Intervention de Sylvie Retailleau

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sylvie Retailleau, ministre :

J'ai oublié tout à l'heure de répondre à madame Descamps, qui m'avait interrogée sur les étudiants ultramarins. Nous connaissons bien les difficultés qu'ils rencontrent, à la fois dans les territoires d'outre-mer et pour venir étudier en métropole.

Depuis la rentrée, les étudiants ultramarins bénéficient pour leur bourse de trois points de charge supplémentaires – quatre s'ils viennent de Polynésie française ou de Nouvelle-Calédonie, les plus éloignés – ce qui leur permet d'atteindre des échelons plus élevés. Ils sont plus nombreux à être éligibles aux bourses, et bénéficient en outre d'une aide au voyage pour venir étudier en métropole. Mais nous ne nous arrêterons pas là et continuerons de veiller de près à leurs conditions d'études.

Monsieur Mazars, la formation en santé, paramédicale ou en soins infirmiers entre bien dans notre champ d'action. Ce sont des filières très demandées, mais des abandons sont constatés lorsque les étudiants abordent les stages. Nous réfléchissons à la façon de tester la motivation des étudiants, pour améliorer le recrutement.

Monsieur Odoul considère la réforme PASS/LAS comme catastrophique. Quelle que soit la réforme, on entend dire que c'était mieux avant… Ayant suivi des étudiants depuis trente ans, je peux affirmer qu'il n'en est rien : demandez aux parents qui faisaient la queue et aux étudiants qui passaient trois ans dans des formations pour se retrouver sans rien !

Dans le système précédent, celui de la première année commune aux études de santé (PACES), la sélection s'effectuait de surcroît uniquement sur les mathématiques et des matières scientifiques de base, qui sont utiles mais pas indispensables pour un médecin. De nombreux étudiants très motivés échouaient, alors qu'ils étaient pourtant dotés de qualités de compréhension, de réactivité ou d'empathie qui n'étaient pas prises en compte. La réforme intègre justement de nouveaux critères et modalités de sélection, notamment avec des oraux.

Je ne nie pas qu'il y ait eu des problèmes la première année, mais tous nos collègues ont œuvré pour améliorer les choses, dans la prise en compte des oraux ou l'homogénéisation par exemple. Un état des lieux a été réalisé et le retour d'expérience au bout de deux ans permet de partager les bonnes pratiques. À la suite de ce bilan, certaines universités ont par exemple fait le choix d'abandonner les PASS pour se concentrer sur les LAS. Disposer d'une évaluation aussi concrète au bout de deux ans, ce n'est pas si mal.

L'objectif de base est de diversifier les profils et de tenir compte de l'ensemble des qualités nécessaires à de futurs médecins. Rien que pour cela, cette réforme vaut la peine. Nos collègues et les facultés de médecine continuent d'y travailler.

La réforme visait aussi à remplacer le numerus clausus par un numerus apertus. Le nombre d'étudiants a déjà augmenté de 18 %. On me parle beaucoup, et à raison, des déserts médicaux, et nous sommes conscients du manque de médecins et de praticiens dans les filières de santé. Je rappelle simplement qu'outre la réforme PASS/LAS, les facultés de médecine appliquent la réforme de la troisième année et celle du second cycle des études de médecine, qui met fin aux épreuves classantes nationales, afin que l'étudiant puisse obtenir la spécialité qu'il souhaite après six ans d'études. Il y a beaucoup de travail !

S'agissant des stages dans les hôpitaux, il est urgent de mettre en place le PASS/LAS avant d'augmenter le nombre d'étudiants, faute de médecins disponibles.

Les études de médecine, ce n'est pas uniquement le PASS/LAS ou l'examen de classement : c'est un ensemble. Nous travaillons avec la Conférence des doyens et les médecins à apporter des solutions aux problèmes, qui sont anciens.

Pour ce qui concerne les filières, les places non pourvues ne se trouvent pas tant en médecine qu'en pharmacie et en maïeutique. Auparavant, les étudiants n'avaient pas d'autre choix que d'intégrer ces filières. Aujourd'hui, comme ils ont le choix, les places restent vides. Nous travaillons à valoriser ces filières, notamment la sixième année de maïeutique, pour remplir les places de toutes les filières de santé.

Enfin, l'ouverture à l'international est toujours positive. Il est bon qu'elle profite à nos étudiants en santé, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais la mobilité doit toujours s'effectuer dans les deux sens : c'est à cela qu'il faut travailler. Nous avons déjà signé des accords. Certaines universités européennes travaillent à des alliances sur la mobilité, en particulier dans les études en santé. Je ne crois pas qu'il faille craindre de perdre les étudiants : il n'est pas si facile pour un médecin de faire reconnaître ses diplômes et d'exercer dans un autre pays. Par exemple, un cardiologue qui veut aller travailler au Canada doit refaire cinq ans d'études.

Bref nous devons augmenter le nombre d'étudiants, les orienter au mieux pour combler les déserts médicaux, les accompagner, les faire réussir. Je n'ai pas de solution magique mais c'est la priorité pour les études paramédicales, de médecine, de pharmacie et de maïeutique.

J'en viens à la sobriété énergétique et à la transition écologique, qui constituent des priorités pour le Gouvernement et pour mon ministère – nous y sommes d'ailleurs poussés par les jeunes.

Un colloque prévu les 20 et 21 octobre à Bordeaux organisera des groupes de travail sur la manière de proposer, dès 2023, deux sortes de formations : d'une part un socle commun, un référentiel de base que tous les étudiants du premier cycle devront avoir au sujet de la transition écologique, du climat, de la biodiversité et de l'environnement ; d'autre part des formations aux métiers du vert. Nous accompagnerons en effet le développement par les établissements de ce qu'on appelle des formations de spécialité pour ces nouveaux métiers, grâce au plan Compétences et métiers d'avenir, doté de 2 milliards d'euros dans le cadre de France 2030. Un grand plan de formation de tous les personnels est aussi prévu pour toutes les formations – sciences humaines et sociales, physique ou encore mathématiques.

S'agissant de la recherche, un accompagnement est déjà organisé pour des projets financés par l'Agence nationale de la recherche (ANR). Parmi les projets financés dans le cadre de France 2030, à peu près 50 % sont liés directement à la transition écologique ou énergétique. Un projet mené par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement porte ainsi sur la forêt ; d'autres travaux s'attachent à l'eau, à la biodiversité, à l'énergie décarbonée, aux nouvelles énergies et au nucléaire – des formations au nucléaire sont ainsi prévues dans le plan Compétences et métiers d'avenir –, à l'alimentation durable et à l'agriculture. Nous travaillons en interministériel au développement des recherches sur ces sujets, grâce à des financements venant de France 2030 ou de l'ANR.

Vous m'avez également interrogée sur le patrimoine immobilier de nos universités, qui représente, selon qu'on intègre ou non les CROUS, 15 ou 18 millions de mètres carrés, et qui a donc un impact écologique très fort. Des évolutions ont déjà eu lieu dans le cadre du plan Campus, des contrats de plan État-région et du plan de relance, mais un important effort reste à faire pour lutter contre les passoires thermiques et pour améliorer les conditions de travail des étudiants et des personnels. C'est une priorité dans le cadre de la planification de la transition écologique sur laquelle nous travaillons, de façon transversale, avec la Première ministre – ce qui est vrai pour le bâti de l'enseignement supérieur l'est aussi pour tout le bâti de l'État. Nous travaillons à des propositions importantes, en particulier pour la rénovation thermique. La question de l'emprunt, que j'ai défendu moi aussi à une époque, fait partie de la réflexion en cours.

Nous regardons tout particulièrement la question des CROUS, qui sont très sollicités. Quand un étudiant se trouve dans une situation précaire, c'est vers eux qu'il doit se tourner. Les CROUS ont développé des plateformes qui permettent d'éviter une forme d'autocensure, les démarches pouvant être faites numériquement.

Pour ce qui concerne le coût de l'énergie en cette fin d'année, ainsi que je l'ai déjà dit, nous sommes en train d'examiner la situation de chaque établissement, CROUS compris, au cas par cas. Nous regardons aussi les fonds de roulement et les trésoreries non utilisés et non fléchés par les établissements vers des projets d'investissement. Face à cette crise exceptionnelle, il faut tout prendre en compte et nous faisons appel à la responsabilité collective et à la solidarité de tous. Mais, je le redis, nous aiderons les établissements et les CROUS.

S'agissant des repas à 1 euro – merci d'avoir rappelé que le coût réel est plutôt de 8 euros – leur coût est complètement compensé jusqu'au tarif social, qui est de 3,30 euros, pour toute l'année universitaire 2022-2023. Il est vrai que le tarif social des CROUS est gelé depuis trois ans. Nous travaillons avec les CROUS sur leur modèle économique, sur la qualité des repas, dans la perspective tracée par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), et enfin sur la question du prix des denrées.

L'engagement étudiant est vraiment un plus, qui permet d'acquérir des compétences et facilite l'insertion professionnelle. La façon de le prendre en compte et le partage des bonnes pratiques en la matière – car il y a déjà eu des progrès – font partie des sujets qui seront tout particulièrement abordés dans le cadre des dialogues territoriaux, pour lesquels un vade-mecum sera préparé. Il faudra faire passer le message que l'engagement étudiant peut être reconnu dans les établissements et faire en sorte que cela soit intégré dans les schémas directeurs de la vie étudiante.

La formation tout au long de la vie et la formation continue sont capitales. Il convient de développer l'insertion professionnelle aux niveaux bac et bac+3 et de garder un lien avec les anciens étudiants, afin qu'ils puissent revenir par la suite dans les établissements pour continuer à se former et à acquérir des compétences. Nous sommes en train de travailler sur différents outils, notamment avec le ministère du Travail en ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience, qu'il faut développer davantage. Pour ce qui est de la formation continue, diplômante ou certifiante, de nombreuses offres existent. Notre approche consiste à mettre des moyens pour développer des centres de formation continue dans tous les établissements, en faisant appel aux enseignants-chercheurs ou à des compétences externes. Beaucoup d'établissements ont répondu à un appel à projets de 200 millions d'euros qui vient d'être lancé dans le cadre de France 2030, et nous assurerons aussi un accompagnement par l'intermédiaire des contrats d'objectifs et de moyens.

Je suis fière d'être à la tête d'un ministère dans lequel les établissements jouissent d'une certaine liberté, académique et pédagogique, et où le personnel travaille avec un profond sens du service public à former des jeunes et des citoyens. Il n'y a pas qu'un modèle : chaque établissement développe, dans une logique de différenciation au niveau des territoires, ses propres stratégies, qui doivent être fortes. Vous avez évoqué le cas de Saint-Étienne et de Lyon : nous encourageons les établissements à développer leurs spécificités par le biais de leurs choix thématiques et des diplômes proposés, en redéfinissant le rôle des communautés d'universités et établissements, qui peuvent certes poursuivre une optique d'intégration, qui est une forme de fusion, mais aussi en rester à une simple coordination territoriale entre établissements forts. C'est en analysant les forces et les caractéristiques des territoires que nous accompagnerons les établissements au cas par cas, et non selon un modèle unique. Ce serait une erreur fondamentale.

L'orientation fait l'objet d'un travail avec le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse, de qui relèvent la plupart des moyens alloués en la matière. L'enseignement supérieur, lui, va plutôt travailler sur l'information. Il faut que les enseignants du secondaire puissent se l'approprier, l'offre de formation étant vraiment très abondante. Nous allons enrichir la plateforme de Parcoursup au moyen de fiches d'information sur les filières, l'insertion professionnelle, les débouchés et les profils de réussite, par exemple en indiquant la moyenne du dernier admis dans telle filière pour que l'étudiant sache où il en est – et peut-être se dirige vers cette année « + 1 » que j'évoquais tout à l'heure.

Nous sommes très attentifs à la question de la psychiatrie et, plus largement, de la santé publique. J'ai déjà parlé du projet de recherche en psychiatrie PROPSY, qui est dirigé par Marion Leboyer. Nous lui allouons 80 millions d'euros, en demandant qu'un de ses volets soit spécifiquement consacré aux jeunes.

S'agissant des Ukrainiens, le volet relatif à l'accueil des chercheurs est géré par le Collège de France, dans le cadre du programme national d'accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (PAUSE), qui est doté d'environ 2,5 millions par an. À peu près 350 chercheurs ukrainiens sont arrivés chez nous. Pour les accueillir dans de bonnes conditions, nous avons dégagé un financement supplémentaire de 7 millions, qui sera peut-être porté à 9 ou 10. Quant aux étudiants ukrainiens, environ 900 sont inscrits directement dans les filières classiques, selon le dernier recensement, les autres passant des diplômes d'université français langue étrangère (DU FLE). Certaines universités doivent en créer, mais nous n'avons des remontées que de trois d'entre elles. En parallèle de l'enquête en cours au sujet de l'énergie, nous faisons un point sur les étudiants ukrainiens, afin de pouvoir accompagner les universités qui auraient besoin d'ouvrir des groupes supplémentaires dans le cadre des DU FLE. Nous apporterons, s'il le faut, des compléments au moyen des enveloppes de fin de gestion.

Monsieur Peu m'avait posé la question récurrente de l'anonymisation des lycées dans Parcoursup. Nous y apportons une réponse transitoire en améliorant la transparence : les épreuves de spécialité du baccalauréat, qui sont prévues au mois de mars, figureront dans les dossiers, ce qui doit permettre de les objectiver davantage et de les homogénéiser au niveau national. Les commissions d'admission pourront ainsi mieux objectiver les choses – je rappelle que 10 000 rapports de jurys d'admission ont été publiés cette année. En tout cas, le lycée d'origine fait partie des informations figurant actuellement dans Parcoursup mais ne doit pas constituer un critère, nous le redirons très clairement.

J'ai déjà répondu d'une façon un peu indirecte aux questions portant sur l'écriture inclusive et le port du voile islamique. La loi en vigueur est scrupuleusement appliquée par les établissements dans tous les textes officiels. C'est vrai dans tous les domaines. Le reste est affaire d'application.

1 commentaire :

Le 18/02/2024 à 13:55, Aristide a dit :

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"S'agissant des repas à 1 euro – merci d'avoir rappelé que le coût réel est plutôt de 8 euros"

Ils mangent du caviar ? Avec 3 euros on peut très bien se nourrir.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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