Intervention de Jérôme Nury

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2023 à 15h00
Lutte contre l'inflation concernant les produits de grande consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Comme nous ne cessons de le répéter depuis sa présentation en commission des affaires économiques, ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Il ne permettra certainement pas de contenir les prix ou de les faire baisser dans les mois qui viennent.

Alors qu'avec la hausse des prix de l'alimentation, des énergies, du carburant, beaucoup de nos concitoyens ont du mal à boucler leur fin de mois, ce projet de loi est totalement décalé, et bien en deçà des attentes.

Un seul article – une seule mesure : avancer l'échéance des négociations commerciales pour – soi-disant – répercuter plus vite une hypothétique baisse du coût des matières premières. Pour faire simple, le Gouvernement prescrit de l'homéopathie aux Français face à la gangrène de l'inflation ! Je crains que même l'effet placebo de ce projet de loi ne fonctionne pas.

Et encore, grâce au Parlement, nous avons échappé à plus mortifère : à l'origine, tel le Diafoirus de Molière, le Gouvernement avait imaginé un remède pire que le mal – la saignée des PME. L'avancement uniforme de la date des négociations donnait en effet un avantage considérable aux gros industriels face aux très petites entreprises (TPE) et PME, tant en matière de référencement, de placement en rayon que de promotions.

Il nous paraissait donc essentiel d'inverser la logique du dispositif, pour donner un temps d'avance à ces PME, pourvoyeuses d'emplois et créatrices de dynamiques dans nos territoires. Le Sénat a repris et précisé le texte issu de nos travaux, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Il faut saluer la rédaction définitive du texte entérinée en commission mixte paritaire. Au bout de presque trois heures – pour un seul article ! – qui ont davantage relevé de la bataille d'ego que de la discussion de fond, la CMP a fini par revenir à la version proposée depuis le début par la majorité sénatoriale et un certain nombre de députés, dont Anne-Laure Babault et moi-même. Que de temps perdu ! Que de discussions pour un texte à la portée quasi nulle ! Que de gesticulations pour un résultat plus qu'aléatoire ! Que de communication pour aboutir à si peu !

Cette loi tentait à l'origine de pallier la hausse des carburants mais en fin de compte, aucune mesure ne vient remédier à la situation catastrophique que connaissent ceux qui ne peuvent se passer de leur véhicule au quotidien.

Avide de propositions énarco-disruptives, le Gouvernement a dû faire appel à ses plus brillants spécialistes – qui n'ont rien trouvé de mieux que de demander aux distributeurs de vendre à perte les carburants. Devant l'enthousiasme modéré des entreprises concernées, flattées qu'on fasse des cadeaux à leurs clients, mais courroucées que ce soit avec leur argent, la mesure a disparu.

Ce texte et les autres dispositifs mis en place par l'État pour lutter contre l'inflation ne contiennent donc plus de mesures concrètes d'accompagnement pour aider nos concitoyens à se déplacer et à se chauffer, notamment dans les campagnes : rien sur le prix du fioul, une énergie très utilisée pour le chauffage domestique dans les territoires ruraux. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas souhaité proroger le dispositif d'aide exceptionnelle que j'avais fait voter l'an dernier en faveur des millions de Français qui se chauffent au fioul.

Rien non plus sur le prix du carburant, qui demeure le grand absent de nos discussions. Il représente pourtant l'un des principaux postes de dépenses de nos concitoyens ruraux, qui n'ont d'autre choix que de se servir de leur voiture pour le travail, les courses et les loisirs.

Il est urgent de mettre en place des mesures pour lutter contre cette inflation des prix de l'énergie et des déplacements – notamment en modulant la fiscalité pour faire vraiment redescendre les prix à la pompe pour tous.

Les ruraux se sentent aujourd'hui oubliés, voire méprisés. Il faut les aider à faire face à la hausse de leurs charges courantes, qui sont plus élevées que s'ils vivaient dans les grands centres urbains.

En conclusion, ce texte déçoit car il n'aborde pas toutes les facettes de l'inflation. Il continuera de décevoir car il ne sera jamais qu'un coup d'épée dans l'eau. Cependant, la différenciation entre les PME-ETI et les grands groupes évitera une catastrophe. Telle que nous l'avons conçue, elle pourrait même servir de base à d'autres textes en faveur des PME.

Pour toutes ces raisons, et dans la mesure où nous sommes très mitigés, nous nous abstiendrons.

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