Intervention de Anna Pic

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 15h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnna Pic :

Trois mois après l'adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l'examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l'augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n'en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s'agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S'agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d'indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d'être suffisante compte tenu de l'inflation. D'une même voix, les représentants d'associations d'anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l'inflation attendue cette année devrait s'élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L'inquiétude teintée d'amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l'opportunité d'une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d'indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l'année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d'absorber à elles seules, dès le mois de juin, l'enveloppe budgétaire. Il ne s'agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l'aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d'être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu'ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s'agit d'un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d'autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l'âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d'être économiste pour comprendre qu'une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S'agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d'entre eux n'est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s'agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu'une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d'Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l'attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l'attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d'être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l'augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l'inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l'énergie et l'alimentation.

D'autres points nous ont interpellés, notamment le projet de fusion de l'école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l'ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d'une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l'évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d'une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l'OTAN si l'on manque d'hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l'an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d'affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d'en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

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