Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 29 novembre 2023 à 15h00
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Monsieur Laisney, j'ignore comment vous pouvez disposer de l'avis du CNTE, puisque je viens de le quitter, avec Mme Laernoes, et il n'avait pas terminé son examen.

Plusieurs de vos autres affirmations sont inexactes. Le CSFPE s'intéresse à l'aspect statutaire de la réforme, pas à celui de la sûreté nucléaire. Je n'ai pas snobé la CLI ; je devais ce jour-là représenter le Président de la République au salon mondial du nucléaire civil (WNE), en compagnie du commissaire européen Thierry Breton et de mes homologues tchèque et roumain. Hier soir, de vingt heures à vingt-deux heures, j'ai réuni les présidents de CLI pour faire un point sur le projet de loi sur le nucléaire – Mme Petel et M. Saint-Huile étaient d'ailleurs présents et peuvent en témoigner. Je rencontrerai les salariés de l'IRSN la semaine prochaine et nous organiserons nous-mêmes la réunion pour qu'elle ne coûte pas 140 000 euros. C'est l'institut qui avait organisé la réunion ; chaque organisateur a son fonctionnement mais il est sans doute possible d'être plus sobre.

Monsieur Martinet, je ne sais pas d'où vous sortez cette augmentation de 70 %. Il ne faut pas confondre 42 euros sur une partie de la production nucléaire et un prix moyen de 70 euros du MWh sur tout le nucléaire ; ce sont deux tarifs différents. Aujourd'hui, avec le gel des TRVE, la composante électricité du prix que paient les ménages s'élève à 110 euros.

Que fait le Gouvernement pour aider les Français à passer l'hiver ? Il prend en charge 37 % de la facture : c'est le bouclier électricité, que nous prolongeons l'année prochaine pour que la facture n'augmente pas de plus de 10 %.

Monsieur Potier, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont en effet très mobilisés dans le travail de planification énergétique, et je les en remercie. Un décret n'est pas nécessaire au stade de la définition des zones d'accélération. Il en faut un, en revanche, pour les installations agrivoltaïques. Je présenterai demain, avec le président des chambres d'agriculture, un guide de mise en œuvre de l'agrivoltaïsme élaboré par ces mêmes chambres, qui comporte des recommandations adaptées à chaque département. Quant au décret, il sera transmis au Conseil d'État dans les prochains jours, pour une publication prévue au mois de janvier 2024.

La planification est en cours. Les communes prennent déjà les premières décisions concernant les zones d'accélération. Elles ne sont, en effet, pas toujours assez armées en ingénierie ou en effectifs pour mener à bien cet exercice difficile ; aussi ai-je sollicité l'association Intercommunalités de France pour venir en aide à celles qui font partie d'une intercommunalité. Reste que le Parlement a tranché et je respecte sa décision. Peut-être aurait-elle été différente si elle avait été prise quelques mois après les élections sénatoriales, mais ce que la loi a fait, la loi peut le défaire.

Monsieur Marchive, nous devons en effet donner de la visibilité aux entreprises pour l'année prochaine. Nous allons prolonger la garantie du plafond à 280 euros par MWh pour l'ensemble des contrats souscrits par les petites entreprises. Nous allons également prolonger l'amortisseur, avec une couverture du coût de l'électricité de 75 % déclenchée à partir d'un seuil relevé à 250 euros par MWh et sans le plafond de 500 euros que certains se voyaient imposer, et cela pour les contrats signés avant le 30 juin 2023, au moment où les prix de l'électricité étaient au plus haut. Il s'agit d'un véritable effort du Gouvernement pour « nettoyer » la situation des dernières entreprises encore tenues par des contrats très lourds pour les années 2024 et 2025.

J'en profite pour annoncer que le bouclier sera également prolongé pour les logements collectifs.

Monsieur Bouyx, l'accord européen permet trois choses. Tout comme en France, il oblige le marché européen à donner des signaux de long terme et de la maturité aux contrats : plus ils se rapprochent de cinq ans, moins les prix sont volatils et sensibles à une augmentation ponctuelle des coûts d'une énergie fossile due à un incident, comme une raffinerie qui brûle à l'autre bout du monde. Le prix de l'électricité reflète alors mieux la réalité des coûts de production – c'est en tout cas l'objectif –, ce qui donne de la visibilité aux producteurs et aux industriels pour leur processus de décarbonation par l'électrification.

Les clauses de protection du consommateur sont également renforcées par l'obligation faite aux fournisseurs, soit de s'adosser à la production physique, soit de se fixer des ratios prudentiels pour pouvoir respecter leurs engagements en matière de volumes à livrer.

Monsieur de Courson, le prix de 70 euros du MWh couvre le carénage et le nouveau nucléaire, mais pas les réseaux, qui sont, eux, financés par le Turpe – celui-ci a vocation à évoluer grosso modo au rythme de l'inflation, hors période de crise, aux alentours de 2 %, monsieur Bazin. Les 70 euros du MWh représentent donc la réalité des coûts du nucléaire français. Ils permettent de ne pas augmenter la dette qu'EDF a endossée en maintenant des prix de l'électricité très bon marché quand d'autres opérateurs profitaient de cette manne pour se désendetter.

Une convention existe en effet entre l'ASN et l'IRSN ; elle comprend neuf accords-cadres et est négociée tous les cinq ans. De plus, une négociation a lieu chaque année pour définir l'allocation prioritaire des ressources et des moyens. Dans une configuration semblable d'une année sur l'autre, le système fonctionne, mais lorsque la charge de travail évolue et nécessite une adaptation au gré des changements de priorité des dossiers, la négociation doit devenir permanente. C'est pourquoi nous proposons, comme cela se fait d'ailleurs naturellement, de regrouper toutes les personnes chargées de la même mission au sein d'une entité unique. La définition des priorités, qui relève de la simple gestion d'une mission de service public, sera conduite en interne. Elle permettra d'écourter les délais de réponse en évitant la concertation avec l'autre entité chaque fois qu'une nouveauté se produira. Pour reprendre l'exemple de Civaux, plusieurs mois ont été perdus pour la reconnexion d'un réacteur au réseau du fait de cette coordination forcément imparfaite entre l'ANS et l'IRSN, chaque entité ayant son propre comité de direction et poursuivant un intérêt social différent. Toutes deux ont pourtant les mêmes missions et devraient donc être au service du même intérêt social.

Vous vous interrogez sur la viabilité économique des SMR. L'avenir nous le dira ; nous en sommes au stade de la recherche-développement et de l'innovation. Je ne saurais vous dire si la pyrogazéification sera compétitive, mais je soutiens cette innovation, car c'est le rôle de l'État de « dérisquer » ce type de projet et de préparer l'avenir, en matière d'énergies renouvelables comme de nucléaire. On peut penser que le projet Nuward, plus avancé et mobilisant des technologies moins disruptives que d'autres projets, serait à même d'atteindre un équilibre économique.

Madame Laernoes, je vous renvoie aux documents de concertation qui explicitent la redistribution : celle-ci est visible directement sur la facture du consommateur et tient compte de son profil de consommation quotidien, conformément aux dispositions réglementaires du marché européen de l'électricité.

Je le répète, la dette d'EDF est liée à son engagement pour fournir les Français en électricité. C'est le prix du service public et c'est aussi celui des difficultés à produire de l'électricité ces dernières années. Nous travaillons donc sur la performance opérationnelle d'EDF.

Nous discutons, bien évidemment, avec les fournisseurs alternatifs des questions de « plomberie », de transparence, de réplicabilité. Ils ont fait un travail formidable, l'année dernière, pour installer en deux mois l'amortisseur et le bouclier énergétique. Nous avons maintenant deux ans pour reprendre avec eux le travail de tuyauterie. Je les ai d'ailleurs réunis la semaine dernière, pendant deux heures.

Madame Petel, l'indépendance des chercheurs dans la nouvelle organisation est garantie par le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) de l'entité future, qui se verra conférer par la loi l'ensemble des attributions et prérogatives d'un organisme de recherche, comme le recrutement de ses chercheurs, thésards et post-doctorants. Nous y avons travaillé en concertation avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En matière de sûreté nucléaire, nous allons plus loin que les recommandations internationales, qui visent l'indépendance vis-à-vis des opérateurs. Nous, nous l'assurons vis-à-vis du Gouvernement, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas pour l'IRSN, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sans gouvernance indépendante. En devenant une AAI, il obtient cette indépendance pleine et entière non seulement par rapport aux opérateurs, ce qui était déjà le cas, mais aussi par rapport au Gouvernement. La déontologie de l'ASN, et généralement d'une AAI, est très observée. L'IRSN connaissait davantage de mouvements et gagnera donc en indépendance.

La recherche implique également des acteurs industriels. C'est un aspect très important que nous entendons maintenir en l'entourant de règles déontologiques. Lorsque les recherches sont faites avec des acteurs internationaux, il n'y a pas de problème car il n'y a pas de relation de contrôle ; sinon, les règles de déontologie auxquelles nous travaillons s'avèrent nécessaires.

Monsieur Armand, vous avez raison, la souveraineté énergétique est bien au cœur de ce projet de loi. Qu'on l'appelle loi de programmation, de régulation ou de protection du consommateur, au fond, il s'agit d'affronter le mur énergétique qui nous attend en 2030, en prenant maintenant des décisions qui ne nous mettent pas demain dans une situation d'hiver énergétique. Vous y avez travaillé dans la mission transpartisane que vous avez conduite avec Raphaël Schellenberger, et nous voulons en parler avec le Parlement, que je sais très engagé sur le sujet, Sénat comme Assemblée nationale. C'est parce que nous aurons ces quatre piliers de sobriété, d'efficacité, d'énergies renouvelables et de nucléaire que nous pourrons assurer la souveraineté électrique et énergétique de notre pays.

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