Intervention de Anne Stambach-Terrenoir

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Stambach-Terrenoir :

Aujourd'hui, les jeunes parents de ce pays nous regardent, car nous avons l'occasion de lancer ensemble une commission d'enquête parlementaire sur le modèle économique des crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants. Je remercie mon collègue William Martinet pour cette initiative salutaire.

Car voilà des années que les professionnels du secteur de la petite enfance – comme le collectif Pas de bébés à la consigne, mobilisé depuis 2018 – nous alertent sur la dégradation de leurs conditions de travail et donc de la qualité de l'accueil des petits. Les professionnelles décrivent le manque de personnel, les taux d'encadrement toujours plus insuffisants, le recours à du personnel peu qualifié ou la nécessité, parfois, d'accueillir des enfants en surnombre. En raison de la précarité ainsi entretenue et d'un quotidien émaillé de situations difficiles, ces femmes – car elles sont majoritaires dans ce secteur – sont non seulement épuisées, mais tout près d'adopter des pratiques qu'elles jugent elles-mêmes potentiellement maltraitantes.

Jusqu'au drame. En juin 2022, une petite fille est morte après qu'une employée de crèche lui a fait ingérer du Destop. Il aura fallu l'horreur, la concrétisation du pire cauchemar de tout parent qui confie son enfant lorsqu'il va travailler, pour qu'enfin on entende les mises en garde et que l'Inspection générale des affaires sociales enquête et alerte à son tour les pouvoirs publics sur l'existence d'une maltraitance institutionnelle dans les crèches de notre pays.

Une « maltraitance institutionnelle ». La première fois que j'ai entendu cette expression, c'était au moment du scandale Orpea, lorsque j'ai écouté, comme beaucoup d'entre vous, des aides-soignantes en larmes parler de leurs conditions de travail en Ehpad et du sentiment de ne plus pouvoir, sous la pression, exercer leur métier dignement. Elles expliquaient qu'elles se sentaient inhumaines car maltraitantes, alors que leur volonté première était au contraire de prendre soin. La France découvrait alors, effarée, les économies faites sur les repas, les protections hygiéniques, les soins chronométrés irréalisables dans le temps imparti, l'impossibilité de prendre le temps de parler et d'écouter – bref, le porte-monnaie comme maître du temps.

Or nos tout jeunes enfants ont ceci en commun avec nos anciens qu'ils sont dépendants de nous pour leur bien-être comme pour leur survie. Deux édifiantes enquêtes journalistiques révèlent des pratiques tout aussi inquiétantes pour les petits dans certaines crèches : des repas rationnés et insuffisants, des enfants qui restent dans leur couche souillée toute la journée, leur rythme de sommeil perturbé, et bien sûr un nombre insuffisant de professionnelles, épuisées physiquement comme psychiquement, face à des enfants trop nombreux.

La façon dont nous prenons soin de ceux qui sont en situation de dépendance dit beaucoup de nous. C'est une question de santé publique, mais aussi une vraie question morale. Quelle société voulons-nous ? Et nous, parlementaires, que faisons-nous pour empêcher les dérives, pour protéger les plus fragiles ?

« Les mille premiers jours de vie d'un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c'est là qu'on construit parfois le pire et qu'on peut bâtir le meilleur. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais Emmanuel Macron, le 25 avril 2019. En effet, la recherche en neurologie montre que la petite enfance est une période clé dans le développement cérébral, émotionnel et social. C'est de cela que nous parlons aujourd'hui. Alors, soyons à la hauteur !

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