Intervention de Yannick Neuder

Séance en hémicycle du mercredi 29 novembre 2023 à 14h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Neuder :

C'est devenu un rendez-vous régulier : nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner une motion de censure – une de plus –, suite au 49.3 – un de plus – déclenché par la Première ministre sur le PLFSS pour 2024. Nous aurions pourtant souhaité dépasser le simple exercice budgétaire et dédier ce temps de travail au recueil des attentes, des inquiétudes et des espérances des Français en matière de santé. Nous aurions préféré débattre, car défendre nos amendements était notre seul moyen de relayer – et nous aurions aimé le faire davantage – les demandes des acteurs du soin, du secteur médico-social, des partenaires sociaux et, plus largement, des Français.

Au-delà de toute considération politique, les enjeux du PLFSS sont si importants qu'il doit absolument redevenir un espace de dialogue et de confrontation des points de vue. À cet égard, je remercie la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, pour l'organisation des débats, ainsi que la rapporteure générale, Mme Stéphanie Rist, pour ses réponses claires et précises. Je salue également nos discussions fructueuses et intelligentes, qui ont conduit le Gouvernement à renoncer à la ponction de l'Agirc-Arcco et à l'augmentation des franchises médicales – deux mesures qui n'ont pas été réintroduites dans le texte au cours de la navette.

Je tiens à rappeler que Les Républicains ne contestent ni la légitimité constitutionnelle du Gouvernement à recourir au 49.3, ni celle des députés à déposer une motion de censure. Cela étant dit, permettez-moi de profiter de cette tribune et de la présence du Gouvernement pour évoquer trois enjeux majeurs.

Premièrement, j'aimerais appeler votre attention sur la situation des infirmiers libéraux qui maillent le territoire national et œuvrent au service de la santé des Français. Selon les dernières enquêtes, 58 % d'entre eux – soit 75 000 professionnels – envisageaient d'arrêter leur activité au cours des cinq années à venir, alors qu'ils sont les garants de la réussite des virages ambulatoire et domiciliaire.

La longue liste de leurs revendications n'a pas changé : ils demandent tout d'abord une juste rémunération pour les soins qu'ils prodiguent. Certains des actes qu'ils réalisent – dont des actes courants – n'ont pas été revalorisés depuis 2009 : plus de dix ans après, il est grand temps de les augmenter à hauteur des pertes liées à l'inflation. Certains syndicats et bon nombre d'infirmiers considèrent d'ailleurs la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) comme obsolète, d'autant que certains soins infirmiers ne sont pas rémunérés à leur juste valeur, faute d'y être répertoriés. De même, la dégressivité du tarif des soins, que rien ne justifie, est inacceptable : il faut en finir avec la règle qui veut que le premier acte soit intégralement payé, que le second ne le soit qu'à 50 % et que tous les suivants soient gratuits ! Tous les soins effectués devraient être rémunérés à taux plein, et particulièrement dans ce contexte de pénurie de soignants. On ne retrouve le principe de la dégressivité des actes dans aucune autre profession – je pourrai y revenir plus en détail.

Il est également nécessaire non seulement de revaloriser, mais aussi de réformer le bilan de soins infirmiers (BSI). Devenus de véritables fourre-tout comprenant la toilette, la préparation et l'administration des traitements, la prise de constantes et la réalisation de pansements simples, les forfaits BSI ne se concentrent d'ailleurs plus que sur l'hygiène, l'élimination et la motricité, les diagnostics infirmiers n'étant plus réalisés par les infirmiers eux-mêmes. Par conséquent, la prise en charge des patients non dépendants âgés, atteints de pathologies chroniques invalidantes – par exemple, la surveillance de l'état général d'un patient de plus de 80 ans atteint d'une maladie chronique – ne rentre pas dans le BSI. Depuis le passage au forfait journalier, la rémunération de l'infirmier est passée de 31,80 euros à seulement 28,70 euros bruts, alors même que le déplacement au domicile lui coûte plus cher à cause de l'inflation et qu'une grande partie de la rémunération est imposée à hauteur de 64 %. Il y a donc urgence à réformer le BSI.

Enfin, si les infirmiers libéraux ont bien obtenu une revalorisation de 25 centimes d'euros de l'indemnité forfaitaire de déplacement, passée de 2,50 euros à 2,75 euros, une prise en charge des frais de déplacement proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus serait beaucoup plus adaptée pour les infirmiers libéraux, notamment ceux qui travaillent dans les territoires ruraux et en montagne – par exemple, une infirmière qui doit parcourir dix ou vingt kilomètres pour réaliser une prise de sang rémunérée 7 euros travaille à perte.

Deuxièmement, je voudrais revenir sur les centres de soins non programmés (CSNP), dont le nombre ne cesse d'augmenter depuis l'été 2022. Nés à l'initiative de médecins urgentistes et libéraux qui souhaitaient désengorger les services d'urgence des hôpitaux, ils accueillent des patients en souffrance aiguë mais sans urgence vitale, n'ayant trouvé aucun rendez-vous avec un médecin de ville. Souvent installées près de centres d'imagerie et de laboratoires d'analyses médicales, ces unités de soins primaires, assimilables à de petits hôpitaux « hors les murs », participent à renforcer l'offre de soins dans nos territoires.

Si je comprends et partage les craintes du Gouvernement, inquiet de potentielles dérives en raison du flou juridique entourant ces centres, j'insiste sur le fait qu'ils sont essentiels à la santé des Français, notamment en milieu rural : ils assurent un accueil sur de larges plages horaires, certains étant ouverts sept jours sur sept, de dix heures à vingt-deux heures, y compris les samedis et dimanches. Dans les territoires où il n'existe malheureusement pas de structure d'hospitalisation et où on ne trouve plus de permanence de structure mobile d'urgence et de réanimation (Smur), comme dans ma circonscription, ils sont le seul recours de patients qui y sont amenés par des pompiers volontaires.

Troisièmement, si je ne conteste pas la nécessité d'encadrer les prestations de dialyse, particulièrement rentables pour certaines structures, j'appelle votre attention sur les conséquences de la réforme de leur financement – qui figurait dans le PLFSS pour 2024 et a donc récemment été considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale – pour le secteur privé à but non lucratif.

Celui-ci réalise 42 % des actes – c'est le cas, dans mon territoire, de l'Association pour la gestion de la dialyse et des usagers porteurs de maladies rénales chroniques et apparentées (Agduc), qui existe depuis 1994. Plus largement, il assure 63 % des actes réalisés à domicile dont la prise en charge, plus onéreuse, est justement garantie par le modèle de financement actuel. Gare, donc, à ce que votre réforme ne dégrade pas les conditions de travail des acteurs de proximité et des professionnels qui se rendent dans la ruralité profonde pour installer ou surveiller les dialyses ! Si les structures devenaient déficitaires, ce sont les patients isolés qui en paieraient le prix.

J'espère que vous serez sensibles à ces enjeux, car les virages domiciliaire et ambulatoire doivent être l'objectif commun des pouvoirs publics.

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