Intervention de Yannick Monnet

Séance en hémicycle du mercredi 29 novembre 2023 à 14h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Monnet :

Le « renouveau démocratique » n'est-il donc que la réactivation de la peur de l'opposition et de la liberté d'expression des parlementaires ? Et de quoi donc votre peur du débat parlementaire se nourrit-elle, madame la Première ministre, si ce n'est que vous savez pertinemment que votre pouvoir est d'une extrême fragilité ?

L'usage à répétition de ces 49.3 ne vous donne donc qu'un semblant de majorité, tout temporaire. Vous le savez : votre répit est éphémère, il ne dure que le temps où vous montez à cette tribune pour engager la responsabilité de votre gouvernement. Tout le reste du temps, sur tous les autres textes soumis à ce Parlement, vous vivez dans l'inquiétude d'échouer à convaincre, vous êtes dans la peur que les voix adverses, qui sont pourtant l'écho du peuple, soient plus convaincantes que la vôtre. Vous êtes même incertaine de garder auprès de vous une majorité condamnée à n'être que relative.

Le 49.3, dans l'usage systématique que vous en faites, n'est plus seulement une disposition de dernier recours. Il est devenu votre seule possibilité de gouverner. C'est pourquoi vous en faites un usage à la limite de la constitutionnalité, car contraire à la volonté du constituant. En 2008, ce dernier a voulu réduire l'usage du 49.3 à un seul texte par session parlementaire, hormis les textes budgétaires, précisément pour préserver l'équilibre démocratique et le débat parlementaire. Mais vous rusez pour contourner cette restriction, par exemple lorsque vous introduisez dans un texte budgétaire une réforme des retraites très majoritairement rejetée par le peuple et l'ensemble des oppositions dans cet hémicycle, pour passer outre le vote des parlementaires et pouvoir l'imposer par le 49.3.

Sans doute pensez-vous aussi réussir à décourager les parlementaires d'user de leur droit de délibérer et d'amender, quand vous annoncez, avant même le début des débats budgétaires, que vous aurez recours au 49.3 ? Peut-être pensez-vous réussir à instiller dans les consciences de nos concitoyens que le Parlement ne sert à rien ? Mais, voyez-vous, les Françaises et les Français ont su montrer leur résistance et leur envie de peser dans les débats politiques à chacune de vos réformes contraires à l'intérêt général. Ce fut le cas pour les retraites ; c'est le cas quand vous demeurez obstinément sourds à leurs revendications, à l'instar de celles sur les salaires.

Vous pouvez vous dispenser de débattre sur les hôpitaux publics et l'accès aux soins, il n'en demeure pas moins que la mobilisation des soignants ne faiblit pas. Et, voyez-vous, nous, parlementaires, avons amendé et débattu, ici et dans nos circonscriptions : nous résistons !

Gouverner demande une majorité, c'est vrai. Mais celle-ci n'a de panache intellectuel et politique que si elle est conquise. Votre ruse et vos passages en force sont contraires à l'esprit de cette assemblée, qui existe afin que débattre, proposer et argumenter demeure le cœur du combat politique pour que vive notre démocratie. Ce combat, je redoute que vous l'ayez abandonné.

Pour justifier ses fonctions de ministre chargé du renouveau démocratique, Olivier Véran avait déclaré, il y a un an, que la crise démocratique était semblable à la crise climatique : « la maison brûle et nous regardons ailleurs », avait-il dit. En montant à la tribune aujourd'hui pour défendre, pour la dix-neuvième fois, une motion de censure contre votre gouvernement et la voter, les députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES refusent résolument de détourner le regard : notre démocratie est en feu, et ce sont ses pyromanes que nous regardons bien en face.

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