Intervention de Huguette Tiegna

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2023 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative aux partenariats renouvelés entre la france et les pays africains

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Tiegna :

Nous nous exprimons sur les partenariats renouvelés entre la France et l'Afrique, qui est constituée de cinquante-quatre pays. Si vous me le permettez, je reformulerai ainsi l'intitulé de notre débat : « partenariats à renouveler ». En effet, l'enjeu essentiel, aujourd'hui, est de ne pas être le pays à qui serait réservée la chaise vide.

J'ai souligné récemment dans La Tribune l'importance de la vision que nous donnons aux citoyens africains des affaires publiques de la France, à commencer par la portée des déclarations parfois outrancières de certains élus, qu'ils soient d'extrême droite ou d'extrême gauche. Nous commettrions une erreur manifeste en croyant naïvement que les propos à l'emporte-pièce tenus au sujet des migrants vivant sur notre sol n'ont aucune incidence sur les relations bilatérales entretenues avec les pays dont ils sont issus. Nous ne sommes plus au temps où la diplomatie se cantonnait au confort feutré de salons fermés d'où ne fuitait nul écho. Renouveler nos relations avec les pays d'Afrique, en particulier avec les pays subsahariens, exige plus que jamais de prendre en considération l'opinion publique de ces pays, qui, seule, décidera à long terme de l'orientation politique de leurs gouvernants.

Objectivement, il serait difficile de ne pas reconnaître l'apport de la France aux dispositifs de soutien économique, éducatif, sanitaire, social ou encore sécuritaire à destination des Africains. S'agissant du volet sécuritaire, nos ministres ont approfondi la mobilisation de la France aux côtés des pays d'Afrique ; je tiens à saluer l'engagement de nos armées et à rendre hommage aux soldats morts pour la France.

Nos ministres ont rappelé les engagements qu'a pris le Président de la République depuis 2017, notamment à la suite de son discours de Ouagadougou. Dans la plupart des domaines, la France fait partie des premiers partenaires des pays africains ; elle se situe rarement au-delà de la dixième place. En 2021, elle était le second investisseur étranger sur le continent, derrière le Royaume-Uni, et détenait 60 milliards de dollars de stocks d'investissements directs.

Certes, l'histoire est parfois douloureuse et peut laisser de profonds stigmates dans la mémoire collective des peuples. Toutefois, ne convient-il pas, en l'occurrence, de la lire non comme l'annonce d'un recommencement qui marquerait l'avenir, mais comme une épreuve à surmonter, telle une image figée sur le rétroviseur du temps ? C'est à partir de ce postulat que nous devons repenser nos relations avec l'Afrique et avancer. Voyez plutôt : il n'y a pas de désamour entre l'Espagne et les pays d'Amérique latine, ni entre le Portugal et les pays lusophones, pas davantage entre le Royaume-Uni et les pays anglophones. Pourquoi, alors, la France subit-elle le désamour des pays francophones subsahariens ? Je refuse catégoriquement que cela soit ! Après tout, ne suis-je pas moi-même le fruit de la relation réussie entre la France et un pays africain ?

Ainsi, j'appelle de mes vœux la renaissance du désir de France chez les jeunes générations africaines et la renaissance d'un dialogue franc et direct, au-delà des malentendus, des erreurs et des fautes commises, au sujet des ressorts distendus de nos relations et des causes qui poussent la France hors d'Afrique.

L'offre concurrentielle de pays tels que la Russie, la Chine, les États-Unis, la Turquie, l'Inde ou encore le Brésil, qui se fait de plus en plus pressante et parfois déloyale, constitue sans doute un facteur important dans la diminution de nos échanges. Mais pourquoi donc ? Les participations françaises, pourtant les plus anciennes et les plus généreuses, ne seraient-elles plus adaptées, pertinentes ni utiles ? Avons-nous, au cours du temps, laissé se dénaturer nos engagements au point de rendre invisibles à la grande majorité des citoyens de ces pays des contributions qui profitent pourtant à l'essor de leur économie ?

Oui, d'autres pays participent plus que la France à la construction d'infrastructures telles que des routes, des ponts ou des ports, qu'utilise quotidiennement le citoyen lambda. Faut-il donc revoir notre stratégie pour l'aligner sur ce schéma ? Peut-être faut-il aussi garder à l'esprit qu'il conviendrait d'associer davantage les pays d'Afrique à la lutte contre le réchauffement climatique, à la préservation de la biodiversité et à la limitation des émissions de CO2.

Nous devons également corriger l'image d'Épinal que les pays d'Afrique reçoivent de notre pays, car, si la France constitue une nation une et indivisible, elle n'en est pas moins plurielle et multiculturelle. En ce sens, il conviendrait de mettre à l'honneur les grands hommes qui façonnèrent l'histoire de la République. Je pense en particulier à feu le président du Sénat Gaston Monnerville, dont j'ai l'immense honneur de porter l'héritage en tant qu'élue du Lot. Ce digne homme d'État sut, avant tout le monde, par le discours qu'il tint dès le 21 juin 1933 sur l'esplanade du Trocadéro, dénoncer la condition des Juifs dans l'Allemagne nazie en la comparant avec le génocide des Héréros et des Namas perpétré en Namibie.

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