Intervention de Alice Rufo

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Alice Rufo :

Madame Genetet, vous avez entièrement raison d'évoquer la diplomatie parlementaire. Vous représentez notre pays dans diverses assemblées. J'ai pu constater que la présence de nos parlementaires dans les délégations à l'étranger et dans des événements ad hoc qui y sont organisés, est très appréciée. La conférence sur la défense aérienne organisée par la DGRIS répondait largement à des préoccupations que vous aviez soulevées aussi dans vos contacts avec vos partenaires d'Europe de l'Est.

Je pense effectivement qu'il faut développer nos liens et nos échanges, dans le respect de la séparation des pouvoirs. Je suis ainsi à la disposition des parlementaires. Nous sommes résolus à nourrir des échanges très étroits et la DGRIS dispose d'un bureau dédié aux relations avec le parlement. Je suis preneuse de vos suggestions.

Vous avez également évoqué le réseau des missions de défense (MDD) et notamment le cas particulier de l'Australie. Il est indéniable que la présence américaine et britannique y est plus importante que la nôtre, mais l'existence du pacte Aukus doit également être prise en compte. La MDD en Australie sera par ailleurs renforcée en 2025. À ce sujet, je peux vous indiquer que la coopération bilatérale avec l'Australie a repris dans de bonnes conditions, notamment dans le cadre de notre stratégie dans l'Indo-Pacifique, en particulier dans le Pacifique sud. À la fin de l'année, aura lieu la réunion des ministres de la défense du Pacifique sud, un événement largement porté par la DGRIS. Il s'agit de renforcer notre présence dans le cadre d'enceintes régionales de coopération et en lien avec le développement de nos moyens sur place. Nous avons par ailleurs besoin de renforcer le maillage de notre réseau et nous y travaillons, en lien avec le Quai d'Orsay.

Nous avons pris en compte le rapport de la Cour des comptes, dans le cadre des travaux que nous menons avec l'état-major des armées pour renforcer notre influence au sein de l'Otan. La France dispose de 736 postes au sein de l'Otan, où nous avons besoin de renforcer notre présence dans les postes à forte visibilité. Dans le domaine de la diplomatie publique, nous devons nous féliciter qu'une Française occupe un poste de secrétaire général adjoint. Nous nous renforçons donc, même si nous ne pouvons pas nous limiter à une réflexion sur le nombre de postes : nous devons également disposer d'une approche qualitative.

Ensuite, la contribution de la France au sein de l'Alliance ne peut absolument pas se résumer à notre contribution financière, même si elle est très importante. Nous contribuons effectivement à la mission de police du ciel, à la réassurance auprès de nos alliés d'Europe de l'Est et nous nous sommes très rapidement déployés en Roumanie. En résumé, nous agissons grandement en faveur de la sécurité de la zone euro-atlantique, y compris par notre dissuasion nucléaire, même si nous ne siégeons pas au Groupe des plans nucléaires. Par ailleurs, une décision prise lors du sommet de Madrid a acté une augmentation des financements en commun au sein de l'Otan. La France y participe, tout en mettant en avant la poursuite de l'objectif de soutenabilité et de maîtrise des dépenses. Nous sommes attentifs à ce que l'Otan se concentre bien sur la zone euro-atlantique, afin d'éviter les doublons, notamment avec l'UE. Des points de rendez-vous sont fixés en 2024 et 2025 afin que la contribution militaire des uns et des autres soit bien considérée.

Ensuite, comme je vous l'indiquais au préalable, nous avons ouvert une MDD en Arménie, signal fort de notre implication en faveur de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de ce pays. En outre, nous soutenons également l'Arménie à travers les efforts politiques et diplomatiques que nous menons, y compris dans le cadre de l'Union européenne.

Par ailleurs, nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur la situation africaine dans le cadre du cycle d'auditions que vous avez l'intention de mener. Si des attaques terroristes ont pu avoir lieu lors de l'opération Barkhane, il est indéniable qu'elles se multiplient depuis la survenue des différents coups d'État successifs, qui ne contribuent qu'à accroître l'instabilité de la région. Encore une fois, les populations civiles sont celles qui ont payé le plus lourd tribut.

Nous sommes engagés dans le contrôle des exportations d'armement, notamment dans le cadre de la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG). Nous avons également été les premiers à évoquer les logiciels électroniques. Nous exerçons évidemment nos responsabilités dans un cadre de souveraineté.

Je ne dispose pas d'information sur la biologie de synthèse, mais je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions sur ce sujet.

Par ailleurs, nous effectuons des contributions budgétaires au Forum de Paris sur la paix dans le cadre du programme 144, et particulièrement à travers le budget opérationnel de programme (BOP) de la DGRIS. La France est une puissance qui défend la paix par le dialogue et nous participons activement aux forums permettant de mener des échanges au plus haut niveau. À titre illustratif, le Forum de Dakar organisé par nos partenaires a pour objectif de faire émerger les problématiques stratégiques africaines. Nous leur apportons donc notre soutien. De son côté, le Forum de Paris sur la paix rassemble l'ensemble des acteurs, au-delà des diplomates et des militaires.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est chargé de la diplomatie et coordonne naturellement l'action internationale de la France. Cependant, lorsque nous créons des postes permanents à l'étranger dans un think tank au Sénégal ou à Singapour, nous œuvrons pour l'action internationale de la France et son rayonnement.

S'agissant de la FEP, vous avez en outre mentionné l'évolution engagée par le ministre lorsqu'il s'est rendu en Ukraine il y a quelques jours. Tout d'abord, si la FEP n'a pas été créée pour assurer un soutien à l'Ukraine, elle a néanmoins constitué un instrument formidable de réponse et d'affirmation de la solidité européenne face à la guerre dans ce pays. Je rappelle que la France représente un contributeur très important de la FEP – en grande partie sur le budget du ministère des armées –, qui permet à nos partenaires de réaliser des cessions et d'obtenir des remboursements. Elle constitue un instrument essentiel d'affirmation de l'Europe sur la scène internationale. L'autonomie stratégique européenne a d'ailleurs évolué puisque le Conseil européen a décidé d'utiliser la FEP pour soutenir les acquisitions de munitions conjointes.

Le ministre a mentionné le partenariat de coopération industrielle lors de son audition devant votre commission. Ce partenariat ne se substitue pas aux cessions, mais face à un conflit qui dure et à la guerre d'attrition menée par la Russie, il est nécessaire de passer à une autre logique si nous voulons faire preuve d'endurance. Cette logique nous permet de créer des partenariats industriels, y compris pour la sous-traitance en Ukraine. Le groupe de contact sur la défense de l'Ukraine (format Ramstein) permet en outre de coordonner l'aide occidentale à l'Ukraine.

Cependant, les instruments doivent évoluer en fonction de l'évolution de la situation, et non uniquement en fonction des priorités des organisations. Encore une fois, face à la guerre en Ukraine, nous avons essentiellement besoin d'endurance pour maintenir le niveau de soutien que nous avons apporté jusqu'à présent.

Par ailleurs, je pense que nous aurons l'occasion de revenir ensemble sur la politique africaine, notamment l'Afrique de l'Est et Djibouti. Djibouti est un partenaire historique avec lequel nous avons noué une relation profonde. Nous menons actuellement une négociation que nos autorités veulent ambitieuse sur le traité de coopération en matière de défense entre la République de Djibouti et la France. Ensuite, nous renforçons effectivement nos partenariats avec les pays d'Afrique de l'Est.

Nous travaillons avec la DGA pour renforcer le réseau des attachés d'armement dans les pays où le besoin se fait sentir, pour accompagner les prospects d'armement. Nous l'avons réalisé notamment aux Philippines. Mais nous allons également au-delà de cet accompagnement. Ensuite, la nouvelle stratégie africaine s'appuiera sur différents piliers, dont le renseignement, l'équipement, la formation et l'appui aux opérations. À ce titre, dans le volet équipement, nous renforcerons en Afrique, et en particulier au Sénégal, le réseau d'attachés d'armement. En résumé, nous travaillons avec la DGA, non seulement pour l'accompagnement des prospects, mais aussi pour redéfinir nos stratégies dans certaines régions du monde.

Par ailleurs, j'ai bien noté la commande du ministre concernant le rapport sur le changement climatique, que je vous présenterai en 2024. Depuis quelques années, nous avons entamé un travail pour notamment mieux comprendre les impacts sécuritaires des phénomènes climatiques. Un observatoire de la DGRIS y est consacré et nous-mêmes travaillons avec nos partenaires pour intégrer ce sujet dans les dialogues stratégiques. La nécessité de répondre aux catastrophes humanitaires et aux catastrophes climatiques qui se multiplient nous oblige à conduire des réflexions sur nos capacités, mais aussi sur nos façons d'opérer et les actions prioritaires que nous devons mener, notamment pour la préparation opérationnelle de nos forces.

La stratégie « climat et défense » a été adoptée en 2022 par le ministère des armées. Le mandat a été confié au major général des armées, pour mettre en œuvre les éléments qui concernent la préparation des forces. J'ajoute que nous faisons porter l'effort sur deux points en particulier : les questions de sûreté maritime et la diplomatie de défense.

Comme je l'ai indiqué, la DGRIS organise le sommet des ministres de la défense du Pacifique sud qui se tiendra en décembre à Nouméa. Nos partenaires nous incitent à travailler sur les conséquences des changements climatiques en termes sécuritaires.

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