Intervention de Bryan Masson

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBryan Masson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

En préambule et au nom de la représentation nationale dans son ensemble, j'aurai une pensée pour Léon Gautier, qui nous a quittés le 3 juillet dernier, à la veille de son 101e anniversaire. Il était le dernier survivant français du débarquement et le dernier membre encore en vie du commando Kieffer.

Le projet de loi de finances pour 2024 propose de doter la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation " de 1,9 milliard d'euros, soit un montant presque équivalent à celui prévu par la dernière loi de finances. Notons toutefois que derrière l'apparente stabilité des crédits de la mission dans sa globalité se trouvent des évolutions plus contrastées dès lors qu'on entre dans les détails.

Autre point important, l'augmentation d'un peu plus de 11 millions d'euros du montant alloué aux actions en faveur des anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Comme vous le savez, la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis ouvre à ces derniers et à leurs familles un droit à réparation au titre des conditions de vie indignes qu'ils ont subies, pour ceux ayant séjourné dans des camps de transit ou des hameaux de forestage entre 1962 et 1975. Jusqu'à 14 000 personnes supplémentaires pourraient ainsi être indemnisées, ce qui explique les 10 millions d'euros de crédits supplémentaires prévus par le texte. Il est en effet important que la réparation de cette injustice suive son cours.

Enfin, dernier point méritant d'être souligné s'agissant du programme 169, Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation : l'augmentation en trompe-l'œil du montant des versements de l'allocation de reconnaissance du combattant. Je précise qu'il s'agit du nouveau nom de l'ancienne « retraite du combattant ». La LPM a changé cette dénomination, ce qui, à mon sens, est judicieux, dans la mesure où il ne s'agit en rien d'une pension de retraite : c'est une allocation versée en témoignage de la reconnaissance de la nation pour ses anciens combattants. Je forme d'ailleurs le vœu que ce témoignage perdure à l'avenir et qu'il ne soit jamais remis en cause au prétexte de la professionnalisation des armées et de la disparition des deuxième et troisième générations du feu, celles ayant connu la seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie.

Ces éléments étant exposés, je souhaiterais, chers collègues, appeler votre attention sur la dégradation du pouvoir d'achat des bénéficiaires des différentes allocations relatives aux anciens combattants. Main dans la main avec les associations, le groupe Rassemblement national dénonce la très faible revalorisation de la pension militaire d'invalidité (PMI) : nous proposions en effet que son montant augmente de 5,2 %, afin de compenser l'inflation.

L'État aurait dû se montrer à la hauteur pour soutenir nos anciens combattants, d'autant que la mission ne représente que 0,3 % des crédits du budget général, mais nous constatons une volonté de faire des économies, sur le dos des héros de notre pays. C'est indécent, d'autant plus que la réduction naturelle du nombre de bénéficiaires, année après année, permettrait des redéploiements pour soutenir davantage nos anciens combattants.

La présentation de ce rapport est pour moi l'occasion de réaffirmer quelques valeurs républicaines cardinales : seule la nation, source vivifiante, solidaire, maternelle, peut fédérer – c'est cela le patriotisme. Le patriotisme, c'est aussi le devoir de mémoire et de reconnaissance collective, qu'il est indispensable de préserver, d'inculquer et de renforcer. Ce devoir, je le considère comme un impératif de mémoire : nous le devons aux anciens combattants des grandes guerres, ainsi qu'aux soldats engagés sur les théâtres d'opérations extérieures. Au Sahel, en Irak, au Liban, mais aussi en Afghanistan, au Kosovo, en Libye, en République centrafricaine et sur de nombreux théâtres d'opérations, nos soldats, marins, aviateurs et gendarmes sont, chaque jour, confrontés au risque pour nous protéger. La nation tout entière leur est reconnaissante.

C'est leur souvenir qui nous invite à l'hommage ; c'est leur courage et leur combativité que l'histoire nous exhorte à suivre. Alors que nous célébrerons bientôt le quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, la Libération et la victoire, il est de notre devoir de nous tenir devant les monuments aux morts de toutes nos villes et villages, autour des drapeaux de nos anciens combattants, pour nous remémorer et célébrer la France libre car, comme l'avait dit Winston Churchill, « une nation qui n'honore pas ses héros n'aura bientôt plus de héros à honorer ».

Nous l'avions proposé : il aurait été crucial que l'État participe plus largement au financement des associations patriotiques, comme celles des porte-drapeaux, qui tiennent à bout de bras les commémorations et contribuent à leur solennité. Je ne peux que déplorer l'absence de considération du Gouvernement à leur égard.

Enfin – et cela me tient à cœur –, à l'heure ou la menace terroriste est plus forte que jamais, il convient de renforcer la prise en charge par l'État des orphelins de militaires morts pour la France, de victimes du terrorisme ou de membres des forces de l'ordre tués dans l'exercice de leurs missions.

Pour conclure, je citerai Ernest Renan : « Ce qui constitue une nation, […] c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l'avenir ». Faisons ensemble, mes chers collègues, de grandes choses pour le monde combattant, qui le mérite tant.

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