Intervention de Sandrine Rousseau

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau :

En mai 2022, l'appel de Fort-de-France réclamait un changement profond de la politique menée par l'État en outre-mer, déplorant une situation de « mal-développement structurel » dans l'essentiel des territoires ultramarins. Un tel cri d'urgence, une telle exigence appelle une évolution institutionnelle pour sortir de la carence structurelle et de la dépendance vis-à-vis de la France hexagonale, ainsi que la mise à disposition de moyens suffisants pour permettre à ces territoires de relever les défis sociaux, écologiques, économiques et culturels auxquels ils font face.

Avec une augmentation des crédits de seulement 5 %, taux bien inférieur à celui de l'inflation, nous pouvons dire que, malgré les annonces, le Gouvernement loupe le coche pour le deuxième PLF de la législature. Le budget comporte certes quelques adaptations et améliorations mais il ne procède en aucun cas à la rupture qu'appelle la situation vécue par nos concitoyens dans les territoires d'outre-mer. Or c'est justement d'un budget de rupture, d'un « quoi qu'il en coûte » ultramarin, que nous aurions eu besoin.

Les problèmes structurels sur lesquelles nos collègues ultramarins ne cessent de nous interpeller sont nombreux : une précarité plus forte avec des taux de pauvreté qui devraient vraiment nous faire réfléchir puisqu'ils atteignent 34 % en Guadeloupe, 33 % en Martinique et 42 % à La Réunion contre 14 % dans l'Hexagone ; un taux de chômage deux fois plus élevé ; un manque de services publics qui contraint les jeunes à venir en France hexagonale pour suivre des formations ou des malades à parcourir des milliers de kilomètres pour se faire soigner, faute d'infrastructures de santé suffisantes ; une dépendance aux produits importés, si chers que les écarts de prix pour les produits alimentaires par rapport à l'Hexagone sont de 42 % pour la Guadeloupe, 40 % pour la Martinique et 37 % pour La Réunion.

À ces problèmes structurels qui empoisonnent la vie des Français d'outre-mer se sont ajoutées d'autres crises : l'inflation, la crise de l'eau à Mayotte et en Guadeloupe, la contamination au chlordécone dans les Antilles ou encore la prolifération des sargasses.

Alors, où sont les moyens permettant de les résoudre ? Où sont les investissements massifs dans les infrastructures et dans l'économie locale, afin de rendre ces territoires indépendants et autonomes en matière d'énergie et d'alimentation ? Où en est la réforme de la gouvernance qui permettrait d'associer bien davantage les populations locales aux décisions qui les concernent ? Où se trouve le volet d'adaptation au réchauffement climatique, pourtant très prégnant dans ces territoires ?

Ces territoires possèdent une biodiversité d'une richesse incroyable, puisqu'ils représentent 80 % de la biodiversité française, et offrent à notre pays la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde. Toutefois, qu'est-il fait pour contrecarrer l'effondrement, voire l'anéantissement de la biodiversité – pour reprendre le mot employé par les chercheurs eux-mêmes ? Où sont les budgets qui permettraient d'indemniser les populations contaminées par le chlordécone ? Où est le plan Marshall demandé par les collectivités ultramarines pour faire face à la pollution par les déchets ? Où sont les investissements massifs à même de garantir à tous ce droit essentiel qu'est l'accès à l'eau potable ?

À l'heure où le monde bascule dans l'inconnu climatique, où les alertes se multiplient, car les crises écologiques et sociales se nourrissent entre elles, alors qu'il serait temps de passer à autre chose, ce budget s'ancre malheureusement dans le monde d'avant : nous le constatons s'agissant de l'eau et nous le verrons encore à l'avenir dans de nombreux autres domaines.

Le groupe Écologiste – NUPES présentera plusieurs amendements afin de l'améliorer, mais il appelle le Gouvernement à opérer une véritable bifurcation de ses politiques en faveur des territoires ultramarins. Nombre de nos amendements, tels que celui visant à instaurer un chèque alimentaire à Mayotte, celui sur la promotion d'une alimentation locale, ou encore ceux visant à prévoir des financements supplémentaires pour les plans sargasse, Chlordécone IV et Écophyto DOM, ont été adoptés en commission. J'appelle instamment le Gouvernement à en conserver les dispositions.

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