Intervention de Marc Véron

Réunion du jeudi 9 novembre 2023 à 15h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Marc Véron, ancien directeur général délégué fret de la SNCF, ancien président du directoire de la société du Grand Paris :

Comme, dans la période précédente, le mot d'ordre était d'assurer tous les types de trafic, l'option du wagon isolé fut largement explorée. Je n'ai jamais nourri d'opposition de principe au wagon isolé, mais la comptabilité analytique – du moins, celle que l'absence de filialisation nous permettait de réaliser – montrait que les opérations de wagon isolé étaient extrêmement lourdes – peut-être le sont-elles encore, je l'ignore. Alors qu'un même individu effectue toutes les opérations dans le camionnage, plusieurs personnes sont nécessaires pour le wagon isolé – quelqu'un est chargé de l'aiguillage, quelqu'un d'autre accroche et décroche les wagons, etc. S'il n'y a pas d'organisation du travail ni de contenu de poste spécifique, il n'est pas possible de supprimer cette pesanteur et de développer le wagon isolé. Pour illustrer mon propos, je voudrais rappeler que les étapes d'un chauffeur étaient calculées pour qu'il puisse rentrer chez lui le soir : sur un parcours de plusieurs centaines de kilomètres, le trafic s'arrêtait au bout de 150 kilomètres pour que le chauffeur puisse dormir chez lui – de temps en temps, il prenait même un taxi.

Comme vous le voyez, ma défense de la filialisation du fret n'avait rien de théorique : nous devions faire face à une réalité proprement incroyable. Pour que le wagon isolé soit rentable, il faut concevoir une tout autre organisation industrielle que celle qui existait à ce moment-là. Comme nous ne pouvions pas faire évoluer les rôles des agents, nous avons supprimé des wagons isolés. Au moment de mon départ, nous avons cessé d'utiliser la gare de triage d'Achères, autrefois très importante : c'est évidemment fâcheux, comme la fermeture de la gare de triage de Somain, dont s'est plaint l'un de vos collègues. Dans l'industrie, on ne peut pas tout avoir, il faut choisir : ou bien les modes traditionnels d'exploitation sont conservés et l'activité est appelée à s'éteindre, ou bien des remèdes sont appliqués et l'activité peut, dans certains cas, se poursuivre. La SNCF a fait un choix : ce n'est pas celui pour lequel j'aurais opté, et il ne faut pas s'étonner que l'on se pose en 2023 les mêmes questions qu'à cette époque-là.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion