Intervention de Martin Gutton

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Martin Gutton, directeur général de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne :

Je vais insister sur l'impact du changement climatique sur les pratiques agricoles et le bouleversement des références. Les données des dix dernières années sont complètement différentes de tout ce que nous avons pu connaître par le passé. Or, nos systèmes – nos systèmes de production agricoles en particulier – se sont construits dans le temps et sur la base de références historiques. Qui mieux qu'un agriculteur peut nous rappeler les conditions climatiques des années passées ?

Lors du Varenne agricole, le groupe 2, piloté par la présidente des instituts techniques, a travaillé sur l'adaptation. À mon avis, nous n'avons pas assez mis en avant ses résultats. Nous devons améliorer le conseil agricole pour aider les agriculteurs à faire face à des évènements complètement différents. Je ne suis pas sûr que la dilution soit un moyen de traitement pour les pesticides. Mais il faut en effet, je pense, renoncer à l'idée que dans une masse d'eau importante, un fleuve ou une grande nappe phréatique, l'impact de l'activité humaine sera réduit. Nous le voyons avec la Loire, qui perd une part importante de ses débits de façon maintenant régulière, ce qui nous amène à nous réinterroger sur les rejets, y compris des collectivités locales.

Nous ne pouvons pas opposer l'accès à l'eau potable et la sécurité alimentaire. Nous sommes de plus en plus confrontés, dans tous les débats sur la gestion de l'eau, à cet argument de la sécurité alimentaire. Je n'ai pas encore exactement compris d'ailleurs ce qu'on mettait véritablement derrière la sécurité alimentaire, et je pense qu'il faudrait la redéfinir précisément. Le débat devient de plus en plus difficile, alors même qu'on doit assurer à la fois la première sécurité alimentaire, celle de l'eau, et la sécurité alimentaire de l'Union européenne, sans doute, et de la France. Il faut concilier les activités économiques avec cette reconquête de la qualité de l'eau que l'on poursuit déjà depuis de nombreuses décennies, d'autant que l'on va avoir besoin à nouveau de ces captages que l'on a quelquefois abandonnés par le passé parce qu'ils dépassaient les normes. Il y a un enjeu à reconquérir ces ressources pour retrouver l'équilibre dans l'accès à l'eau potable sur certains territoires.

S'agissant de la question des ressources et des financements, je rappelle toujours que les agences de l'eau sont des outils de mutualisation, un peu comme le budget de l'État. Il ne devrait pas y avoir d'affectation particulière d'une ressource à une dépense. L'ensemble des redevables doit contribuer à reconquérir la qualité de l'eau. C'est d'ailleurs ce que les agences de l'eau ont fait massivement par le passé quand elles ont accompagné la mise aux normes des bâtiments d'élevage dans le cadre des différents programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Les consommateurs d'eau ont participé de façon très importante à la mise aux normes de ces bâtiments. De la même façon, je pense qu'il faudrait abandonner l'idée d'une affectation des ressources au sein des agences de l'eau. Il y a des recettes d'un côté, qui rentrent dans le budget des agences de l'eau, lesquelles les affectent, dans le cadre de leur gouvernance autour des conseils d'administration et des comités de bassins, en fonction des priorités. Ce qui fait, d'ailleurs, que les agences de l'eau affectent plus d'argent aux actions agricoles qu'elles n'ont de recettes venant de l'agriculture.

Je passe ce message parce que je pense que ce serait peut-être plus lisible, sachant que nous pouvons déployer toute la traçabilité nécessaire dans nos outils de gestion financière, pour indiquer d'où viennent nos ressources et comment est affecté notre budget.

Sommes-nous « mono-sujet » sur l'eau ? C'est le combat des agences de l'eau depuis la loi de 1964, dont on va bientôt fêter les 60 ans. C'est évidemment la ligne conductrice de notre action. Il y a eu des périodes où l'on ne parlait plus beaucoup d'eau. Comme elle est l'un des principaux marqueurs du changement climatique, elle redevient aujourd'hui un sujet essentiel pour tous.

Comment agir sur les questions agricoles ? Sandrine Rocard rappelait les 9 milliards d'euros de la politique agricole commune, à comparer aux 300 millions d'euros que les agences de l'eau apportent, grosso modo, chaque année à l'agriculture. Il faut rester modeste dans notre capacité à agir sur la politique agricole. En revanche, il nous semble essentiel que la démocratie locale de l'eau soit la base de la politique de l'eau dans les territoires des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), avec les commissions locales de l'eau qui représentent l'ensemble des usagers. C'est là que l'on doit aussi agir, la question des pesticides doit se traiter au sein de ces commissions locales. Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) que l'on met en place avec un objectif largement quantitatif doivent comporter un volet qualitatif. Ces projets de territoire doivent traiter de l'ensemble de la question de l'eau, avec tous les usagers et avec le monde agricole.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion