Intervention de Joëlle Mélin

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2023 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoëlle Mélin :

Dans ces conditions, pourquoi déposer des amendements ?

La prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST) est un sujet important, mais il a mobilisé plus de 5 % de notre temps. En contrepartie, nous n'avons pas consacré une seule seconde aux déserts médicaux, ni aux déserts pharmaceutiques, ni à l'état de faillite de nombreux services d'urgence. Nous n'avons pas non plus débattu de la situation d'un tiers des hôpitaux en quasi-dépôt de bilan, ni de celle des Ehpad, qui ne savent pas comment payer leur facture d'électricité l'hiver prochain.

Sur le fond, la situation a vraiment de quoi nous inquiéter. Vous dites de l'article liminaire et des tableaux d'équilibre qu'ils sont des photographies, à prendre ou à laisser. Bien sûr que non ! Il s'agit de grossiers photomontages, éhontés et falsificateurs de la réalité.

Tout d'abord, le photomontage concernant l'année 2023. L'article liminaire est sans doute censé donner confiance aux investisseurs privés, acteurs de la financiarisation que vous semblez découvrir, monsieur le ministre, mais qui est déjà très avancée. Ils sont à l'affût, de même que les agences de notation.

Tout cela cache mal un socle pour 2022 totalement discrédité par la Cour des comptes, qui a rejeté le budget de la branche famille pour une erreur irrattrapable de 5,8 milliards – excusez du peu ! –, et qui a certifié les autres branches avec onze anomalies comptables graves et quarante-trois insuffisances d'éléments probants. Il a aussi été discrédité par les deux assemblées, qui ont refusé d'approuver le budget global ; il a enfin été discrédité par la sortie du périmètre des administrations de sécurité sociale (Asso) du fonds de réserve pour les retraites (FRR) et de la Cades, non consolidée dans les comptes de l'État, qui cache très mal le financement de la sécurité sociale par la dette.

Le même photomontage s'applique à l'article 1er d'équilibre des comptes qui, dangereusement, ne prend pas en considération la totalité du périmètre pertinent. Il s'applique également à la lutte tout à fait légitime contre la fraude : vous vous trompez de méthode et de cibles – sciemment ? Je pose la question. Vous ne faites qu'ajouter de la confusion au statut de subordination entre les autoentrepreneurs et les plateformes qui les rémunèrent, sans régler le problème de la fraude. Vous faites une confusion sur la rémunération des actes pluridisciplinaires de santé, en faisant fi des accords conventionnels. Comment être sûrs que vous n'allez pas vous immiscer dans les caisses complémentaires de l'Agirc-Arrco, en mélangeant les financements des hôpitaux sans véritablement trancher sur la T2A ? Nous le saurons sans doute plus tard.

Ensuite, le photomontage concernant l'année 2024. Ce PLFSS pour trois ans est le moins solide depuis 1997 : sa trajectoire n'est pas maîtrisée, avec un déficit prévisionnel passant de 10 à 18 milliards, sans visibilité quant à un retour à l'équilibre. Les prévisions macroéconomiques à court terme sont irréalistes : en 2024, de l'avis quasi unanime des prévisionnistes, la croissance sera proche de 1 % plutôt que du taux de 1,4 % que vous avancez ; dans le même temps, l'inflation aura beaucoup de mal à passer de 5 % à 2,5 %. Comment piloter ainsi un Ondam recevable, alors qu'il est déjà manifestement sous-évalué ?

Votre budget manque de sérieux quand il prévoit une évolution tendancielle faible des dépenses ; il ne nous met absolument pas à l'abri d'une éventuelle catastrophe sanitaire. Le saupoudrage que vous pratiquez dans de très nombreux domaines sera, par essence, inefficient sur les comptes globaux. Vous identifiez des mesures d'économies, mais nous savons bien que plus de la moitié d'entre elles ne seront ni appliquées ni, a fortiori, évaluées.

S'agissant des différentes branches, vous souhaitez manifestement les fondre les unes dans les autres pour masquer un peu plus les transferts visant à combler les déficits. Vous sacrifiez l'innovation sur l'autel des mauvaises économies : vous laissez à la Cades, c'est-à-dire aux enfants d'aujourd'hui, le soin de payer les dettes d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Vous y ajoutez bien évidemment de mauvaises solutions d'économie : le développement des transports partagés, qui étaient manifestement des objets de fraude jusqu'à votre décision ; la diminution de la marge de manœuvre en matière de soins dentaires ou de biologie.

Malgré vos promesses depuis onze ans, vous retardez le moment d'instaurer une politique globale, la remplaçant par la gesticulation, de vains effets d'annonces et des mesurettes finalement très déstabilisantes pour l'équilibre du système.

Le Rassemblement national instaurera ces grandes politiques en fonction des besoins de nos compatriotes et non de moyens jamais maîtrisés. Nous souhaitons substituer à votre inaction l'ambition et le dynamisme. À titre d'exemple, nous instaurerons une grande et solide politique de santé publique et de distribution de soins, fondée sur l'égalité territoriale, en considérant les zones rurales, les zones périphériques et surtout, les outre-mer. Parallèlement, nous renforcerons le renouvellement des générations de soignants grâce à la levée de tous les numerus. Les professionnels seront bien formés et justement rémunérés, dans des filières attractives ; ils ne seront pas étranglés par des charges indues totalement méconnues de votre Ondam, mais libérés d'une bureaucratisation étouffante, en ville comme à l'hôpital – dont nous rééquilibrerons le financement.

Nous faciliterons le désengorgement des urgences par une meilleure coopération entre la médecine de ville et l'hôpital. Nous nous occuperons de clarifier la gestion des comptes et nous combattrons les fraudes dont le recouvrement stagne lamentablement à moins de 1 milliard, alors que le député Dominique Tian les estimait à 10 milliards il y a déjà quinze ans, et que le juge Charles Prats les estime aujourd'hui à 30 ou 40 milliards. Il n'est pourtant pas difficile de se rendre, à six heures du matin, devant les entreprises du bâtiment et d'identifier celles qui embauchent des travailleurs à la journée. Nous les combattrons en transformant l'aide médicale de l'État en soins réservés aux seules urgences, comme cela se fait dans tous les pays européens ; en finalisant la politique de soins palliatifs, qui reste cruellement en retard. Nous œuvrerons aussi pour la médecine scolaire, la santé mentale des enfants et des adolescents, la médecine du travail et tous les risques afférents ; en un mot, pour la prévention.

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