Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Respect du droit international dans le secours des migrants en mer méditerranée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

« En nous approchant davantage, nous commençons à discerner les corps. Derrière la première rangée d'hommes, se dessine une femme à moitié dénudée […], elle surplombe d'autres corps écrasés sous son poids. Le tout forme un tas étonnamment bien rangé. Impossible de les compter précisément. Leurs membres ne respectent plus aucune géométrie connue et je ne discerne pas bien le plancher sur lequel repose cet amas de chair. Mais des mains et des pieds, il y en a beaucoup. Je vois des seins, des bouches ouvertes, des yeux vidés. Leur peau est griffée et leurs vêtements arrachés, comme si la vie leur avait été dérobée après une lutte acharnée. »

Ces mots sont ceux du marin Antoine Laurent dans Journal de bord de l'Aquarius. Je vous invite tous, chers collègues, à lire cet ouvrage qui, loin des fantasmes aussi abjects que hors-sol, donne à voir les visages, les mots de celles et ceux qui traversent la mer Méditerranée.

Depuis 2014, plus de 28 000 personnes sont mortes en Méditerranée, le chiffre étant même bien supérieur puisque ne sont comptabilisés que les décès connus. Ce drame humanitaire mobilise les ONG depuis plusieurs années. Essentiellement financées par des dons privés et quelques collectivités locales, elles se trouvent bien seules, face à la démission des États, pour réaliser des missions de sauvetage.

D'autant que ces ONG sont criminalisées et entravées dans leur devoir d'assistance par certains pays européens – logique d'ailleurs reprise par cette proposition de résolution, qui met ONG et passeurs sur le même plan. Ce raisonnement repose évidemment sur des mythes, à commencer par celui de l'appel de l'air, selon lequel sauver des gens aurait pour conséquence de les faire venir plus nombreux. Mais comment peut-on penser ainsi ? S'il faut essayer de convaincre, sachez, chers collègues, que, même pendant le grand confinement mondial, quand il n'y avait pas de sauveteurs, des gens ont continué de chercher à traverser la Méditerranée.

En réalité, les ONG ne font que combler l'absence criminelle de l'Union européenne dans ce domaine.

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