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Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 16h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Le ZAN est une préoccupation récurrente dans vos questions.

Madame Brulebois, le défi en la matière est d'éviter la schizophrénie : nous sommes collectivement convaincus de la nécessité de mettre un terme à l'étalement urbain mais dès qu'on entre dans le détail, chacun avance une bonne raison de ne pas se voir appliquer le dispositif. Je n'ai pas l'intention de dire aux Français où ils doivent habiter ni de quelle manière – je suis attaché à la liberté. En revanche, nous ne pourrons pas conserver un rythme d'artificialisation sans aucune corrélation avec l'évolution démographique de notre pays. L'étalement urbain n'est pas lié à une augmentation proportionnelle du nombre d'habitants, sinon tout serait simple. Nous avons réussi l'exploit de consommer plus de terres que nous n'avons gagné de population alors que nous connaissons les vertus, dans nombre de cas, de la densité en matière de transports et de matériaux de construction.

Nous devons retrouver de la sagesse et respecter la typologie des territoires. La densité doit être déterminée en fonction du lieu et des services qui peuvent y être apportés. Il ne s'agit pas d'imposer des normes ni d'établir une nomenclature contre-intuitive, détachée de la réalité.

Je suis gêné pour répondre au spécialiste de la qualité de l'air qu'est M. Jean-Luc Fugit, puisque la proposition de loi dont il est l'auteur comporte une partie des réponses à sa question. Le Conseil d'État note une réduction du nombre de zones dans lesquelles les seuils de pollution de l'air sont dépassés, mais cela ne doit pas entamer notre résolution à agir, d'autant que nous connaissons les leviers. Cette réduction prouve que les décisions prises étaient bonnes, il faut donc les amplifier – je pense à la rénovation, au développement du vélo et des transports en commun. Quant au chauffage au bois, nous ne disposons pas encore d'indication sur les effets des mesures qui ont été prises en 2021. Je suis preneur de la coconstruction législative avec ceux qui ont fait de ce sujet leur combat.

La question de Mme Tiegna est stratégique. Nous utilisons une recette pour perdre des recettes : en d'autres termes, une recette fiscale adossée aux énergies fossiles finance la décarbonation du parc automobile et plus cette dernière progressera, plus lesdites recettes diminueront. La translation n'est pas immédiate – la TICPE rapporte 38 milliards d'euros contre 40 encore récemment – mais elle doit être prise en considération dans la planification écologique, puisque celle-ci réclame des moyens pour financer les investissements.

Quels sont les crédits en 2022 qui pourraient s'apparenter au Fonds vert ? 300 millions d'euros au titre du fonds « friches », 50 millions au titre de l'accompagnement de la mise en œuvre des ZFE-m, et c'est à peu près tout. Si on s'en tient à l'orthodoxie budgétaire et à la fin du plan de relance, en 2023, les crédits seraient inexistants. Or le Fonds vert est doté de 1,5 milliard d'euros de crédits nouveaux et il est fongible. Nous avons imaginé une répartition : 500 ou 600 millions pour la rénovation des bâtiments, 300 à 350 millions pour les friches, 10 millions pour le recul du trait de côte, 150 millions pour la biodiversité. Mais si demain, 400 millions sont nécessaires au titre du fonds « friches », nous les donnerons. Cet outil doit être à la main des élus. C'est la raison pour laquelle nous excluons les appels à projets qui rigidifient le dispositif et empêchent la consommation des crédits tout en exacerbant les oppositions entre les uns et les autres. La maille départementale nous semble pertinente car elle prémunit contre le sentiment d'exclusion de certains échelons territoriaux. Dans les départements sans littoral, il n'y aura évidemment aucun crédit alloué à la lutte contre l'érosion du trait de côte. La fongibilité est un principe de base du Fonds vert.

Je compte sur vous pour me faire part des difficultés que vous aurez rencontrées en 2023 dans l'usage du fonds. Et si je dépasse l'espérance de vie moyenne d'un ministre chargé de la transition écologique – autour de douze ou treize mois – et que je suis toujours votre interlocuteur dans un an, nous évoquerons ensemble la clause de revoyure et la manière d'améliorer le dispositif. Si ce n'est pas le cas, vous passerez les messages à mon successeur.

Monsieur Cordier, les contentieux systématiques sur les chasses traditionnelles, dont la directive « oiseaux » est souvent à l'origine, nous ont amenés à prendre quelques précautions. Je rappelle le principe : une chasse qui ne permet pas de s'assurer que l'espèce prélevée n'est pas protégée n'est pas conforme au droit européen, constitue une menace pour l'espèce et donc ne peut pas être autorisée ; c'est le cas de la chasse à la glu. Sur les pantes, la matole et la tenderie, nous attendons la décision du Conseil d'État, mais les consultations ont déjà eu lieu. Ainsi, si l'avis est positif, nous pourrons signer les arrêtés. Je ne signerai pas un arrêté pour que le Conseil d'État l'annule ensuite. C'est ce que nous avons vécu à répétition par le passé : on envoyait un message rassurant en signant l'arrêté, tout en sachant pertinemment qu'il serait remis en cause. Compte tenu du calendrier des chasses – une partie d'entre elles commencent en février ; pour le vanneau dans les Ardennes, le mois de février représente 85 % de l'activité –, il faut que les décisions soient rendues. Je n'ai toutefois pas la maîtrise du calendrier du Conseil d'État. Cette manière de procéder est respectueuse du droit, des engagements que nous avons pris et de la concertation. Je vous assure que vous aurez un rendez-vous avec l'un de mes collaborateurs.

Monsieur Cinieri, nous sommes le pays d'Europe le plus en retard dans la réalisation de ses objectifs de développement des énergies renouvelables pour une raison simple : la durée moyenne des procédures d'autorisation des projets est deux fois plus longue que chez nos voisins – dix ans pour un parc éolien offshore, sept ans pour un parc éolien terrestre, quatre à cinq ans pour un parc photovoltaïque. Pourtant tout le monde s'accorde sur le fait que nous devons accroître la part des énergies renouvelables.

Le projet de loi vise à accélérer la production des énergies renouvelables, mais il ne concerne pas l'éolien terrestre, ce qui ne signifie pas que nous ne misons pas sur lui dans le mix énergétique. Je ne sous-estime pas l'acceptabilité ni la concentration excessive d'éoliennes dans certains territoires. Vous aurez bientôt l'occasion d'en débattre avec Mme Agnès Pannier-Runacher qui est chargée de la stratégie énergétique et du texte. Je défends le mix énergétique et l'accélération de l'implantation d'installations de production d'énergies renouvelables. Concentrons-nous sur les deux moyens de production prévus dans le texte, sur lesquels les consensus sont infiniment plus simples à construire que sur d'autres énergies.

Monsieur Thierry, le Président de la République s'est en effet prononcé contre l'exploitation des fonds marins lors de la conférence des Nations Unies sur les océans à Lisbonne. La France est très attachée à l'adoption d'une réglementation exigeante en la matière mais pour l'instant, cette position n'a pas été formalisée. J'entends votre interpellation sur la nécessité de ne pas laisser s'ouvrir des champs d'exploration mais nous avons encore à travailler pour donner une traduction concrète à la déclaration du Président, notamment au sein de l'AIFM.

Monsieur Taupiac, la représentation nationale s'est distinguée en décidant de manière unanime d'apporter un soutien aux possesseurs de chaudières au fioul. Il nous semblerait intelligent que les pellets soient également éligibles au chèque énergie. Nous travaillons sur cette piste puisque nous considérons que c'est la situation des personnes et non le mode de chauffage qui doit déterminer l'aide accordée.

La classification des bâtiments agricoles intéresse le ZAN mais aussi le plan local d'urbanisme (PLU). A-t-on le droit d'implanter un bâtiment qui n'est pas un siège de l'exploitation ? Peut-on bâtir une habitation avant un remembrement avec le risque que des néoruraux se retrouvent au milieu des champs et ne comprennent pas pourquoi on n'interdit pas au coq de chanter le matin ni pourquoi on installe des effaroucheurs ? Le sujet doit être abordé avec prudence et nous ne devons pas rendre le ZAN responsable du mitage des terres agricoles si nous sommes attachés au développement de l'agriculture.

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