Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 29 novembre 2023 à 15h00
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique :

L'aboutissement des deux négociations, l'une, sur l'accord européen, l'autre, sur notre future régulation nationale du marché de l'électricité, est un apport majeur pour notre avenir énergétique. Le Président de la République s'y était engagé, nous l'avons fait.

Cet aboutissement constitue une réponse forte aux hausses record des prix de l'énergie et au bouleversement de nos circuits d'approvisionnement provoqué par l'agression de l'Ukraine par la Russie. Il est un élément essentiel pour bâtir la souveraineté énergétique de notre pays et reprendre le contrôle sur les prix de l'électricité, comme l'a souhaité le Président de la République.

Ces deux négociations vont de pair avec une stratégie énergétique consistant à produire massivement de l'énergie décarbonée – nucléaire comme renouvelable – et à poursuivre notre mobilisation générale en faveur de la sobriété et de l'efficacité énergétiques. Il n'y a pas d'autre chemin si nous voulons répondre aux besoins massifs d'électricité que susciteront demain notamment l'électrification des transports et la décarbonation de l'industrie – nous avons d'ores et déjà signé des contrats de transition écologique avec les cinquante sites industriels les plus émetteurs. Il n'y a pas d'autre chemin si nous voulons rester dans la course mondiale face aux États-Unis et à la Chine.

Une France souveraine, c'est une France qui maîtrise sa production et sa consommation d'énergie. Avec le Président de la République et la majorité présidentielle, nous avons posé les fondations pour bâtir cette souveraineté énergétique et concilier lutte contre le dérèglement climatique et compétitivité de notre pays.

Sur le plan européen, enfin, le nucléaire ne constitue plus un tabou à Bruxelles. C'était pourtant loin d'être évident, mais j'ai fait le choix de porter ce combat pendant que d'autres ne cessaient de prôner une sortie inefficace du marché européen de l'énergie. Casser le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre.

Avec l'aide précieuse du groupe parlementaire européen Renew Europe, l'Alliance du nucléaire, que j'ai créée et qui rassemble quatorze États membres, a obtenu que le nucléaire soit reconnu comme une énergie indispensable à notre futur décarboné. Elle a réussi à faire adopter le principe de neutralité technologique dans des textes majeurs, comme la directive sur les énergies renouvelables ou la réforme du marché de l'électricité. Elle a supporté la filière nucléaire d'excellence, tant européenne que française, à travers la création d'une alliance industrielle pour les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR), que la Commission vient d'annoncer, ou encore l'inclusion des technologies nucléaires dans le règlement pour une industrie à zéro émission nette.

Enfin, cette alliance a contribué à atteindre le triple objectif visé par la réforme de l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union : premièrement, découpler les prix du gaz de ceux de l'électricité pour empêcher l'envolée des prix de l'électricité en cas de tension sur le marché des énergies fossiles – une situation que nous avons connue récemment ; deuxièmement, stabiliser les prix de l'électricité sur le long terme ; troisièmement, sécuriser nos approvisionnements énergétiques grâce à la solidarité européenne. Cet accord constitue donc une étape importante pour améliorer le fonctionnement européen et engager une réforme de notre régulation nationale dans les meilleures conditions.

Sur le plan national, nous vivons un point de bascule. Si notre pays a réussi le pari de décarboner sa production d'électricité grâce au choix historique de construire l'un des plus grands parcs nucléaires au monde, nous devons aujourd'hui décarboner l'ensemble de notre mix énergétique dans lequel les énergies fossiles, en majorité gaz et pétrole, représentent encore 60 % de la consommation d'énergie totale.

Pour réussir ce défi, nous disposons de quatre leviers très ambitieux : la sobriété, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire. Refuser de mobiliser l'un de ces leviers pour des raisons idéologiques serait irresponsable, car cela compromettrait gravement l'atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques, et celle de notre souveraineté énergétique et économique.

En prenant 100 % du capital d'EDF, nous faisons de cette entreprise de service public le bras armé de notre politique énergétique. Nous choisissons de prolonger autant que possible la durée de vie de nos cinquante-six réacteurs existants, dans le respect de conditions de sûreté de haut niveau. Nous avons également lancé un programme de construction de six EPR2, et la mise à l'étude de huit unités supplémentaires. Ce programme constitue une nouvelle épopée industrielle. Il doit être une fierté pour notre pays, pour nos territoires, notamment pour les emplois que nous créerons grâce à cette relance. Nous renouons enfin avec l'esprit de la France des bâtisseurs.

Nous investissons également massivement dans l'amont et l'aval du cycle énergétique, ainsi que dans des projets de recherche et de mise au point de futurs réacteurs modulaires, pour que notre pays reste à la pointe technologique. J'ai d'ailleurs annoncé lundi, en marge du World Nuclear Exhibition (WNE), les noms des six lauréats de l'appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » lancé dans le cadre du plan France 2030 et doté d'une enveloppe de 1 milliard d'euros. Au total, l'État soutient neuf projets innovants de nouveaux réacteurs modulaires ; d'autres sont en cours d'instruction.

C'est dans ce contexte que Bruno Le Maire et moi avons négocié avec EDF pour définir la régulation du marché de l'électricité qui succédera à l'Arenh en 2026. L'accord obtenu, actuellement en consultation publique, a trouvé un équilibre entre trois impératifs : le maintien de la compétitivité de notre industrie, la stabilisation des prix pour les ménages, la capacité pour EDF de poursuivre son développement et ses investissements.

À la différence de propositions de loi irresponsables, que votre commission a d'ailleurs légitimement rejetées, cet accord fixe des paramètres clairs. Il garantit un prix de l'électricité nucléaire moyen autour de 70 euros par mégawattheure (MWh) en euros de 2022. Ce prix constitue à la fois un gage de stabilité, de visibilité et de protection des Français et des entreprises.

Un gage de stabilité, d'abord, car il évitera de revivre une nouvelle envolée de prix. C'est un impératif majeur pour le pouvoir d'achat des Français, pour la compétitivité de notre économie et pour la réindustrialisation de notre pays. Ce prix couvrira aussi de façon soutenable l'ensemble des coûts du nucléaire existant ainsi que les investissements à venir, liés en particulier au programme nouveau nucléaire.

Un gage de visibilité, ensuite, car il permettra de développer des contrats de long terme. Il s'agit là d'une révolution, car les contrats actuels sont de court terme. EDF définira une politique commerciale adaptée aux besoins des différents consommateurs. Les industriels se verront proposer des contrats de partenariat de long terme prévoyant un partage des risques. EDF s'engagera à vendre sa production à moyen terme, sur quatre à cinq ans, ce qui permettra aux fournisseurs alternatifs de bâtir également des offres de long terme et les incitera à développer leurs propres capacités de production.

Un gage de protection des Français et des entreprises, enfin, car il instaure un mécanisme de redistribution des bénéfices au delà de niveaux de prix définis. Il s'agit, en d'autres termes, d'un mécanisme anticrise de nature à amortir une future hausse des prix, un bouclier tarifaire permanent qui ne pèse pas sur les finances publiques. Pour rappel, le bouclier tarifaire sur l'électricité a coûté 40 milliards d'euros.

Deux niveaux de prélèvement sont fixés : le premier, partiel, autour de 80 euros par MWh en euros de 2022, et le second, quasi-total, à partir de 110 euros par MWh en euros de 2022.

Cette nouvelle régulation corrige plusieurs défauts du marché tel qu'il fonctionne, qui ont lourdement pesé dans la crise énergétique. Elle permet d'abord de déconnecter le prix de l'électricité du prix du gaz, une aberration à l'origine de la flambée des prix de l'électricité, contre laquelle l'Arenh ne nous a pas protégés. Elle fait également en sorte que la redistribution bénéficie directement aux consommateurs : elle figurera sur sa facture, quel que soit le fournisseur, et il n'y aura pas de guichet réservé aux fournisseurs alternatifs comme c'est le cas actuellement. C'est une garantie de transparence vis-à-vis des consommateurs. Enfin, cette régulation préserve les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) pour les ménages et les petites entreprises. Ils seront étendus à toutes les TPE (très petites entreprises) puisque nous supprimerons le seuil de puissance maximale de 36 kilovoltampères (kVA). Cette évolution était très attendue.

Les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle régulation figureront dans la future loi relative à la souveraineté énergétique de la France, qui sera présentée en conseil des ministres en début d'année prochaine. D'ici là, nous aurons sans doute des occasions d'échanger sur ce texte.

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