Intervention de Bérangère Couillard

Séance en hémicycle du mercredi 6 décembre 2023 à 14h00
Lutte contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques — Présentation

Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations :

Lutter contre toutes les formes de discrimination est au cœur de ma mission ; c'est agir en faveur de l'égalité.

Bien que l'égalité soit inscrite dans la loi de notre pays, elle est encore loin d'être une réalité pour tous. Il s'agit donc à présent de donner à chacun la possibilité d'accéder à l'emploi ou au logement qu'il mérite, et au prêt bancaire pour financer ses projets.

Selon les données de l'Insee, près d'un Français sur cinq déclare avoir été victime de discrimination au cours des cinq dernières années. Parmi les personnes immigrées et leurs descendants, 82 % déclarent ressentir des discriminations liées principalement à leur origine ou à leur couleur de peau. L'accès à l'emploi et l'accès au logement sont particulièrement concernés. L'être humain ne manque jamais d'imagination quand il s'agit d'écarter son semblable pour ses différences.

Ces discriminations frappent aussi les femmes tout au long de leur vie, qu'elles soient proches de connaître la maternité ou qu'elles soient considérées par certains comme trop âgées pour exercer leur métier. Elles n'épargnent pas non plus les personnes en situation de handicap, les personnes LGBT+ ou les seniors. Il est donc grand temps d'agir.

Cette proposition de loi concrétise la promesse faite par le Président de la République de lutter plus efficacement contre les discriminations dans notre pays. Elle est en parfaite adéquation avec la volonté du Gouvernement et s'inscrit dans le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine pour les années 2023 à 2026, annoncé en janvier 2023 par la Première ministre. Je suis chargée de développer ce plan et cette politique publique avec détermination, pour que nous obtenions enfin des résultats concrets.

Je me réjouis que la commission des lois de l'Assemblée nationale ait adopté cette proposition de loi défendue par le député Marc Ferracci dont je tiens à saluer l'engagement sur ces sujets essentiels.

Ce texte comporte des mesures cruciales pour lutter contre des discriminations qui vont à l'encontre de nos valeurs républicaines et de l'idéal de méritocratie.

Il souligne l'ambition de lutter contre les pratiques discriminatoires, en utilisant des tests statistiques et individuels. Il contribue à la justice sociale et à la cohésion de notre pays en montrant à chaque citoyen que ses origines, sa couleur de peau, sa supposée religion, son âge ou encore son orientation sexuelle ne devraient jamais entraver ses chances d'emploi ou limiter son accès au logement et aux crédits bancaires.

Certaines personnes sont contraintes de changer de nom et de mentir sur leur âge ou leur adresse pour échapper à ces discriminations. Souvent, la résignation les gagne. Cette proposition de loi vise précisément à leur redonner espoir et à leur permettre d'obtenir réparation. Pour changer les choses en profondeur, il nous faut d'abord changer les comportements des entreprises et des administrations.

Pour atteindre cet objectif, ce texte renforce l'arsenal de lutte contre les discriminations en généralisant le testing statistique, lequel consiste à envoyer des candidatures fictives à des employeurs qui vont se différencier par des critères de discrimination. Cela permettra de collecter des données à grande échelle pour analyser les situations rencontrées par nos concitoyens et détecter les entreprises ou les administrations discriminantes.

L'objectif est de permettre le test de 500 entreprises en 2024. Celles qui seront identifiées comme défaillantes et qui n'auront pas engagé les actions nécessaires pour limiter les discriminations se verront signalées par la publication des résultats des tests. Le texte prévoit donc d'encadrer le name and shame pour sécuriser la publication de ces résultats.

Certains nous signaleront que l'arsenal juridique existe déjà. Ils auront raison : depuis le début des années 2000, le principe des tests est un outil de preuve dans le cadre d'une action en justice. Mais cela ne fonctionne pas. En 2020, il n'y a eu, en France, aucune condamnation pénale en matière de discrimination. Aucune. Nous devons donc rendre plus effectif le droit à la réparation.

Cette proposition de loi va permettre de recréer un parcours de justice pour les personnes qui se sentiront discriminées. Le testing individuel va se concentrer sur des situations de discrimination vécues par des personnes réelles. Au lieu de collecter des données à grande échelle, cette approche se base sur les signalements de discrimination faits par les victimes elles-mêmes. Ces signalements sont examinés afin de déterminer si une discrimination a effectivement eu lieu et d'apporter à la victime un soutien à sa démarche juridique.

Dans la lutte contre les discriminations, le testing statistique et le testing individuel sont complémentaires. Je soutiens ces pratiques car je nourris beaucoup d'espoir quant aux résultats qu'ils obtiendront. Le dispositif global s'appuiera sur la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui aura pour mission d'organiser les tests statistiques à grande échelle. Il ne s'agit pas de concurrencer le Défenseur des droits – qui fait un travail reconnu pour identifier et combattre les inégalités de notre société – mais plutôt de proposer une approche complémentaire.

Dans ce cadre, la proposition de loi prévoit la création d'un comité des parties prenantes incluant des parlementaires, des experts des sujets économiques, juridiques et sociaux, ainsi que le représentant du Défenseur des droits – sa composition, je le sais, occupera une partie de nos débats. Son rôle principal serait de choisir la méthodologie des testings et de déterminer les actions correctrices que les entreprises et les administrations discriminantes pourraient mettre en place.

Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi représente une étape cruciale dans notre lutte contre les discriminations. Un tel combat ne devrait pas être une question de couleur politique ; il transcende les clivages politiques, tant il est évident que nous avons l'obligation d'agir.

Je suis donc convaincue qu'une majorité peut être trouvée sur ce texte. Nos concitoyens attendent de nous que nous soyons à la hauteur de cette question. C'est ainsi que nous ferons vivre la promesse républicaine d'égalité.

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