Intervention de Benoît Vallet

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires sociales

Benoît Vallet :

Je répondrai d'abord à la dernière question. Ma fonction à l'ANSES sera exclusive ; je n'exercerai aucun autre mandat. Je dirige encore la thèse d'un étudiant, qui soutiendra en décembre, mais ce sera la dernière. Je mettrai fin à mes activités de recherche – je commence à en avoir l'âge –, même si elles m'ont aidé à comprendre les situations, qu'il s'agisse du soin aux personnes ou de la santé populationnelle, en particulier grâce au système national des données de santé.

En ce qui concerne le déconfinement et la campagne de vaccination qui a suivi, j'aimerais revenir sur deux aspects peu soulignés : le caractère territorialisé de cette campagne et l'homogénéisation en matière de distanciation. Il faut réfléchir à la manière dont les soins sont envisagés compte tenu de la demande en santé de nos concitoyens. L'existence de données massives et fines semble essentielle, j'insiste sur ce point, pour réaliser les bons soins au bon endroit et au bon moment. Quant à la question des effets secondaires de la vaccination, elle relève de l'ANSM et de Santé publique France, plutôt que l'ANSES, sauf cas particuliers concernant des professionnels.

J'en viens au comité de déontologie. Il est très important. En effet, la confiance ne sera pas au rendez-vous si la probité des experts de l'évaluation des risques est questionnée. Il faut travailler sans relâche pour que les informations nécessaires soient publiques. L'ANSES peut être saisie par des tiers, indépendamment de l'État : vous pouvez la saisir, de même que les acteurs de la société civile siégeant au conseil d'administration, même si ces derniers n'ont pas souvent recours à cette prérogative. Pour ce qui est du comité de déontologie, sa saisine se fait à travers la direction, mais il n'y a pas de limite à la capacité de celle-ci à relayer des sujets importants. L'Agence dispose des outils nécessaires pour assurer son impartialité.

En ce qui concerne les éoliennes, on a considéré qu'il pouvait y avoir une pollution sonore ainsi que visuelle. L'ANSES a engagé des travaux qui concernent notamment l'impact sur la faune et la proximité des installations. Je ne peux indiquer ce qui sera fait prochainement, mais je sais que les études sont toujours conduites dans un esprit d'ouverture, en particulier à l'égard des élus, et que des temps d'échange avec les parties prenantes ont lieu.

À la différence de Santé publique France, l'ANSES n'a pas de présence dans les régions. Elle pourrait néanmoins trouver des relais du côté des agences régionales de santé ou des directions régionales compétentes en matière d'alimentation, d'agriculture ou d'environnement, en partenariat avec les préfets, pour investir les politiques publiques territoriales.

S'agissant de la crainte que certains produits, notamment les pesticides, puissent induire une épidémie de cancers, il est nécessaire de croiser les travaux que conduit l'ANSES sur les produits utilisés dans l'environnement avec les données épidémiologiques. Je souligne de nouveau l'importance des données massives, mais aussi celle du repérage dans des sites particuliers. Il existe déjà une mutualisation avec Santé publique France, notamment sur la question des sites et des sols pollués, pour déterminer si l'apparition de certains cancers est liée à la proximité, dans l'environnement, de produits ou d'installations telles que des incinérateurs.

Le glyphosate est sujet de préoccupation au niveau national et européen. La possibilité de son autorisation sera de nouveau examinée après des travaux conduits en 2023. L'ANSES doit y contribuer, notamment par un appel à projets de recherche auquel pourra participer le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, que l'Agence finance sur cette thématique.

Un des aspects du débat concerne la manière dont on conduit les appels à projets, en particulier les liens d'intérêts potentiels entre les rédacteurs des appels et ceux qui peuvent en bénéficier. J'ai suivi de près cette question avant de présider le conseil d'administration de l'ANSES. Selon moi, il faut une plus forte participation européenne ou internationale dans l'élaboration des programmes de recherche afin de limiter le risque de conflits d'intérêts.

Je n'ai pas eu, depuis que je préside le conseil d'administration, de désaccord avec les décisions de l'Agence. Depuis 2017, les liens d'intérêts potentiels entre ceux qui préparent les appels à projets et ceux qui y répondent sont le seul point au sujet duquel j'avais pensé, de l'extérieur, que des questions pouvaient se poser. Vous savez, néanmoins, que l'ANSES a fait évoluer ses pratiques. Dans ces domaines, les intervenants sont rares et il faut faire attention. Les résultats ne doivent pas avoir une teinture, sous peine d'être discrédités.

S'agissant de la remontée d'informations vers les Français, je précise que tous les avis de l'ANSES sont publics. Ils sont accessibles sur internet de même que les rapports dont ils sont issus. Néanmoins, ce n'est certainement pas suffisant : consulter un site représente une démarche proactive et lire un rapport d'expertise de l'ANSES reste difficile. Même la lecture des avis, pourtant rédigés de la façon la plus lisible possible, peut être compliquée. Il faut mieux accompagner les informations produites de deux façons. D'abord, on peut agir grâce aux élus lors d'échanges au niveau territorial : ceux qui m'ont connu dans les Hauts-de-France savent la proximité avec les élus au cœur de ma démarche. Par ailleurs, la conférence des parties prenantes qui se tiendra prochainement autour des questions de santé constituera un moment privilégié. Ensuite, il faut s'appuyer sur les professionnels de santé. La crise sanitaire a démontré que les Français avaient confiance en ces acteurs, notamment les médecins généralistes. Nous devons renforcer la connaissance de l'ANSES de ces professionnels. Je ne l'ai moi-même vraiment découverte qu'en devenant directeur général de la santé, alors qu'elle touche à des sujets de préoccupation essentiels pour les médecins de proximité. Il faut les former, leur apprendre ce qu'est l'ANSES et leur faire connaître ses avis pour nourrir leur pratique.

L'ARS Hauts-de-France travaille sur les métabolites de pesticides depuis le début de l'année 2021. L'ANSES a en effet reconnu la possibilité que les métabolites de la chloridazone soient considérés, par précaution et d'une certaine façon par défaut, comme pertinents, c'est-à-dire comme ayant d'éventuels effets en matière de reprotoxicité ou de génotoxicité. Au-delà de la limite de qualité établie au niveau européen, il a fallu définir une valeur de gestion transitoire, dans l'attente d'une Vmax, afin de prendre des décisions, notamment d'éventuelles restrictions de consommation d'eau. Toutefois, je voudrais souligner des éléments très importants. Les sources de distribution d'eau se comptant en milliers, il faut du temps pour un état des lieux des mesures, pour arriver à une stabilité de ces dernières et pour exercer un contrôle. Nous n'avons obtenu un panorama partiel qu'après l'été 2021. Néanmoins, dès le mois de juin, nous avons fixé une valeur de gestion transitoire qui équivaut à la Vmax de la chloridazone divisée par un facteur cinq, ce qui est extrêmement protecteur. Il a en effet été montré, pour neuf métabolites de pesticides actuellement suivis, que leur Vmax est supérieure à celle de la molécule mère ou à peu près du même niveau. La valeur retenue avait été proposée par la DGS. Nous l'avons utilisée en première intention, tout en demandant une valeur nationale. En effet, des travaux interagences montraient que d'autres ARS rencontraient le même problème mais s'apprêtaient à adopter des valeurs différentes. Fin 2021, j'ai saisi le directeur général de la santé et nous avons obtenu une réponse à l'issue d'une saisine du Haut Conseil de la santé publique. Une nouvelle circulaire nous a été adressée en juin dernier.

Nous avons renforcé les mesures dans les unités de distribution concernées, et nous avons observé qu'une centaine de communes devaient être suivies de près. L'ARS a demandé au préfet de prendre des dispositions pour quatre communes si elles ne parviennent pas à trouver des solutions, étant entendu que, pour ces métabolites, les mesures au robinet sont très inférieures à celles des réservoirs. Avant de décider des restrictions, les responsables de la qualité de l'eau cherchent des solutions faisant appel à l'interconnexion, qui permet une dilution des eaux concernées, et à l'usage de charbon actif. Par ailleurs, je voudrais préciser que la valeur retenue, de trois microgrammes par litre, est extrêmement protectrice puisqu'elle est presque cent fois inférieure à la Vmax de la chloridazone. À titre de comparaison, aucune restriction de consommation n'est décidée pour cette valeur en Allemagne, où les autorités se contentent de mesures d'amélioration de la qualité de l'eau. La valeur choisie par nos autorités nationales correspond à l'application du principe de précaution, et elle demeurera en vigueur jusqu'à l'adoption d'une Vmax, si tant est que ces métabolites soient effectivement considérés pertinents à l'issue des travaux engagés.

Je termine par la pollution de l'air, intérieur et extérieur, au sujet de laquelle l'ANSES a publié des avis sur le rôle des particules fines dans le développement de certains cancers et de bronchopathies chroniques. Je rappelle, à ce sujet, que l'ANSES n'est pas une agence de gestion : elle a pour objectif d'évaluer les risques et de fixer certains paramètres ; il revient ensuite aux pouvoirs publics d'agir, par exemple en limitant des pratiques qui entraînent l'émission de particules fines. L'ANSES n'est qu'une sorte d'inducteur, par les normes et les valeurs de référence qu'elle propose. Elle n'est pas un acteur des politiques publiques. Il me semble, en revanche, que les échanges que nous pouvons avoir facilitent la prise de décision et qu'ils permettent d'avancer.

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