Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du vendredi 1er décembre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Madame Genevard, nous nous sommes posé la même question que vous et nous y avons répondu de la même manière que le rapporteur. Du coup, nous avons procédé différemment s'agissant des deux points que vous mentionnez.

Concernant la libération conditionnelle ou l'aménagement de peine, ils ne sont possibles que pour les Français sortant de prison et devant se réintégrer à la société française. L'étranger, lui, a vocation à quitter le territoire national s'il a commis un crime ou un délit relevant de l'article 9 ou de l'article 10. Avec le Sénat, sur proposition du Gouvernement, nous avons donc créé l'article 9 bis relatif à la libération sous contrainte. Celle-ci correspond exactement au principe de la liberté conditionnelle quand il s'agit de s'insérer ; mais dans le cas de l'étranger délinquant, s'il a commis un acte assez grave pour avoir été condamné à de la prison ferme, la condition n'est pas la réinsertion, mais le départ vers le CRA (centre de rétention administrative), puis la sortie du territoire. Ainsi, l'article 9 bis satisfait une grande partie de votre amendement.

Concernant le régime du JLD, la Constitution prévoit expressément son intervention. En outre, comme l'a très bien dit le rapporteur, quand bien même on la modifierait sur ce point, incontestablement, votre proposition pourrait être jugée inconstitutionnelle sur le fondement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946.

Cependant, nous avons proposé des modifications du régime du JLD, qui devraient faire l'objet de longs débats avec la gauche de l'hémicycle. Il s'agit que ce juge ne s'intéresse plus seulement à la procédure, mais prenne aussi en compte dans sa décision la dangerosité des personnes, en l'occurrence des étrangers délinquants, comme vous le souhaitez. Ainsi, même en cas de nullité de procédure – parce que la police aux frontières aurait oublié un cachet ou à cause de difficultés liées au pays d'origine –, le JLD ne pourra pas libérer la personne. C'est aujourd'hui notre problème principal : les étrangers restent en moyenne 34 jours en CRA alors qu'on pourrait les y garder jusqu'à trois mois, parce qu'ils sont libérés par le JLD, notamment au tout début de la procédure. Ces nouvelles dispositions satisfont ainsi une autre partie de votre amendement.

Il est vrai que nous ne répondons pas entièrement à votre demande, pour des raisons constitutionnelles. Mais l'article 9 bis remédie pleinement au problème de l'étranger qui bénéficie d'un aménagement de peine – ce que je trouve scandaleux tout comme vous, raison pour laquelle nous changeons la loi de la République. Sur ce point, le compromis trouvé avec le Sénat nous paraît tout à fait constitutionnel. En ce qui concerne le JLD, nous faisons le maximum possible, mais je ne suis pas tout à fait certain que nous ayons dans la Constitution toutes les armes pour le faire. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre de la proposition de loi constitutionnelle de votre groupe : il s'agit de déterminer comment, tout en gardant la possibilité d'un juge indépendant et en respectant la séparation des pouvoirs, intégrer le critère de dangerosité dans la décision du JLD – sachant que le CRA n'est pas un lieu de punition en attendant une décision, mais un lieu de rétention en attendant une expulsion.

Avis défavorable, mais, sur le fond, votre amendement est très largement satisfait.

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