Intervention de Gabriel Attal

Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Gabriel Attal, ministre :

L'amélioration de la santé et du bien-être des élèves est un enjeu absolument majeur. Qu'il s'agisse de prévention des conduites addictives, d'éducation à l'alimentation, de promotion de l'activité physique, de santé environnementale et, plus encore, de santé mentale, le rôle de la médecine scolaire est central. La difficulté tient non pas au nombre de postes mais à la capacité à les pourvoir – 45 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus. Cela s'explique par le manque d'attractivité, qui n'est pas seulement lié aux rémunérations – les amendements déposés sur le sujet, qui visent à poursuivre les efforts accomplis, méritent néanmoins d'être débattus – car leur hausse, rendue possible récemment par l'accès aux primes REP et REP +, n'a pas eu d'impact significatif. Cela s'explique aussi par la démographie médicale – il manque des médecins en ville ainsi que dans les établissements de santé et médico-sociaux. Jusqu'à ce que la décision que nous avons prise sur le numerus clausus produise ses effets, c'est par la coopération avec la médecine de ville et les établissements de santé que nous réussirons à accroître la présence médicale.

Pour les infirmières scolaires, là aussi, nous pouvons regarder comment maintenir les efforts en matière d'alignement de grille de ces dernières années – le budget a massivement augmenté. Mais nous devons aussi examiner d'autres leviers d'attractivité tels que la possibilité de cumuler leur activité avec un exercice libéral – cela m'a été demandé sur le terrain.

Monsieur Bataillon, en ce qui concerne la réforme de l'enseignement moral et civique (EMC), j'attends les propositions du Conseil supérieur des programmes. Je souhaite annoncer mes décisions en début d'année, après concertation avec les organisations syndicales ainsi qu'avec les parlementaires, qui sont nombreux à être mobilisés sur le sujet.

La réflexion doit porter sur le volume horaire accordé à l'EMC, la manière de garantir son effectivité et les missions qu'on lui assigne. À force d'en ajouter, ces missions se sont diluées et les priorités n'apparaissent plus clairement. L'école doit former des républicains et des citoyens éclairés : à partir de cet objectif, il est possible de décliner de grandes orientations. Par ailleurs, le Président de la République souhaite que soit lu, chaque semaine, dans nos établissements, un texte fondamental de notre République. Il y aura un travail à mener avec les historiens pour sélectionner les textes qui seront proposés.

Monsieur Chudeau, vous ne pouvez pas évoquer le nombre de postes sans le mettre en regard de la démographie scolaire. Malgré les 300 000 élèves perdus ces cinq dernières années, nous avons créé plusieurs milliers de postes. Si nous avions suivi stricto sensu la démographie, nous aurions supprimé plusieurs dizaines de milliers de postes pour maintenir le même taux d'encadrement. C'est la raison pour laquelle le taux d'encadrement est passé d'un peu plus de vingt-quatre élèves par classe dans le premier degré en 2017 à un peu plus de vingt et un élèves l'an prochain.

Toutes les études montrent que nous perdrons plus de 400 000 élèves supplémentaires dans les années à venir. Aujourd'hui, il y a 860 000 enseignants. Pour conserver le même taux d'encadrement l'année prochaine, avec la baisse démographique annoncée, le nombre d'enseignants devrait passer à 855 000. Or nous allons recruter pour atteindre le nombre de 857 500 et ainsi continuer à améliorer le taux d'encadrement.

Monsieur Vannier, je ne crois pas que la réforme du lycée professionnel soit le signe d'un abandon alors qu'elle coûte 1 milliard d'euros. C'est une réforme non pas d'économie, mais d'investissement. Les moyens ne financeront pas uniquement la gratification des stages – même s'il s'agit d'une mesure de justice importante par rapport aux élèves en apprentissage. J'espère qu'elle encouragera les élèves à persévérer dans le suivi des enseignements théoriques. Nous aurons l'occasion d'évaluer la réforme qui a bien d'autres vertus : elle renforce les fondamentaux ; elle offre des options supplémentaires – langues vivantes, entrepreneuriat, numérique – et des cours en petits groupes pour maîtriser mieux la lecture, l'écriture et le calcul ; elle revoit la carte des formations en assumant de supprimer celles qui n'offrent aucun débouché professionnel et d'en ouvrir dans les secteurs qui recrutent – Carole Grandjean et moi menons ce travail avec les acteurs économiques territoriaux.

Madame Genevard, s'agissant de l'élévation du niveau général, j'ai annoncé une mission « exigence des savoirs » pour remédier à la baisse que nous connaissons. Un élève de quatrième en 2018 avait le niveau d'un élève de cinquième en 1995 – en 23 ans, un niveau a été perdu. Désormais, les évaluations nationales annuelles, que nous devons à Jean-Michel Blanquer, nous renseignent sur le niveau des élèves de sixième. Aujourd'hui, un élève sur trois entre en sixième sans maîtriser convenablement la lecture, l'écriture et le calcul ; un élève sur deux ne sait pas combien il y a de quarts d'heure dans la fraction trois quarts d'heure ; au diplôme national du brevet, 25 % des élèves ont moins de quatre à l'épreuve de mathématiques – le quatre étant la note la plus distribuée.

Personne ne peut se satisfaire de cette situation. Il est de notre responsabilité – et non de celle des enseignants, des élèves ou des familles – de prendre les mesures qui conviennent pour élever le niveau général dans le pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui consacre le plus de temps aux disciplines fondamentales, notamment en primaire. Ce n'est donc pas le volume horaire qui est en cause mais l'enseignement. On sait que le nombre d'élèves par classe a son importance ainsi que le montre la réduction des écarts entre les établissements en éducation prioritaire et les autres en lecture, écriture et calcul. Mais nous pouvons faire beaucoup en matière de formation des enseignants, d'où la réforme de la formation initiale sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir devant vous, ainsi que les plans de formation continue – le plan Lecture et le plan Mathématiques nous permettent de former, tous les six ans, l'ensemble des professeurs des écoles.

Nous devons aussi engager un travail difficile – je l'assume et je respecte la liberté pédagogique des enseignants – sur les manuels scolaires. 60 % des élèves de CM1 n'ont pas de manuels de référence, ce qui amène parfois des professeurs des écoles à s'appuyer sur des ressources qui ne sont pas étayées scientifiquement ou qui prônent des méthodes dont l'efficacité n'est pas avérée. La mission devra se prononcer sur l'éventuelle labellisation de manuels scolaires utiles à nos élèves.

Je pose une autre question : peut-on continuer à laisser entrer au collège, dans les mêmes conditions, des enfants qui ne maîtrisent pas la lecture, l'écriture et le calcul ? L'intérêt des élèves ne serait-il pas de les faire redoubler à condition qu'ils ne refassent pas une année identique à celle qu'ils viennent de passer, ou de les faire entrer en sixième après un stage de réussite pendant deux semaines avant la rentrée ? En laissant un élève entrer en sixième dans les conditions actuelles, on lui donne toutes les chances de décrocher dans les années qui suivent. Ce n'est pas un service à lui rendre. Il faut absolument réfléchir à une autre organisation.

S'agissant du collège, nombre d'enseignants me le disent, le niveau est tellement hétérogène, notamment en français et en mathématiques, qu'une organisation non pas par classe de niveau, mais en groupes de compétences permettrait de faire progresser tout le monde, là où l'organisation actuelle finit parfois par tirer tout le monde vers le bas.

Ce constat n'est pas facile mais j'assume de dire les choses et de laisser travailler la mission en collaboration avec les organisations syndicales – chaque groupe de travail réunit des professeurs du terrain, des inspecteurs et des recteurs. Je souhaite que votre commission soit associée, selon des modalités à définir, aux travaux de la mission.

Monsieur Portier, 150 000 élèves bénéficient d'une bourse au mérite qui s'élève de 400 à 1 000 euros par an. Elle est versée jusqu'au baccalauréat à tous les élèves boursiers lauréats d'une mention « bien » ou « très bien » au brevet des collèges. Je souhaite que la mission « exigence des savoirs » examine aussi le niveau d'exigence du brevet.

Depuis le 4 septembre dernier, 173 fausses alertes à la bombe ont été recensées dans nos établissements scolaires. C'est totalement inadmissible, d'autant plus dans le contexte actuel qui suscite angoisses et inquiétudes. Il y a eu hier une fausse alerte au lycée d'Arras au moment de l'hommage à Dominique Bernard, c'est insupportable. Le ministère de l'Éducation nationale et le ministère de l'Intérieur travaillent pour identifier à chaque fois les auteurs. Après les arrestations de septembre, six personnes ont été interpellées hier. Ce sont souvent des mineurs qui ont un lien avec l'établissement. Certains qualifient parfois un tel acte de canular, mais ce n'en est pas un, c'est de la déstabilisation d'élèves et d'équipes enseignantes. Je souhaite évidemment que la justice s'empare de ces dossiers avec une grande sévérité. Il faut faire des exemples. Il faut envoyer un message de grande fermeté.

Monsieur Croizier, des mesures, qui ne relèvent pas à proprement parler de la revalorisation, contribuent à augmenter le pouvoir d'achat des enseignants : je pense, en cette rentrée, à la prise en charge à 75 % au lieu de 50 % de l'abonnement transport – le passe Navigo en Île-de-France – qui s'applique à tous les fonctionnaires ; à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ; à l'introduction de cinq points d'indice majoré pour tous les fonctionnaires en janvier 2024. Depuis la réélection du Président de la République en avril 2022, la revalorisation cumulée atteint 11 % en moyenne pour les enseignants. La hausse est plus importante en début de carrière. En matière de rémunération des enseignants en début et en fin de carrière, notre pays se situera en janvier au-dessus de la moyenne de l'OCDE. Il reste un retard important en milieu de carrière, sur lequel nous devons continuer à travailler. Certains médias parlent de « coup de blues de milieu de carrière » – je n'aime pas cette expression – mais il est vrai qu'il y a un creux qui est abordé dans le cadre du chantier sur l'attractivité que j'ai ouvert avec les enseignants.

Monsieur Chudeau, en 2017, la France dépensait 6 900 euros par élève dans le premier degré. Grâce à toutes les mesures que nous avons instaurées, le montant s'élève désormais à 7 900 euros. Nous sommes encore en dessous de la moyenne de l'OCDE, mais nous nous en rapprochons. Il n'y a pas de précédent d'une convergence aussi rapide. Nous restons au-dessus de la moyenne de l'OCDE dans le second degré et en lycée professionnel. Lors de la remise du rapport de l'OCDE Regards sur l'éducation, tous les intervenants reconnaissaient que l'élément clé pour élever le niveau, c'est la formation des enseignants. C'est ce qu'on appelle l'effet maître. Nous devons donc continuer à concentrer nos moyens dans ce domaine.

Madame Keloua Hachi, le nombre d'élèves par classe n'augmente pas, il baisse. Dans le primaire, il passera de 23,6 en 2017 à 21,4 en 2024. C'est évidemment une moyenne qui inclut les dédoublements. Je rappelle aussi le plafonnement à 24 élèves par classe en grande section, CP et CE1 hors éducation prioritaire. J'ai demandé à la mission « exigence des savoirs » d'évaluer les effets de cette mesure pour décider si elle doit être généralisée. Notre boussole doit être, en toutes circonstances, l'élévation du niveau de nos élèves.

Il y aurait, selon vous, 10 000 postes supprimés depuis 2017. C'est faux. Entre 2017 et 2022, on recense 2 170 créations nettes de postes de professeurs.

Madame Pasquini, en ce qui concerne les assistants d'éducation (AED), depuis 2017, le nombre de postes a connu une hausse, passant de 62 000 à 67 500 l'an prochain. Nous devons l'augmenter encore car nous avons besoin des AED pour lutter contre le harcèlement scolaire et assurer la sécurité dans nos établissements scolaires. Depuis 2022, 400 postes de CPE ont également été créés pour la vie scolaire.

S'agissant des pôles d'appui à la scolarisation, après le saut quantitatif, nous souhaitons tous un saut qualitatif dans l'accueil des élèves en situation de handicap. Je suis frappé par la détresse des familles mais aussi des professeurs des écoles face aux difficultés à accueillir ces élèves. Le PAS permettra d'offrir à la fois un appui aux professeurs par des professionnels du médico-social ; un point d'entrée unique pour les familles, notamment pour les accompagner dans leurs démarches auprès de la maison départementale des personnes handicapées ; une réponse de premier niveau sans attendre la réponse de la MDPH, en matière d'adaptation du matériel pédagogique notamment. En expérimentant les PAS, on se donne une chance d'améliorer la qualité de l'accueil des élèves en situation de handicap. J'espère que cette mesure sera soutenue.

Madame Carel, vous avez présenté un rapport très important dressant un panorama et un bilan de l'éducation prioritaire dont nous avons repris plusieurs recommandations. Nous continuons à renforcer les moyens : soixante ouvertures de très petites sections dès 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; l'achèvement du dédoublement des classes en grande section de maternelle ; l'extension de l'ouverture de huit heures à dix-huit heures dans les collèges – les collèges seront plus nombreux que prévu à adopter ce dispositif dès cette année car nous les y avons encouragés fortement.

Madame Pasquini, vous menez avec Graziella Melchior une mission sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques. L'isolation thermique des bâtiments publics est une nécessité pour assurer le bien-être des élèves et des enseignants et atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Nous voulons rénover 40 000 écoles dans les dix ans qui viennent, ce qui implique de multiplier par trois ou quatre le rythme annuel de rénovation dans notre pays. Bien que la compétence appartienne aux collectivités locales, pour la première fois, l'État alloue 500 millions d'euros de crédits par l'intermédiaire du fonds Vert – c'est un investissement inédit et massif –, qui viennent s'ajouter au soutien de la Caisse des dépôts.

Monsieur Maillot, je vous remercie pour votre témoignage. Je ne reviens pas sur le renforcement des moyens en éducation prioritaire. Certes, on peut faire toujours plus, mais donnez-moi un exemple d'un moment dans l'histoire de notre école où l'État a autant investi dans l'éducation prioritaire. 500 000 élèves ont fait leur rentrée dans des classes dédoublées ; des millions d'élèves ont droit à un petit déjeuner gratuit ; etc.

Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage – je l'assume même si cette position n'a pas toujours été celle de mes prédécesseurs – d'autant plus qu'elles permettent souvent d'améliorer l'apprentissage du français. Je cite l'exemple de La Réunion où 85 % des élèves parlent créole à la maison. Il ressort d'une expérimentation menée dans des écoles maternelles que dans les classes bilingues créole-français, les élèves parlent mieux le français que dans les classes 100 % en français. C'est un exemple tout à fait parlant du rôle des langues régionales comme pont vers la langue française, notamment dans nos territoires ultramarins. Par ailleurs, vous avez entendu les propos du Président de la République sur la création d'un service public de l'apprentissage de la langue corse. C'est une part de notre culture et de notre histoire qui doit pouvoir être transmise à nos enfants.

Madame Descamps, je vous ai répondu par anticipation sur la santé à l'école.

Le pacte enseignant se déploie. Au retour des vacances de la Toussaint, je disposerai d'un bilan plus complet. À ce stade – les chiffres remontent au 21 septembre, date à laquelle une grande partie des enseignants n'avaient pas encore signé leurs états de service, donc indiqué s'ils adhéraient au pacte –, un enseignant sur quatre a rejoint le pacte – un sur trois au collège et en lycée professionnel. Je ne crois pas que l'on puisse parler d'échec.

L'adhésion au pacte dépend des protocoles signés dans les établissements scolaires sur l'organisation du remplacement de courte durée. Les enseignants disent, et je l'entends parfaitement, qu'ils ne veulent pas être appelés à minuit pour venir faire un remplacement le lendemain à huit heures du matin alors qu'ils ne travaillent pas normalement. Ce n'est évidemment pas l'esprit du pacte. Dans chaque établissement, doit être signé un protocole dont les modalités sont adaptées aux spécificités de chacun. J'ai visité un établissement dans lequel il est demandé aux enseignants des créneaux sur lesquels ils pourraient faire du remplacement et un délai de prévenance de quarante-huit heures est prévu. Dans un autre, le chef d'établissement demande aux enseignants de remplir un tableau avec leurs disponibilités. Il faut donner de la souplesse sur le terrain aux chefs d'établissement et aux équipes. C'est de cette manière que la confiance dans le dispositif, qui reste à bâtir, je le sais, sera gagnée. Je ne suis pas du genre à abandonner.

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