Intervention de Pierre-Étienne Bisch

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Étienne Bisch, coordonnateur interministériel du Comité d'orientation stratégique du plan Écophyto :

En ce qui concerne la diversité et l'adaptation aux spécificités locales, je crois que le pouvoir réglementaire, bien que lointain, est en réalité assez efficace. Par exemple, ce n'est pas commode pour une autorité locale de gérer les questions des distances aux habitations à respecter pour la pulvérisation de produits, car les pressions locales sont beaucoup plus importantes. Il est plus pratique de régler ces questions en se basant sur une règle nationale, tout en laissant une marge d'adaptation aux autorités locales.

Dans un esprit de décentralisation, l'idée d'une modification constitutionnelle flotte depuis un quinquennat et demi pour offrir une marge d'adaptation aux autorités territoriales, principalement les collectivités locales. Lorsque j'étais préfet de région, nous avions temporairement bénéficié d'un pouvoir d'évocation, qui permet de se saisir de la compétence des collègues départementaux pour harmoniser les positions - notamment sur les éoliennes – et éviter les effets de frontières entre départements. Je suis désormais à la retraite et je ne sais pas si cet outil a prospéré.

En France, nous sommes, depuis Charlemagne, obsédés par l'unité nationale et nous n'autorisons les pouvoirs locaux autonomes que dans les territoires ultrapériphériques. La capacité de décider de sa compétence, qui est le principe de l'autonomie – que nous donnerons peut-être en partie un jour à la Corse –, ne fait pas partie de la culture française. Je ne suis pas un jacobin intransigeant mais nous avons un blocage psychologique profond en France sur ces sujets. C'est regrettable.

Par ailleurs, lorsque l'accompagnement des fermes Dephy est en place, l'expérience est très satisfaisante. La chambre d'agriculture met à disposition un conseiller, grâce à des fonds de l'État. Cependant, il arrive fréquemment que l'agriculteur possède une expertise plus poussée que le conseiller. Parfois, les conseillers n'ont pas une expérience personnelle en tant qu'agriculteurs, même s'ils ont suivi de bonnes études agronomiques. La clé réside dans la collaboration et les synergies entre les deux parties. Souvent, un accompagnateur s'occupe de plusieurs fermes Dephys, ce qui constitue un modèle intéressant. Toutefois, si l'on veut étendre le bénéfice de cet accompagnement à des personnes à l'extérieur du système pour les y faire entrer, cela suppose des financements importants. Le choix est donc d'ordre politique.

Mme la Première Ministre, à l'époque où elle était ministre de l'Écologie, avait cosigné la maquette Écophyto avec la plus grande attention quant au montant et au contenu des actions financées. Il est essentiel de maintenir cette exigence. Je pense que l'enjeu est aujourd'hui de parvenir à recharger la confiance dans Écophyto pour recharger la dépense dans Écophyto. Sinon, il faut envisager d'affecter différemment ces crédits, par exemple pour compenser les pertes encourues lorsque les agriculteurs achètent des équipements de désherbage électriques ou à moteur. Il y a en effet des enjeux de financement importants dans le machinisme agricole.

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