Intervention de Jean-Luc Fugit

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit :

. Le sujet du glyphosate est très sensible et a donné lieu à de riches débats, notamment fin 2017 à l'occasion du précédent vote sur la ré-autorisation de cette molécule. Le sujet est revenu dans le débat public en France lors du travail de notre Assemblée sur la loi dite « EGalim » en 2018. Le Gouvernement avait annoncé vouloir mettre tout en œuvre pour assurer l'interdiction des principaux usages du glyphosate en 2021. Dans cette optique, une mission d'information parlementaire sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a été lancée fin septembre 2018, mission présidée par notre collègue Julien Dive, et dont les co-rapporteurs étaient Jean-Baptiste Moreau et moi-même.

Dès le départ, la mission a choisi d'avoir une approche scientifique en privilégiant la confiance et non la défiance envers les agriculteurs. Deux ans plus tard, dans notre rapport final, nous avons pu rendre compte des évolutions observées. Oui, nos agriculteurs utilisent progressivement moins de produits phytosanitaires et moins de glyphosate. Nous avons noté que sous l'impulsion de la stratégie gouvernementale, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail n'a pas renouvelé les autorisations de mise sur le marché des usages pour lesquels il existe des alternatives sans inconvénients pratiques et économiques majeurs.

Concrètement, on n'utilise plus depuis 2021 en France de glyphosate entre les rangs de vignes ou d'arbres fruitiers, ni en grandes cultures lorsque la parcelle a été labourée. Ces interdictions se sont traduites par une baisse d'utilisation de l'ordre de 30 %. En parallèle, depuis 2021 davantage de moyens ont été attribués à la recherche d'alternatives, et un soutien financier, via un crédit d'impôt, est apporté aux exploitations qui renoncent à l'usage du glyphosate. Se passer du glyphosate, ce n'est pas aisé. L'exemple de l'agriculture de conservation des sols montre que se passer de glyphosate peut parfois être contreproductif sur le plan environnemental en termes de biodiversité et d'émissions de CO2.

Aujourd'hui, comme vous le savez les travaux d'évaluations sont poursuivis en Europe, pour mieux connaître l'impact des usages du glyphosate. L'Agence européenne des produits chimiques, qui étudie le danger des molécules, a conclu à l'absence de caractère cancérogène ou mutagène. L'Autorité européenne de la sécurité alimentaire, qui étudie les risques associés à l'exposition, dit ne pas avoir identifié de domaines de préoccupations critiques, ne s'opposant pas ainsi à renouvellement de l'approbation de cette molécule. Toutefois, l'EFSA souligne les lacunes d'évaluations des risques sur la biodiversité.

Au regard de toutes les données dont nous disposons, notre groupe se félicite du récent rejet de la proposition de la Commission européenne, d'autoriser dix ans de plus le glyphosate sans conditions de restrictions. Nous préférons la cohérence et l'exigence que le gouvernement porte depuis 2018 : on restreint les usages là où il y a des alternatives non chimiques et on amplifie la recherche pour développer ces alternatives. Nous pensons nécessaire que la France exige des autres pays européens un engagement à restreindre les usages, là où il y a une alternative, et nous pensons que dans ces conditions la durée de renouvellement pourrait elle aussi être discutée. En revanche, nous ne serons pas favorables à l'adoption de cette proposition de résolution, car nous refusons de laisser certains agriculteurs sans solutions. C'est aussi pour nous, une question de responsabilité politique.

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