Intervention de Anne-Cécile Violland

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2023 à 16h00
Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Cécile Violland :

Victor Hugo écrivait que « toutes les violences ont un lendemain » : il avait raison.

On estime à 160 000 le nombre d'enfants victimes d'inceste chaque année, et 400 000 enfants vivent dans un foyer marqué par les violences conjugales. Dans 98 % des cas, les enfants sont témoins de ces violences et en sont donc eux-mêmes victimes. Les violences vécues dans l'enfance créent des souffrances physiques et psychologiques durables : elles marquent à jamais les adultes que ces enfants deviennent. Pour toutes ces raisons, le temps est venu d'aller plus loin – il faut rendre notre arsenal juridique beaucoup plus protecteur des enfants victimes.

Fort heureusement, notre assemblée n'a pas attendu 2023 pour s'emparer de cette question. Depuis 2005, de nombreuses lois sont intervenues en faveur des victimes. Elles ont permis la création de nouveaux outils juridiques et pratiques mis à disposition des associations et des personnels judiciaires pour protéger les enfants, et souvent les femmes. Notre arsenal législatif a été considérablement renforcé – c'était nécessaire. Il permet notamment de suspendre de plein droit l'exercice de l'autorité parentale lorsqu'un des parents est poursuivi pour un crime commis sur l'autre parent.

Le juge pénal peut également prononcer le retrait total ou partiel de l'autorité parentale en cas de condamnation pénale pour un crime ou un délit commis sur l'enfant ou l'autre parent. En cas d'inceste ou d'atteinte volontaire à la vie de l'autre parent, le juge est obligé de se prononcer sur la question de l'autorité parentale. Mais force est de constater que ces dispositions restent encore insuffisantes.

Je sais l'engagement du Gouvernement et la mobilisation de Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de la protection de l'enfance, dans la lutte contre les violences faites aux enfants, qu'ils en soient les victimes directes ou indirectes. Je vous en remercie très chaleureusement, madame la secrétaire d'État.

Cette proposition de loi vise à faire un pas supplémentaire vers une protection efficace des enfants. Permettez-moi de saluer l'engagement de la rapporteure, Isabelle Santiago, ainsi que le travail transpartisan accompli sur ce texte, qui a été adopté à l'unanimité en commission des lois : oui, des consensus peuvent advenir dans cette assemblée ! L'urgence à protéger les enfants en fait partie ; c'est une cause juste, pour laquelle il est urgent d'agir.

Le travail effectué à l'Assemblée nationale a été enrichi par les sénateurs, avec notamment l'ajout d'une disposition permettant d'exonérer le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection de la communication de tout changement de résidence à l'autre parent. Trop de femmes – il s'agit de femmes, dans la plupart des cas – sont contraintes d'informer leur ex-conjoint violent d'un changement de résidence, alors même que celui-ci ne doit pas pouvoir s'y rendre ni entrer en contact avec elle.

En commission, nous avons soutenu les amendements rétablissant les articles 1er , 2 et 3 tels qu'adoptés par l'Assemblée en première lecture. Nous pensons en effet qu'il faut élargir les motifs de suspension de plein droit de l'autorité parentale dans le cas de poursuites pour agressions sexuelles incestueuses et pour crime commis contre la personne de l'enfant, ou dans le cas de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, avec la circonstance aggravante que l'enfant a assisté aux faits.

L'intérêt de l'enfant doit perpétuellement guider notre action. La création de garde-fous supplémentaires semblait absolument nécessaire pour éviter toute forme d'instrumentalisation de ces procédures, que l'on constate malheureusement parfois lors de séparations conflictuelles.

Le groupe Horizons et apparentés sera toujours déterminé à accompagner les évolutions favorables à l'intérêt de l'enfant et à sa protection. C'est pourquoi ses membres voteront ce texte avec conviction.

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