Intervention de Yoann Gillet

Réunion du lundi 30 octobre 2023 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYoann Gillet, rapporteur pour avis :

Monsieur Rimane, la Guyane est grande, ses frontières sont longues et, à vous entendre, nous ne pourrions rien faire en matière d'immigration et de contrôle des frontières. Selon vous, il faudrait accueillir toujours plus et construire toujours plus de logements d'hébergement d'urgence. Je suis assez surpris de vos propos, mais je comprends que vous soyez gêné pour assumer votre double discours à l'Assemblée nationale, aux côtés de Mme Rousseau, membre éminente de la NUPES. Les propos que vous tenez à l'Assemblée et dans votre circonscription en Guyane sont en effet très différents : en Guyane, votre discours auprès de vos électeurs est très clairement hostile à l'immigration massive et vous affirmez que vous voulez stopper toute immigration, alors que vous nous dites ici que ce n'est pas un problème et même, comme vous venez de le faire, qu'il n'y a pas de lien entre sécurité et immigration.

Je suis stupéfait par ce double discours, et d'autant plus que vos propos n'ont aucun fondement. Que sécurité et immigrations soient liées est une évidence. Vous vous êtes d'ailleurs rendu voilà quelques semaines au centre pénitentiaire de Cayenne, où je suis moi-même allé – j'ai su que vous y étiez passé car j'ai vu votre nom juste avant le mien dans le livre d'or de l'établissement. Durant cette visite, vous avez nécessairement vu la réalité et constaté que la moitié des détenus étaient étrangers. Dire qu'il n'y a pas de lien entre immigration et insécurité, c'est tout simplement nier la réalité.

Monsieur le ministre délégué, je sens que vous aussi, vous préférez nier la réalité, mais que vous la connaissez comme moi. Comme moi, vous vous êtes rendu en Guyane voilà quelques semaines et y avez rencontré les acteurs du territoire, même si vous en avez rencontré moins que moi – vous avez même modifié le programme de votre déplacement après avoir eu connaissance du mien. Les Guyanais ne vous ont-ils pas fait part de leur sentiment d'être des Français de seconde zone ? N'avez-vous pas entendu la population et les acteurs du territoire dire qu'ils avaient un pays à construire ? N'avez-vous pas, comme moi, traversé de longues zones blanches en vous rendant de Saint-Georges à Cacao ou à Saint-Laurent ? N'avez-vous pas rencontré des maires contraints, pour venir à Cayenne, de se déplacer en pirogue ? N'avez-vous pas rencontré des élus locaux qui vous ont dit qu'ils avaient de grandes difficultés pour construire des écoles et qu'il leur fallait, comme Mme la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, construire vingt classes supplémentaires chaque année ? Certes, l'État accompagne, en partie, ces collectivités qui souffrent beaucoup financièrement, mais sont-elles obligées de mettre la main à la poche ? C'est d'autant plus gênant que, lorsque vous évoquez les sommes que vous investissez et l'effort de l'État, vous oubliez qu'il y a déjà un retard à rattraper et que vos investissements, très insuffisants, ne font qu'absorber une partie du coût des infrastructures rendues nécessaires notamment par l'augmentation de la population et par l'immigration de masse.

Les vingt nouvelles classes qu'il faut ouvrir à chaque rentrée scolaire à Saint-Laurent-du-Maroni s'expliquent en effet pour partie à la natalité importante de la Guyane, mais aussi et surtout par cette immigration de masse.

Monsieur le ministre délégué, lorsque vous vous êtes déplacé en Guyane, n'avez-vous pas vu également que le coût de la vie y est relativement élevé ? Le prix des packs d'eau, par exemple, peut atteindre 15 euros et, de manière générale, l'alimentation coûte 42 % plus cher qu'en France hexagonale.

N'avez-vous pas également traversé la Guyane sur un réseau routier quasiment inexistant ? Il n'y a en effet sur ce territoire que quelques routes, et encore sont-elles défoncées. Vous avez, je suppose, dormi à Cayenne et êtes sorti après dix-huit heures : vous avez alors vu une ville gangrenée par l'insécurité, avec une très forte immigration et ce qu'on appelle là-bas des « zombies » : des personnes sous l'emprise du crack. La situation est intenable. Le préfet lui-même m'a dit dès mon arrivée que l'insécurité n'était pas aussi grande qu'on le dit, me recommandant toutefois peu après d'éviter de sortir après dix-huit heures, parce que cela pouvait être dangereux. Il faut redescendre sur terre et être conscient de ce qui se passe. Vous avez nécessairement vu cela, monsieur le ministre délégué, lors de votre déplacement.

Vous avez dit que les magistrats étaient plus nombreux que d'autres encore allaient arriver dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Tant mieux ! Nous nous en félicitons et pourrions presque vous applaudir pour cela, mais avez-vous rencontré le monde judiciaire en Guyane ? Ces personnels ne vous ont-ils pas dit que des magistrats supplémentaires étaient certes une bonne chose, mais qu'il n'y avait pas assez de greffiers et que, sans greffiers, cela ne pouvait pas tourner ? Ne vous ont-ils pas dit aussi qu'ils n'avaient pas de locaux appropriés pour travailler correctement ?

Vous avez dit également qu'une prison serait livrée à l'horizon 2027. Si c'est le cas, tant mieux, mais nous avons du mal à vous croire, car cette prison avait déjà été promise pour 2023 et qu'aucune démarche administrative n'a encore commencé pour la réaliser.

Vous avez évoqué les OQTF, dont le nombre est indéniablement impressionnant sur le papier mais, dans la réalité, bien que les OQTF délivrées soient exécutées, de nombreux étrangers en situation irrégulière n'en font pas l'objet. Qui plus est, alors même que les OQTF sont exécutées, les étrangers expulsés reviennent sur le territoire français parce que les frontières ne sont pas surveillées. Pis que cela, les agents de la police aux frontières ont dû vous dire comme à moi que certains étrangers faisant l'objet d'une OQTF viennent carrément toquer à leur porte pour que cette obligation soit exécutée – c'est en particulier le cas des Brésiliens, qui peuvent ainsi rentrer gratuitement au pays à Noël ou pour la fête nationale, après quoi, la fête terminée, ils reviennent illégalement en Guyane.

Je pense, monsieur le ministre délégué, que vous n'avez pas lu mon rapport, mais j'espère que vous aurez l'occasion de le lire, car il pourra vous servir.

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