont-ils à la hauteur des besoins de nos enfants ? Non, ils ne le sont pas. Ils ne le sont plus depuis longtemps déjà. À coups de budgets rabotés, de postes supprimés, de salaires non revalorisés, l'école publique a été affaiblie par une succession de choix politiques. Le métier de professeur est entré dans une crise que révèlent à peine les milliers de postes laissés vacants chaque année aux concours de l'Éducation nationale. Des dizaines de milliers d'élèves sont abandonnés sans professeur à la rentrée, sans professeur les jours suivants. Le job dating est devenu la règle, les inégalités scolaires s'approfondissent. En Guyane, 10 000 jeunes seraient privés d'accès à l'école de la République, tandis que près de 3 000 enfants scolarisés dans l'Hexagone vivent dans la rue.

Comme beaucoup d'autres avant lui, ce budget 2024 signe la forfaiture de nos gouvernements vis-à-vis de l'école. Il est la terrible illustration du fait que, passé le temps de l'émotion et de l'hommage, le soutien à nos professeurs, le souci de nos élèves et de leurs familles ne se paient que de mots. Ce budget 2024, c'est 1 709 postes supprimés dans le premier degré, 484 postes supprimés dans le second degré ; c'est le démantèlement du lycée professionnel ; c'est la priorité donnée à l'école privée, dont le budget augmente plus vite que celui de l'école publique ; c'est la poursuite de la politique d'appauvrissement des professeurs. La revalorisation historique affichée accompagne, en réalité, une nouvelle perte de pouvoir d'achat des enseignants, eux dont le salaire d'entrée dans la carrière est passé de 2,2 Smic dans les années 80 à 1,26 Smic cette année.

Cet effondrement doit être arrêté. Sinon, c'est toute la République qui peut être emportée. Et pour cela, monsieur le ministre, vous devez accepter la nécessité d'un débat démocratique sur l'école. Votre contre-réforme du lycée professionnel a été imposée sans vote ni débat. Les représentants des organisations syndicales représentatives des enseignants ont été méprisés, insultés, ici même, trois semaines avant l'assassinat de Dominique Bernard, par des députés de l'extrême droite et de votre majorité. Votre précédent budget a été imposé par 49.3. Il en sera de même pour celui-là. C'est une impasse, monsieur le ministre, pas simplement pour vous mais pour l'école de la République.

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